Articles Images La voix du Pape Lecture, DVD Visiteurs Sites reliés Recherche St-Siège
Page d'accueil Articles

Articles


60 ans de sacerdoce Saint-Marin, 19 juin Avec les tsiganes, 11 juin Croatie, 4-5 juin 2011 A bord de la Navette spatiale 7-8 mai: Aquilée et Venise Béatification de JP II Voyages 2011

Pédophilie dans l'Eglise: rapport du J.Jay College

Massimo Introvigne a décortiqué le rapport de 150 pages - à lire aussi, éventuellement, en VO! (30/5/2011)

Mars 2010, c'était le "pic" des attaques médiatiques contre le Pape et l'Eglise, autour des affaires de pédophilie dans le clergé.
Rarissimes sont ceux qui, à l'instar de Massimo Introvigne, se sont battus véritablement comme des lions pour défendre (j'insiste sur ce mot) le Saint-Père et l'Eglise (1).
Il l'a fait en publiant immédiatement un commentaire magistral "Prêtres pédophiles: un cas de panique morale" (que j'avais traduit en hâte ici: http://benoit-et-moi.fr/2010-I/.. , et qui a été pas mal repris en France), et il citait en particulier une étude commandée en 2004 par l'épiscopat américain, au John Jay College of Criminal Justice , de la City University of New York.
Une seconde étude a été commandée récemment, et ses conclusions viennent d'être publiées. La presse y a vaguement fait allusion, par exemple ici:


J'ai eu du mal à trouver la totalité du rapport sur internet.
On peut le télécharger au format pdf ici.
Il fait plus de 150 pages, et je n'ai évidemment aucune intention de le lire pour l'instant. Mais je le garde, au cas où.
J'y ai capturé les deux courbes utilisées dans l'article (fig.1 et fig.2 ci-dessous).

Mais en préambule de la synthèse de texte faite par Massimo Introvigne, je crois important de souligner ceci:
La City University of New York (dont fait partie le John Jay College) n'est pas une université catholique, c'est même un temple du «politiquement correct». Les évêques américains ont financé l'étude, mais n'ont en aucune façon influencé les résultats.



Prêtres pédophiles: le rapport du John Jay College et les maux de 68
Massimo Introvigne

La Bussola, 20-05-2011

Les États-Unis sont le pays du monde où l'Eglise catholique a été le plus touchée par la tragédie des prêtres pédophiles. C'est aussi le pays où cette tragédie est la mieux connue grâce à la décision historique des évêques américains de commander à l'une des institutions académiques les plus respectées dans le monde de la criminologie, le John Jay College de la City University of New York, la plus grande étude jamais réalisée sur le sujet à l'échelle internationale. La City University of New York n'est pas une université catholique, c'est même un temple du «politiquement correct». Les évêques américains - pas seuls - ont financé l'étude, mais n'ont en aucune façon influencé les résultats. Le John Jay College a produit un premier rapport en 2004, qui analyse de manière minutieuse des statistiques se référant aux 52 années de 1950 à 2002, un rapport complémentaire en 2006, et maintenant une nouvelle étude, publiée en mai 2011, intitulée "Les causes et le contexte des abus sexuels sur des mineurs par des prêtres catholiques aux Etats-Unis, 1950-2010. "

L'étude, comme cela arrive toujours dans ces cas, doit être lue en entier, alors que beaucoup d'agences de presse ont déjà asséné leurs communiqués, en soulignant cinq lignes - par ailleurs mal comprises - qui sembleraient exclure toute corrélation entre la crise des prêtres pédophiles et l'homosexualité.
Le but du rapport de 2011 - après la présentation, en 2004, de données précises pour répondre à la question sur «combien» prêtres abusent des mineurs - est d'affronter le problème encore plus difficile, le «pourquoi» ils l'ont fait.

La nouvelle étude commence par résumer et mettre à jour les données quantitatives qui, sept ans après le rapport de 2004 - dont on trouvera un résumé dans mon livre <Preti Pedofili> (Ed. San Paolo, 2010) - sont encore mal connues, en particulier en Italie. L'étude de 2004 signalait qu'en l'espace de cinquante ans, de 1950 à 2002, 4 392 prêtres américains sur un total d'environ 109 000 qui avaient exercé le ministère, soit 4%, avait été accusés d'avoir des rapports sexuels avec des mineurs. Accusés, bien sûr, ne veut pas dire condamnés. Moins de la moitié des cas en était arrivés à une condamnation pénale, dans certains cas, peut-être grâce au talent des avocats ou à la prescription, mais dans d'autres parce que les accusés étaient en fait innocents.

Le texte de 2011 insiste sur un point déjà souligné en 2004: ces chiffres ne se rapportent pas à des "prêtres pédophiles". Il existe une définition médicale de la pédophilie, qui se réfère aux relations avec les enfants qui n'ont pas atteint la puberté. Il est aujourd'hui répété que 80% des victimes dans les accusations d'abus avaient dépassé la puberté, et - dès lors que les vrais pédophiles on tendance à avoir plusieurs victimes - "moins de 5%" (p. 3) des prêtres accusés peuvent se voir attribué un comportement «pédophile». Si un prêtre a des relations sexuelles avec un garçon de seize ans - ou une fille de seize ans - il se comporte certainement très mal, mais ce n'est pas de la pédophilie.

Deux autres données quantitatives très importantes sont rappelées par le rapport.
La première est que l'impression donnée par les médias, selon laquelle les prêtres catholiques sont une catégorie «à risque» à l'égard de la pédophilie, est fausse. Après avoir observé qu'aucune autre institution n'a ouvert ses archives ou favorisé des recherches aussi précises que celles qui aux États-Unis ont concerné l'Eglise catholique, le rapport passe en revue les communautés protestantes, les Témoins de Jéhovah, les mormons, les juifs, et encore les écoles publiques, les clubs sportifs, les scouts; et il conclut que - bien qu'un nombre limité de données ne permettent pas de tirer des conclusions définitives - tous les éléments partiels qui émergent semblent au moins indiquer que, dans tous ces endroits, le risque d'abus sur des mineurs n'y est pas plus faible que dans les paroisses et les écoles catholiques.
Si ensuite on passe à une question de caractère général, on note qu'aux États-Unis, 246 mineurs sur 100 000 sont abusés sexuellement. Il n'est pas possible de savoir combien d'enfants "sont en contact" avec les prêtres catholiques, mais si nous prenons comme référence ceux qui été confirmés, nous pouvons conclure que les mineurs victimes d'abus dans les milieux catholiques représentent 0.015% (quinze pour cent mille). En d'autres termes, les paroisses et les écoles catholiques, abritent malheureusement, elles aussi des "pédophiles", mais sont un environnement seize fois plus sûr que la société en général.


Fig 1: Incidents d'abus sexuels

Cliquez

Un autre fait, confirmé par les mises à jour 2003-2005 et aujourd'hui 2006-2009 des données du rapport de 2004, est que le nombre d'abus de mineurs par des prêtres catholiques diminue d'année en année de manière vraiment significative. Le premier graphique de ce rapport (fig. 1, p. 8) montre un pic au début des années 1980 et une descente qui devient très rapide ces dernières années, pour atteindre aujourd'hui des niveaux encore plus bas qu'au début des années 1950.

Fig 2: Rapports d'abus sexuels

Cliquez

Pour comprendre pourquoi ce n'est pas l'impression qu'en a l'opinion publique, il faut consulter le deuxième graphique (fig. 2, p. 9), lequel montre que - alors que les abus diminuent - les nouvelles relatives à des abus augmentent, et atteignent leur maximum en 2002, année de l'enquête dévastatrice du quotidien Boston Globe qui, selon le rapport donne le coup d'envoi de la phase la plus aigüe de la crise. Il s'agit à la fois d'un intérêt journalistique plus grand, et du fait que les tribunaux reçoivent de nouvelles plaintes émanant de cabinets d'avocats spécialisés (et millionnaires) qui exhument des affaires, réelles ou imaginaires, datant de vingt ou trente ans. "En 2002 - signale le rapport, citant l'année record - les accusations d'abus sexuels ont été faites dans la plupart des cas par des adultes victimes ou par leurs avocats, vingt à quarante ans après les faits".

Donc, alors que les plaintes et les enquêtes des journalistes augmentent, les cas sont en baisse, ce qui prouve que les mesures préventives prises après l'arrivée à Rome du cardinal Ratzinger comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi en 1981, fonctionnent. Le rapport les passe largement en revue, prenant acte de l'efficacité des mesures - qui par ailleurs auraient également été prises au cours des premiers scandales avec un certain retard, sur lequel le texte rappelle les critiques adressées par certains prêtres américains au Bienheureux Jean-Paul II (1920 - 2005) - et mettant en avant deux critiques.
La première est que, si la majorité des évêques s'est conformée aux exigences de Rome et de la Conférence épiscopale, il y a eu des évêques «retardataires» et «les médias se sont souvent concentrés sur les retardataires, bien que ceux-ci ne représentaientt qu'une minorité des dirigeants de diocèse, perpétuant ainsi l'image d'évêques n'ayant pas répondu dans leur ensemble au problème de l'abus sexuel de mineurs »(p. 119). La deuxième critique est que l'Eglise catholique, tout en s'occupant énergiquement du problème, ne communiquait pas toujours de manière adéquate avec l'extérieur. Oui, «l'Église a réagi à la crise et, comme résultat, il y a eu une diminution substantielle du nombre de cas de violence sexuelle» (p. 122). Mais elle n'a pas toujours su le faire savoir à l'opinion publique.

Les données quantitatives forment la base pour situer la réponse à la question de savoir comment il était possible qu'un certain nombre - plus petit que beaucoup de gens ne le pensent, mais non négligeable - de prêtres catholiques américains se soient rendus coupables de violences sexuelles sur mineurs.
Le rapport examine tout d'abord la thèse la plus répandue dans ce qu'il appelle «les médias populaires" (p. 34), notant combien, de façon surprenante, elle avait "reçu l'appui de plusieurs commentateurs des plus sérieux" (ibid.): celle qui relie les abus sur mineurs au célibat. Mais, note l'étude, "c'est une observation statistique évidente que la majorité des abus sexuels sur des enfants sont commis par des hommes qui ne sont pas célibataires" (p. 35): pasteurs protestants, enseignants, entraîneurs d'équipes de jeunes, et aussi pères qui abusent de leurs enfants n'ont évidemment pas fait de promesses de célibat. A cette donnée commune dans les études sociologiques - mais qui semble échapper avec ténacité à la presse populaire et même à quelques clercs - le rapport ajoute que le célibat des prêtres catholiques existait dans les années 1950 et 1960, qu'il est resté dans les années 1970 et 1980, et qu'il est encore là aujourd'hui. Dès lors que les abus sur mineurs sont relativement rares dans les années 1950 et 1960, qu'ils explosent dans les années 1970 et 1980, diminuent dans les années en 1990 et deviennent à nouveau rares dans les années 2000 il doit y avoir une variable autre que le célibat qui explique cette tendance.

Venons-en à l'unique point du rapport de 2011 qui a immédiatement attiré l'attention de la presse internationale; dès lors que la "faute" n'est pas le célibat, se peut-il qu'elle soit la tolérance de l'homosexualité dans les séminaires catholiques à partir d'une certaine date? Ici les auteurs du rapport se sont trouvés quelque peu en difficulté, parce que les organisations homosexuelles avaient protesté à grands cris contre leur étude de 2004 - qui rapportaient que 80% des prêtres qui abusaient des mineurs avaient pour victimes des garçons et pas des filles -. Cette fois, ils confirment le fait - que 80,3% des abus sont de nature homosexuelle (p. 104) - mais invitent à la distinction entre l'identité et le comportement.

"Ce qu'on ne comprend pas bien - écrivent-ils - c'est qu'il est possible pour une personne de participer à un acte avec une personne du même sexe, sans assumer ou se reconnaître une identité homosexuelle. Plus des trois quarts des actes d'abus sexuels de jeunes par des prêtres catholiques, comme nous l'avons montré dans l'étude de 2004, sont des actes de personnes de même sexe (prêtres abusant victimes de sexe masculin). Mais il est possible que, bien que les victimes de ces prêtres étaient la plupart du temps des garçons, identifiant donc les actes comme homosexuels, le prêtre n'ait jamais reconnu son identité homosexuelle "(p. 36). En ce qui concerne les prêtres, soit arrivés soit sortis du séminaire comme homosexuels - les deux catégories ne coïncident pas - selon le rapport, statistiquement "ils risquent plus [que les hétérosexuels] d'avoir des relations sexuelles après l'ordination" (p. 62), mais dans la plupart des cas, ils ont des relations avec des adultes et non des enfants.

Donc, aucune marche arrière depuis 2004. Quand le rapport de 2011 indique que «les données cliniques ne permettent pas de conclure que [...] l'identité homosexuelle est liée à l'abus sexuel d'enfants» (p. 74), cette affirmation - qui vise sans doute également à apaiser (jeter de l'eau sur le feu de) la critique du précédent rapport - se référe justement à l'identité, alors que le lien entre la violence et les «actes» ou le «comportement» homosexuels est confirmé, et - les nombres étant ce qu'ils sont - il n'aurait pu en être autrement.
Toutefois, là où le rapport dit quelque chose de nouveau, c'est quand il nie que les sous-cultures homosexuelles qui se sont développées dans les séminaires en 1980 - et ont été coupées court, au moins en partie, en 2000 - aient quelque chose à voir avec les abus de mineurs. Non que ces sous-cultures n'aient pas existé: mais quand elles ont atteint leur plus grande diffusion, la majorité des prêtres responsables d'abus avaient déjà été ordonnés. Les sous-cultures homosexuelles dans les séminaires et les abus de mineurs sont des phénomènes parallèles, et non pas successifs. L'un n'est pas la cause de l'autre, mais plutôt, ils doivent avoir les mêmes causes.

Quelles causes? Des phénomènes complexes n'ont jamais une cause unique, insiste le rapport. Il y a eu une réduction de l'efficacité du droit canon, qui ne s'attendait pas à une crise de ces proportions. La preuve en est qu'avec l'amélioration de la règle canonique, les abus ont diminué. Il y a eu un manque d'attention à la formation du clergé sur les thèmes de la sexualité, de l'amour et du mariage: il est significatif que le rapport mentionne à ce sujet le Magistère du Bienheureux Jean-Paul II, et relie les résultats obtenus dans la lutte contre les abus à la réflexion accrue, inspirée précisément par le Magistère, sur le corps et la sexualité dans les séminaires, un thème également cher à Benoît XVI.

Cependant, pour le rapport, la cause la plus importante est la crise morale générale qui a frappé les États-Unis en 1960, "The Sixties" en Amérique et "soixante-huit" en Europe. La pilule contraceptive, la légalisation de l'avortement, la culture de la consommation ont conduit à une révolution authentique dans les comportements sexuels, avec des conséquences inimaginables auparavant dans tous les secteurs de la société. Certains ont été jusqu'à la justification théorique, ou du moins la recherche de larges excuses pour des relations sexuelles avec des mineurs. Dans l'Église catholique elle-même parmi les «séquelles du Concile Vatican II» (p. 7) il y a la pénétration dans le clergé et les séminaires d'une mentalité influencée par la révolution sexuelle, même si cette révolution touche la société dans son ensemble et non pas seulement l'Église catholique.

Ici, sans jamais la citer explicitement , le rapport arrive aux mêmes conclusions que la Lettre de Benoît XVI aux catholiques de l'Irlande, du 19 Mars 2010, qui voyait dans "le très rapide changement social", dans la disparition de "la traditionnelle adhésion du peuple aux enseignements et aux valeurs catholiques", et dans le fait qu'au sein de l'Église, "le programme de renouveau proposé par le Concile Vatican II fut parfois mal compris", le contexte général dans lequel "nous devons essayer de comprendre le problème déconcertant de l'abus sexuel des enfants".

Bien que le rapport de 2011 du John Jay College insère quelque concession au style potitiquement correct, et la critique obligatoire pour les retards dans l'Église, il offre des données qui à la fois confirment l'analyse de Benoît XVI, et le fait que les mesures proposées par le Pape à l'Eglise vont dans la bonne direction. Le rapport, bien sûr, offre une analyse qui reste dans les limites des sciences humaines et en tant que tel, ne peut pas tenir compte de la dimension supplémentaire que le Pape ne cesse de souligner: la crise, qui est pour Benoît XVI cause de profonde douleur et de honte et où aucune statistique ne peut excuser la gravissime responsabilité des auteurs, a avant tout des causes spirituelles, et, dérive finalement de la disparition de la foi, de la prière, de la conscience de la très haute responsabilité du sacerdoce, dans des contextes hélas bien plus larges que celui des quelques prêtres vraiment pédophiles. Pour utiles que soient les études et les données sociologiques, les remèdes devront aussi nécessairement inclure une dimension spirituelle.

Note

(1) Certaines bonnes âmes m'objecteront que depuis, le Pape lui-même s'est démarqué de cette attitude, et a reconnu les fautes de l'Eglise.
Mais là, on me permettra de distinguer entre l'homme (alors qu'on a été jusqu'à essayer de salir son propre frère!) et le pasteur universel de l'Eglise.
Ce sont d'ailleurs les deux, qui s'exprimaient dans le livre d'entretiens avec Peter Seewald, "Lumière du Monde", et il disait :
"Il était impossible de ne pas voir que la volonté de vérité n'était pas le seul moteur de ce travail d'enquête mené par la presse, et qu'il s'y mêlait la joie de dénoncer l'Eglise, et de la dicréditer le plus possible" (page 47)

Présomption d'innocence et théorie du complot Au programme, Franz Liszt