Débat surréaliste hier, au Sénat Italien, dans le contexte de la démission du gouvernement Conte: lorsque Salvini sort son chapelet, et ose confier l’Italie au Cœur Immaculé de Marie, des cris de rage s’élèvent des bancs du PD et des 5 Étoiles. Et pendant ce temps là, le spin doctor du Pape exulte.

Salvini embrasse le chapelet pendant que Conte parle

Et en entendant le nom de Marie, du PD, ils écument de rage

Andrea Zambrano
21 août 2019
La NBQ
Ma traduction

Le débat au Sénat traversé de citations et de références catholiques: la prédication de Conte – lui qui a une dévotion pour Padre Pio -, sur les slogans et les symboles religieux, et l’Evangile de l’accueil de Renzi. Mais quand ils entendent les mots Cœur Immaculé de Marie prononcés par Salvini, sur les bancs du Pd, ils commencent à écumer de rage comme des diables. Y croire, c’est bien, mais agir en conséquence, à quand?

La photo-symbole, c’est celle de Salvini qui embrasse le chapelet presque en cachette, comme l’écolier qui copie, tout en sachant qu’en cet instant tous les photographes postés avec leurs téléobjectifs dans le pigeonnier du Palazzo Madama [siège du Sénat à Rome] n’attendaient que cela. A côté de lui, il y a le futur ex-premier ministre Giuseppe Conte, qui vient tout juste de le réprimander: « Permets-moi de te le dire, Matteo, on n’utilise pas les symboles religieux pour faire de la politique ». C’est peut-être la première fois que l’avocat des Cinq Étoiles reçoit les applaudissements convaincus du PD. Qui n’attendait que cela. Clouer la Trêve [Il Truce, nom donné à la Ligue] à la croix préparée il y a longtemps avec la haine et la frustration de ceux qui tremblent dès qu’ils voient un chapelet ou un crucifix. Et Salvini le sait.

Le débat d’hier sur la confiance a eu pour fil rouge un élément unissant Salvini et Conte, en passant par ce troisième élément encombrant et désormais ressuscité qu’est l’autre Matteo, Renzi: chapelet à embrasser, passages de l’Evangile à citer et sermons sur la liberté de conscience religieuse à accorder.

S’agit-il de deux politiques qui s’opposent, en lutte l’une contre l’autre? Oui, bien sûr, Europe contre anti-Europe, Euro contre pas d’Euro, mondialisation contre protectionnisme, atlantisme contre poutinisme, ports ouverts contre ports fermés. C’est parfaitement exact. Mais la lutte est aussi entre deux visions opposées de la foi, deux façons de concevoir la présence et le rôle de la religiosité. Un affrontement intéressant à raconter et difficile à classer car, vu ce qui s’est passé hier au Sénat, on se demande si la foi catholique n’est pas d’une fois de plus utilisée d’une certaine manière comme instrumentum regni. La question n’est pas de savoir qui croit le plus, mais qui réussira à être plus crédible.

Avec la Patrie et la Famille désormais compromises, il nous reste Dieu. Et tout le monde a joué son rôle dans la comédie. Un peu pour arracher les applaudissements, un peu pour envoyer un message à l’électorat catholique qui est maintenant plus balkanisé que la Yougoslavie après Tito.

Comme à l’école, il faut que quelqu’un commence. Conte parle de liberté de conscience religieuse, gourmandant Salvini parce que « les symboles religieux ne doivent pas être utilisés comme des slogans politiques ». Quelques minutes seulement, et depuis son bureau des étages supérieurs du Vatican, le père Antonio Spadaro, un internaute compulsif, jubile et s’exclame : “Oh yeah…”. « Inconscience religieuse » et « obscurcissement de la laïcité de l’État », musique à l’oreille de certains évêques….

Nous nous sommes plaints des prêtres qui font de la politique dans leurs homélies. Mais nous avons désormais des politiciens qui font des homélies. Le reproche, fait par un premier ministre qui n’a jamais fait mystère de sa dévotion à Padre Pio fait toutefois sourire.

Et Salvini ne lâche pas. Vers la fin de son discours, alors que le point culminant du pathos doit forcément être atteint, le ministre de l’Intérieur bientôt ex, parle de l’avenir de croissance qu’il veut offrir aux Italiens et aux familles: « Permettez-moi, Monsieur le Président, dit-il à Conte, vous faites du tort aux catholiques italiens quand vous pensez qu’ils votent sur la base d’un chapelet et je suis fier de croire et de témoigner par mon travail que je crois et et je n’ai jamais demandé de protection pour moi-même, mais pour le peuple italien et tant que je vivrai, je demanderai la protection du Cœur immaculé de Marie, car ce pays mérite tout et je ne rougis de remettre le destin du peuple italien à Marie. Je n’en ai pas honte ».

Quelqu’un sort un chapelet, la présidente Casellati se tourne vers sa droite pour rappeler qu’on n’exhibe pas de symboles religieux. Puis elle se tourne vers sa gauche et assiste à un spectacle incroyable: dès que le nom du Cœur Immaculé de Marie est prononcé, des bancs du Pd et des Cinq Étoiles s’élèvent des cris de colère écumante vraiment impressionnants. C’est le clou [en français dans le texte]: une bande de fanatiques qui grincent des dents rien qu’en entendant le nom de Marie. Comme des démons déchaînés au seul son de ce nom. A noter, au-delà des intentions de Salvini, mais à noter de toute façon.

Mais à présent, sur sa chaise, Spadaro a une crise cardiaque. Et quand le leader léghiste espère un pays « libre et souverain avec des enfants et une mère et un père », la sénatrice Cirinna (PD, rapportrice de la loi sur l’union homosexuelle) se transforme en furie, au point d’être rappelée à l’ordre.

En conclusion, place à une citation de Saint Jean-Paul II sur la confiance. Le PD s’échauffe à nouveau, comme un diable: « Eh bien, quoi? », dit Salvini en écho : « Vous citez Saviano [auteur de Gomorra, et entre autre immigrationiste convaincu, ndt] et moi Saint Jean Paul II… puis-je être libre de me référer aux œuvres, vie et miracles de ceux que je pense être les meilleurs? » Encore des cris et des applaudissements dans un mix inextricable. Pas de nouvelles de Spadaro.

Arrive Renzi et, pour ne pas être en reste, il cite le troisième Matteo, celui de l’Évangile: « Je respecte votre foi religieuse que je partage même si c’est avec des accents différents, alors lisez l’Évangile, évidemment selon Matthieu, quand il dit: ‘J’avais froid et tu m’as accueilli, j’avais faim et tu m’a nourri‘. si vous croyez en ces valeurs, laissez débarquer ces personnes qui sont arrêtées encore maintenant, otages d’une politique honteuse' ». Seul les siens l’applaudissent, mais de l’autre côté, personne n’écume de rage, et même cela veut dire quelque chose.
Peut-être Spadaro se reprend-il un peu, mais le premier tir a été le plus fort.

Qu’après cela, avec toutes ces citations, il ne vienne à l’esprit de personne Matthieu, au chapitre 7 : « Ce n’est pas celui qui me dit: ‘Seigneur, Seigneur’, qui entrera dans le royaume des cieux, mais… ».
Y croire, c’est bien, mais agir en conséquence, à quand?

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