Décidément, « ils » vont tout mettre sens dessus dessous! Nouvel exemple, avec le programme du cardinal Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée, qui a accordé une interview au quotidien paraguayen Ultima Hora (*). Il veut « repenser » la vie consacrée!


Après le « putsch » de Mgr Paglia à l’Institut Jean-Paul II pour le mariage et la famille, c’est une nouvelle illustration de la « méthode François ». Il a placé des hommes qui lui sont fidèles aux postes-clés, et c’est à eux qu’il revient de mettre en oeuvre les changements qu’il souhaite, et qui devraient donner naissance à la « nouvelle église »

L’article de Luisella Scroisatti commence par un très éclairant rappel de l’histoire du Risorgimento italien. À garder en réserve, pour sa portée universelle.


Révolution au couvent : « Nous changerons votre façon de prier ».

Luisella Scrosatti
La Bussola
19 juillet 2019
Ma traduction

Le programme du cardinal Braz de Aviz, président de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée: «Une certaine manière de prier, une manière de s’habiller doit changer». Au fond, tout est cohérent: chaque révolution doit faire l’homme nouveau et éliminer ceux qui résistent.

«Une fois l’Italie faite, il faut faire les Italiens»: c’est la célèbre affirmation attribuée au marquis Massimo d’Azeglio (l’un des penseurs et acteurs du Risorgimento, ndt). On ne sait pas s’il l’a vraiment dit, mais ce qui est certain, c’est que cela correspondait à sa pensée. Et – plus inquiétant encore – c’était l’idéal programmatique des risorgimentali savoiardi (partisans de la Maison de Savoie). La nation italienne existait depuis des siècles, liée par une identité profonde, mais cette italianité ne s’adaptait pas aux nouvelles nécessités du neo-État. Il fallait donc faire les nouveaux Italiens, tout d’abord en les convaincant que ceux d’avant n’étaient pas italiens! Un énorme appareil de lois fut mis en place, juste pour faire comprendre que ce qui était licite avant ne l’était plus, et que les libertés anciennes étaient en fait de l’esclavage et devaient être supprimées pour faire place aux nouvelles, très nouvelles et très italiennes.

Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les détails: chaque révolution doit faire l’homme nouveau et éliminer ceux qui résistent. Si vous jetez un coup d’oeil à ce que combine la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique (CIVCSVA), vous comprendrez la raison de cette longue prémisse.

Le cardinal Joao Braz de Aviz, Préfet de cette Congrégation au nom très long, a expliqué dans une récente interview son programme pour «faire les Italien»: «Nous travaillons très dur à la transformation de la formation. Nous devons penser à la formation, depuis le sein maternel jusqu’au dernier souffle (….). Tout compte dans la formation, on ne peut pas dire que telle chose est la formation et telle autre ne l’est pas (…) Il est nécessaire de beaucoup changer».
Si une grande partie de la formation doit changer, et que la formation est un processus continu qui concerne tous les aspects de la vie, il va sans dire que le préfet entend tout changer. Justement, il doit «faire les italiens», ex novo.

Le cardinal poursuit: «Beaucoup de choses de la tradition, beaucoup de choses qui appartiennent à la culture du passé, ne fonctionnent plus».
Et comme toujours, au cas où certains s’inquiéteraient un peu de cette incursion dans la vie communautaire, Braz de Aviz voudrait tout de suite nous rassurer, qu’il ne s’agit pas de toucher le fond, mais seulement des choses qui, selon lui, ne sont pas essentielles: «Nous avons des formes de vie qui sont liées à nos fondateurs et qui ne sont pas essentielles».
Exemple: «Une certaine façon de prier, une façon de s’habiller, de donner plus d’importance à certaines choses qui ne sont pas si importantes et à d’autres, qui sont importantes, d’en donner peu. Cette vision plus globale de l’ensemble, nous ne n’avions pas, nous l’avons maintenant».
C’est nous qui avons une vue d’ensemble, pas les fondateurs…. Nous qui savons discerner les choses essentielles de celles accessoires; c’est pour cela que «toutes les choses secondaires peuvent s’écrouler, mais pas le charisme spécial des fondateurs».

Il faut toujours être sur ses gardes quand on entend parler ces gens prompts à démolir ce qu’ils considèrent comme secondaire, au nom de la préservation de l’essentiel. Prenez un oignon: aucune couche n’est indispensable, mais une fois que vous les aurez toutes enlevées, vous n’aurez tout simplement plus l’oignon…. L’exemple n’est même pas trop incongru. Allez voir ce qui est arrivé aux Petites Sœurs de Marie, Mère du Rédempteur (cf. sur <Benoit et moi> Encore un ordre religieux sanctionné! En France… , et Une nouvelle « affaire FFI »? ) et vous comprendrez pourquoi. «Nous ne toucherons pas du tout à votre charisme, mais à votre façon de le vivre», semble avoir dit l’un des « kommissaires » désignés par la CIVCSVA. Et il semble aussi que les sœurs étaient si obtuses qu’elles croyaient que le charisme s’incarne dans la manière de le vivre et que cette manière de le vivre, elles ne le détestaient pas du tout. Mais que voulez-vous: coupables d’avoir trop prié, de ne pas vouloir changer, elles ont reçu l’ultimatum de Braz de Aviz: soit vous acceptez sans réserve la tutelle d’une commission, soit vous pouvez quitter l’Institut. Résultat? Presque toutes les sœurs sont parties. Une belle façon de sauver l’essentiel.

La Congrégation impose désormais quelles sont les choses auxquelles il faut «donner plus d’importance» et celles qui à partir de maintenant devraient en avoir moins. Et si vous allez voir ce que produit la CIVCSVA, vous comprendrez que la situation est grave, extrêmement grave. Une lettre du 5 mai 2015, signée par le duo Braz de Aviz – Carballo (Secrétaire de la Congrégation), précisait aux Supérieurs généraux que l’accueil des réfugiés est devenu une priorité: «Il nous semble que c’est précisément l’Esprit Saint, par la voix du Saint-Père et le cri de cette humanité en souffrance, qui nous interpelle et nous indique l’urgence de faire quelque chose ensemble». Mais quoi? « La rationalisation des structures, la réutilisation des grandes maisons en faveur d’œuvres correspondant plus aux exigences actuelles de l’évangélisation et de la charité, l’adaptation des œuvres aux nouveaux besoins». Et ainsi de suite avec l’exhortation à «sortir de nous-mêmes et aller avec courage vers cette « périphérie existentielle »». Et puis la feuille de route indiquée par Carballo, autrement dit les dix mots inspirés par le « magistère » du Pape François sur la vie consacrée. Le nouveau décalogue utilise largement le langage et les slogans de la novlangue pour cacher le néant en dessous: «Alimentez la relation avec Jésus dans l’inquiétude de la recherche», «Sortez du nid», «Soyez audacieux! La prophétie n’est pas négociable pour la vie consacrée», et ainsi de suite.

Ne vous demandez pas où sont passées les pierres angulaires de la vie consacrée, comme la primauté de la prière et de l’adoration, le déni et le sacrifice de soi, la pénitence, etc. L’Italie a été faite, maintenant il faut faire les Italiens.


NDT:

(*) Article de La Croix cité ICI.



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