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Joseph Ratzinger explique Jean-Paul II (2)

(1er Mai 2011)

-> 1ère partie ici:
Joseph Ratzinger explique Jean-Paul II (1)

Dans la deuxième partie, Joseph Ratzinger tente de comprendre et d'expliquer la formation intellectuelle de Jean-Paul II.
C'est un philosophe.
Mais sa philosophie n'est pas celle que l'on apprend dans les livres, pour réussir un examen. C'est une philosophie ancrée dans le concret, une philosophie de l'homme. D'abord la philologie, puis la phénomologie: "cette intelligence de l'homme, non pas à partir d'abstractions et de principes théoriques, mais en essayant de saisir dans l'amour sa réalité, ont été et demeurent essentielles dans la pensée du Pape".

Points saillants:


(...)
La vocation de Karol Wojtyla mûrit alors qu'il travaillait dans une usine de produits chimiques, pendant les horreurs de la guerre et de l'occupation. Lui-même a défini cette période de quatre ans, vécue dans le milieu ouvrier, comme la phase de formation la plus déterminante de sa vie. Dans ce contexte, il étudia la philosophie, l'apprenant avec peine des livres, et l'apprentissage philosophique se présentait d'abord comme une jungle impénétrable.
Son point de départ a été la philologie, l'amour pour le langage, combiné à l'application artistique du langage, comme représentation de la réalité dans une nouvelle forme de théâtre. Cela a conduit à ce type particulier de «philosophie» caractéristique du pape actuel. Il s'agit d'une pensée en dialectique avec le concret, une pensée fondée sur la grande tradition, mais toujours à la recherche de sa vérification dans la réalité actuelle. Une pensée qui jaillit d'un regard artistique et en même temps, est guidée par le soin du pasteur: adressée à l'homme pour lui montrer le chemin.

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Il me semble intéressant de parcourir l'espace d'un instant la série chronologique des auteurs déterminants qu'il a rencontrés tout au long du processus de sa formation.
Le premier a été, comme il le raconte dans son entretien avec André Frossard, un manuel d'introduction à la métaphysique. Si d'autres étudiants tentent seulement de comprendre d'une certaine façon toute la logique du cadre conceptuel défini dans le texte et de la fixer dans leur mémoire en vue de l'examen, en lui, au contraire, se mit en place une bataille pour une vraie compréhension, c'est-à-dire pour appréhender la relation entre concept et expérience, et effectivement, après deux mois de dur labeur, vint "l'éclair": "j'ai découvert quel sens profond avait tout ce que j'avais auparavant seulement vécu et pressenti".

Puis vint la rencontre avec Max Scheler (1), et donc avec la phénoménologie (2).
Cette orientation philosophique avait comme préoccupation, après des débats sans fin sur les limites et les possibilités de la connaissance humaine, de voir simplement les phénomènes tels qu'ils apparaissent dans leur variété et leur richesse. Cette précision du "voir", cette intelligence de l'homme, non pas à partir d'abstractions et de principes théoriques, mais en essayant de saisir dans l'amour sa réalité, ont été et demeurent essentiellee dans la pensée du Pape. Enfin, il a découvert très tôt, avant même la vocation à la prêtrise, l'oeuvre de Saint Jean de la Croix, à travers laquelle s'ouvrit à lui le monde de l'intériorité, "de l'âme mûrie dans la grâce".

Les éléments métaphysique, mystique, phénomologique, esthétique, se reliant entre eux, ouvrent tout grand le regard vers les multiples dimensions de la réalité et deviennent finalement une unique perception synthétique, capable de se confronter avec tous les phénomènes et d'apprendre à les comprendre, justement en les transcendant. La crise de la théologie post-conciliaire est en grande partie une crise de ses fondements philosophiques. La philosophie présentée dans les écoles théologiques manquait de richesse de perception; il lui manquait la phénoménologie, il lui manquait la dimension mystique. Mais, quand les fondements philosophiques ne sont pas expliqués, le sol vient à manquer sous les pas de la théologie. Parce qu'alors, on ne sait pas de façon claire dans quelle mesure l'homme connaît vraiment la réalité, et quelles sont les bases à partir desquelles il peut penser et parler.

Donc, il me semble que c'est une disposition de la Providence qu'en cette période, la chaire de Pierre ait échu à un «philosophe», qui fait de la philosophie non comme une science livresque, mais en partant de l'effort nécessaire pour faire face à la réalité, et de la rencontre avec l'homme qui cherche et qui demande.
Wojtyla a été et est l'homme. Son intérêt scientifique a toujours été plus marqué par sa vocation de pasteur. Ainsi, on comprend comment sa collaboration à la Constitution conciliaire sur l'Église dans le monde moderne, dont le texte est déterminé de manière centrale par la préoccupation pour l'homme, est devenu une expérience décisive pour le futur pape.

"La voie de l'Église est l'homme".
Cette thèmatique, très réelle et très radicale dans sa profondeur, s'est toujours trouvée, et se trouve encore au centre de sa pensée, qui est en même temps action. Le résultat est que la question de la théologie morale est devenue le centre de son intérêt théologique. Cela aussi était une prédisposition humaine importante, concernant la tâche du pasteur suprême de l'Église. D'autant plus que la crise de l'orientation philosophique se manifeste du point de vue théologique surtout comme crise de la norme théologico-morale.
Là se trouve le lien entre la philosophie et la théologie, le pont entre la recherche rationnelle sur l'homme et le devoir théologique, et il est absolument évident qu'on ne peut s'y soustraire.
Là où la métaphysique ancienne s'écroule, les commandements perdent leur lien intérieur: alors la tentation est grande de les réduire au plan uniquement historico-culturel. Wojtyla avait appris de Scheler à approfondir, avec une sensibilité humaine jusque-là inconnue, l'essence de la virginité, le mariage, la maternité et la paternité, le langage du corps et, par conséquent, l'essence de l'amour. Il a assumé dans sa pensée, les nouvelles découvertes du personnalisme, mais ainsi, il a également appris de façon nouvelle à comprendre que le corps lui-même parle, que la création nous parle et trace pour nous les chemins à parcourir: la pensée de l'ère moderne a ouvert pour la théologie morale une nouvelle dimension, et Wojtyla l'a perçue en une continuelle implication de réflexion et d'expérience, de vocation pastorale et spéculative et l'a inclus dans son unité avec les grands thèmes de la tradition.

Un autre élément a été important pour ce parcours de vie et de pensée, pour l'unité de l'expérience, de la pensée et la foi. Toute la lutte de cet homme n'a pas eu lieu dans un cercle plus ou moins privé, dans l'espace intérieur d'une usine ou d'un séminaire. Cette lutte a été baignée dans les flammes de la grande histoire.

... A suivre.
* * * *

(1) Max Scheler, 1874-1928, philosophe et sociologue allemand, Karol Wojtyla lui consacra sa thèse en 1953
(2) La phénoménologie prend pour point de départ l'expérience en tant qu'intuition sensible des phénomènes afin d'essayer d'en extraire les dispositions essentielles des expériences ainsi que l'essence de ce dont on fait l'expérience. La phénoménologie est la science des phénomènes, c'est-à-dire la science des vécus par opposition aux objets du monde extérieur

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