Selon lui, le Pape émérite est manipulé par son entourage, Gerhard Müller en tête. Il faut donc mettre cet entourage sous contrôle. Façon insultante de dire que Benoît XVI doit être réduit au silence, voire qu’il n’est plus capable de décider seul.

De passage au Chili, le biographe officiel de François qui est aussi son « porte-parole fantôme » et qui est sur le point de publier un nouveau livre, a accordé une interview à un journal local, La Tercera.
Il y évoque aussi le ‘choc‘ (façon polie de dire ‘l’échec‘, à la fois public et médiatique) du voyage au Chili en janvier 2018, où le Pape avait été chahuté par les journalistes, en particulier dans l’avion de retour, à propos des affaires de pédophilie, et ce que Giuseppe Nardi appelle « le tournant chilien ».
A ce propos, on pourra relire sur mon site « Les raisons d’un fiasco vues par un journaliste argentin« , et l’article incontournable de Sandro Magister

L’interview au journal chilien (en v.o. ICI) a été traduite en allemand par Giuseppe Nardi, qui donne en préambule tous les éclaircissements nécessaires. C’est son article que je « traduis » ici après l’avoir passé, ainsi que la vo en espagnol à la moulinette de l’intelligence artificielle (i.e. la traduction automatique des deux textes, l’espagnol et l’allemand, qui concordent suffisamment pour s’assurer de l’absence de faux-sens).


Il faut mettre sous contrôle l’entourage de Benoît XVI

Giuseppe Nardi
katholisches.info
12 août 2019

Austen Ivereigh, autrefois porte-parole du cardinal Cormac Murphy O’Connor, est aujourd’hui l’un des « porte-parole fantômes » du pape François. En tant que biographe du Pape, bergoglien convaincu, il fut le premier à révéler l’existence, sous le nom de Team Bergoglio, d’un cercle secret au sein de l’Eglise que ses membres appelaient « la Mafia » de Saint-Gall. A intervalles irréguliers, Ivereigh apparaît en public pour avertir de « conspirations » visant à renverser le pape François, comme dans son interview au quotidien chilien La Tercera le 10 août. Il y affirme que la critique de François est « d’une cruauté extraordinaire ». Le centre de la résistance est « l’entourage » de Benoît XVI, lequel est « manipulé », et le leader est le cardinal Gerhard Müller.

Ivereigh est l’un des représentants des médias les plus actifs et les plus fidèles de Jorge Mario Bergoglio. Le 25 novembre 2014, le Britannique a pu présenter la première biographie autorisée par François. Sous le titre « Le Grand Réformateur », il esquisse le portrait d’un « pape radical ». Ivereigh présente maintenant un nouveau livre. « Wounded Shepherd » sera disponible en librairie début novembre.

Après « Le Grand Réformateur » vient donc « Le Berger blessé ». Le titre résonne comme une réponse au livre de Phil Lawler « LeBerger perdu – Une analyse critique du pontificat du pape François » . Le sous-titre d’Ivereigh est audacieux : « Le Pape François et sa lutte pour la conversion de l’Église catholique ». Ivereigh, qui est au Chili pour d’autres raisons, a parlé de son nouveau livre dans une interview avec La Tercera.

Il n’est pas possible de dire exactement si Ivereigh exprime ses propres pensées ou celles du Pape François. Comme par le passé, le journaliste britannique pointe du doigt la résistance réelle ou supposée à laquelle François est exposé depuis son élection en mars 2013. Lorsque les quatre cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner ont exprimé leurs dubia à propos de la lettre post-synodale controversée Amoris laetitia, Ivereigh les a accusés avec force de « vouloir renverser les fruits de l’Esprit Saint ».

Début mars 2016, quelques semaines après l’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, Ivereigh a pu présenter le pape François dans les pages du New York Times comme l’ « Anti-Trump », le véritable adversaire mondial du nouveau dirigeant de la Maison Blanche.

Selon Ivereigh, la résistance interne à l’Eglise contre François cherche à tirer « tous les mois » une roquette contre le Pape Bergoglio. Le cercle autour de Benoît XVI est une source constante de division: comme « leader » de la résistance, le Britannique désigne le cardinal Gerhard Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il l’appelle avec mépris « chien de garde » de la doctrine de la foi et « fonctionnaire de la Curie émérite ». Comme mesure nécessaire contre la résistance, Ivereigh appelle à « mettre sous contrôle l’entourage de Benoît XVI ». Ce que cela signifie probablement, c’est que Benoît XVI a trop de marge de manœuvre pour l’entourage du Pape François et qu’il est trop actif.
(…)


L’interview

Dans votre livre, vous parlez de l’opposition que le Pape François rencontre dans l’Eglise: ce mouvement de résistance s’est-il développé ?


Pour ce qui est des chiffres, je ne sais pas s’il a augmenté, mais il vocifère encore très fort et il est très puissant en ce sens qu’il concerne plusieurs cardinaux et des organismes très riches et puissants aux États-Unis. Ils ont vu la crise de l’an dernier comme une opportunité. Au Chili, ils ont vu que le Pape était faible, alors ils en ont profité avec une férocité inhabituelle. Mais ceux qui l’ont attaqué, menés par (Carlo Maria) Viganò sont les mêmes qui ont rejeté l’exhortation apostolique Amoris laetitia. Ce que certains proches du Pape disent, c’est que ce groupe est très bien organisé et a décidé de lancer un missile chaque mois, pour tenter de le discréditer. Ces tactiques sont très typiques des États-Unis, des techniques utilisées par les conservateurs contre Obama.

Le Cardinal Gerhard L. Müller, ex-préfet de la Doctrine de la Foi, a été une voix très critique pour le Pape, quel rôle joue-t-il dans ce groupe ?


Le cardinal Müller est devenu le leader, la figure principale de l’opposition. Sa tactique est de faire croire aux gens qu’il y a de la confusion dans l’Église et que lui seul peut la résoudre. Il essaie de retrouver le rôle qu’il croyait devoir jouer sous François, et François ne lui a pas permis de l’exercer. Maintenant qu’il est libre, il prétend être le chien de garde de la doctrine. Mais finalement, il est un fonctionnaire émérite de la Curie, c’est-à-dire qu’il n’a pas de position dans l’Église.

Ce climat de conflit est-il sans précédent dans l’Église catholique ?


Les accusations d’hérésie ont toujours existé, ce qui est sans précédent, c’est qu’un ex-fonctionnaire de la Curie attaque si ouvertement un Pape. Je crois que la férocité des critiques et la manière éhontée dont elles sont formulées est nouvelle. Certains catholiques conservateurs semblent avoir oublié que le catholique traditionnel respecte le magistère papal.

Pourquoi pensez-vous que cela se produit?


L’opposition féroce commence avec le synode (en 2014). Par le synode, le Pape a créé un espace et a donné la possibilité d’un changement. Ce qui a été créé, c’est un mécanisme de discernement qui établit que s’il y avait un consensus à la fin, le Pape le respecterait. Cela a provoqué la fureur de certains qui pensaient que la doctrine de l’Église leur appartenait. Depuis, ils se sont sentis impuissants et en colère.

Voient-ils certains privilèges menacés?


Bien plus: la religion vous donne certains privilèges, un certain pouvoir, l’idée que vous avez la vérité. Et quand on vous enlève cela, vous vous mettez en colère.

Certains parlent d’une division entre le pape François et le pape émérite, existe-t-il une telle division ?


Je vois un Pape émérite toujours très loyal envers François. Ils sont beaucoup plus proches qu’on ne le pense. Mais je vois aussi une cour autour du Pape émérite, très liée à la résistance au Pape, qui fait beaucoup de mal, car ils manipulent la figure du Pape émérite. Nous devons trouver un moyen de contrôler sa cour, qui est en ce moment une source de scandale et de division.

En tant que grand historien de François, que signifie le voyage au Chili [en janvier 2018, ndt] pour ce pontificat?


Le Pape a beaucoup appris durant ce voyage et le Chili a sans aucun doute joué un rôle clé. Je le décris ainsi dans le livre, avant que le Chili n’envisage la question sous l’angle d’une série de politiques qui s’imposaient. Mais je pense que le Chili lui a appris que là où il y a une très grande corruption, ces politiques sont insuffisantes et que la seule chose qui va permettre à une institution d’en sortir est un très grand choc. Dans son cas, c’est le choc d’Iquique et la tempête de critiques qu’il a reçues, mais c’est surtout le rapport Scicluna qui a tout fait ressortir.

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