George Neumayr, auteur du livre critique, « The Political Pope« , est à Buenos Aires pour mener l’enquête qui n’a jamais été faite sérieusement sur le pape venu du bout du monde. Ses premières impressions rejoignent le témoignage personnel d’Aldo Maria Valli. Et Steve Skojek, sur One Peter Five, se pose de justes questions. Mise à jour le 29.

Les reportages de George Neumayr (en cours) sont à lire en anglais sur sa page de « The American Spectator »

Voir aussi à ce sujet:

Comment le Pape François enchante la gauche libérale et abandonne les conservateurs

Pourquoi Bergoglio ne va pas en Argentine.

Et ces voix si peu hagiographiques dans un sombre Buenos Aires

Aldo Maria Valli
28 août 2019
ma traduction

Que pense-t-on de Jorge Mario Bergoglio en Argentine? Et pourquoi le pape n’est-il pas encore allé visiter sa patrie ?

« Les deux questions sont étroitement liées », m’a dit un ami argentin il y a quelque temps, et sa réponse m’est venue à l’esprit lorsque j’ai lu le reportage de George Neumayr à Buenos Aires pour The American Spectator. Duquel émerge une image très différente de celle de l’hagiographie.

Arrivé dans une capitale froide (rendue encore plus triste par l’effondrement du peso argentin [la monnaie nationale] et de la bourse suite à la lourde défaite dans les primaires présidentielles du président en exercice, le libéral Mauricio Macri, au profit du candidat péroniste Alberto Fernandez), Neumayr commence tout de suite à demander des avis sur Jorge Mario Bergoglio, obtenant des réponses (« franches et brutes », comme il les définit) qui laissent songeurs.

« Nous avons honte de lui » dit un « ancien procureur », qui ajoute: « Il représente nos pires caractéristiques. Il ne veut rien savoir de morale, de théologie ou d’histoire. Rien. Seul le pouvoir l’intéresse ».

L’image de François comme d’un « idéologue » en qui on ne peut pas avoir confiance est, semble-t-il, plutôt partagée à Buenos Aires.

« Au séminaire, ses camarades de classe l’appelaient Machiavel », dit Antonio Caponnetto, un intellectuel argentin d’orientation traditionnelle qui a consacré plusieurs essais à Bergoglio, parmi lesquels De Perón a Bergoglio. El catolicismo excomulgable .

Après cela, Neumayr va voir Santiago Estrada, ancien ambassadeur d’Argentine auprès du Saint-Siège, proche de Bergoglio depuis des décennies, qui, sans vouloir critiquer son ami, admet que le soutien de François aux évêques accusés d’abus sexuels (pensons au cas de Mgr Gustavo Zanchetta) est simplement « inexplicable ».

Jean Paul II, observe Neumayr, s’est rendu plusieurs fois dans son pays d’origine, et même le timide Benoît XVI, bien que ne bénéficiant pas d’une bonne presse en Allemagne, est retourné chez lui. Pourquoi Bergoglio, qui s’est rendu dans plusieurs pays d’Amérique du Sud, ne l’a-t-il pas encore fait? Est-il vraiment possible que François évite l’Argentine durant tout son pontificat ?

« Probablement pas », répond Neumayr. Mais à une condition. Selon de nombreux observateurs, le pape ira en Argentine, peut-être déjà l’année prochaine, si Macrì perd et que la gauche reprend le pouvoir. Bergoglio en fait, dit une source, « veut que Macri perde ».

A l’évidence, il y a de la tension dans l’air. Il y a quelques jours, lors d’une fête de la gauche, Neumayr a sorti son appareil photo et a commencé à prendre des photos, mais voilà que deux péronistes le prennent à part et le menacent en lui demandant : « Que faites-vous? » Un autre membre du groupe tente de les calmer, mais l’épisode montre que le climat n’est pas des meilleurs. « Si la gauche gagne, je quitterai le pays. L’Argentine ne sera pas sûre pour nous », déclare au journaliste un conservateur.

« Un autre catholique conservateur – rapporte Neumayr – m’a dit que le péronisme de François est si fort que certains acolytes du pape parlent de béatifier Evita (l’épouse mythique de Juan Domingo Perón, ndr) », et en fait la Confederación general del trabajo (Cgt, le syndicat argentin d’inspiration péroniste) a mis la demande noir sur blanc, qualifiant Eva Perón de « anta del pueblo » et s’aventurant dans une étrange revisitation para-religieuse de l’œuvre de la femme, qui serait « dans le cœur du peuple avec la Vierge Marie ».

Mais revenons à François. Ou plutôt, à Bergoglio.

« Une histoire persistante et répandue à propos de Bergoglio dit que le pape a utilisé le sauvetage des prêtres abuseurs comme une forme de contrôle sur eux ». La technique serait simple et efficace: informer l’intéressé qu’on sait tout de lui et lui demander, en échange de l’immunité, l’obéissance totale sous chantage.

« Certains se sont demandés pourquoi le pape Bergoglio s’est entouré de tant d’escrocs et de dégénérés. Mais ce n’est pas un mystère pour les catholiques argentins. Il a fait la même chose en tant qu’archevêque », dit une source. « Il utilise leurs secrets pour les contrôler. La même tactique qui l’a amené à former une alliance avec Theodore McCarrick et d’innombrables autres abuseurs ».

Beaucoup en Argentine décrivent Bergoglio comme un « Péron ecclésiastique », un « caméléon » capable de « dire n’importe quel mensonge et d’essayer n’importe quelle tactique pour préserver le pouvoir ».

Un journaliste raconte: « Peron disait qu’il était une girouette qui se déplaçait là où le vent allait, et c’est pareil pour Bergoglio. Lundi, il était libéral, mardi conservateur, mercredi libéral à nouveau, et ainsi de suite.

Même le guide qui accompagne Neumayr lors d’une virée bergoglienne dans les rues de Buenos Aires affirme que la raison pour laquelle le futur pape est entré chez les Jésuites n’était pas spirituelle, mais politique : « Il savait que l’ordre allait rapidement vers la gauche et était désireux d’entreprendre ce voyage idéologique ».

« Le communisme a pénétré parmi les jésuites et Bergoglio est devenu l’un d’entre eux, dit une autre source. « En fait, Bergoglio a reçu son éducation politique d’une communiste paraguayenne du nom d’Esther Ballestrino, directrice d’un laboratoire à Buenos Aires où le jeune Bergoglio est devenu apprenti après avoir obtenu son diplôme en chimie. Une « grande femme » à qui il « doit beaucoup », comme l’a dit le pape lui-même, racontant qu’elle lui avait passé des livres marxistes et qu’il les avait lus avec avidité.

Morte tragiquement entre les mains des forces de sécurité du dictateur argentin Jorge Videla en 1977, Esther Ballestrino, lorsque ses restes, trente ans plus tard, furent retrouvés, fut enterrée, bien que non croyante, dans le jardin de l’église de Santa Cruz à Buenos Aires, et qui en donna la permission? l’archevêque Bergoglio, bien sûr.

Certains diront que Neumayr, auteur du livre Le Pape politique, est un archi-conservateur et que les sources mentionnées sont souvent sans nom. Ce sont là des objections raisonnables. Mais il est également vrai que les opinions qu’il évoque coïncident pleinement avec celles que j’ai moi-même recueillies auprès de divers Argentins, à la fois résidant dans leur pays et ici en Italie. Mais ce sont des sources qui, à quelques exceptions près (comme dans le cas de Caponnetto) n’acceptent pas de s’exposer avec nom et prénom par crainte de représailles. Et cette circonstance aussi signifie peut-être quelque chose.


Sur son blog One Peter Five, Steve Skojec reprend à peu près dans les mêmes termes les reportages de George Neumayr, et ajoute:

Le seul aspect de la vie de Bergoglio sur lequel j’espère que Neumayr pourra en savoir plus avant son retour chez lui est lié à la famille de Bergoglio. Qui sont-ils ? Comment était sa relation avec eux ? Comment a-t-il grandi ? Comment était sa relation avec Dieu ? Pourquoi a-t-il soi-disant menti à sa mère à propos de son séjour au séminaire?
On dit qu’il n’a qu’une seule sœur survivante sur un total de cinq enfants Bergoglio : une sœur nommée María Elena Bergoglio. Où est-elle? A-t-elle un rôle dans sa vie? Pourquoi ne parle-t-il jamais d’eux? Que pense-t-elle de son frère?
Plus de questions que de réponses, je sais, mais même quelques réponses seraient mieux que rien.
J’applaudis la tentative de Neumayr d’aller au fond des choses. Peu d’histoires peuvent être vraiment comprises sans connaître les premiers chapitres.

One Peter Five

On doit à la vérité de reconnaître que Michael Hesemann, auteur avec Georg Ratzinger du livre « Mon frère le Pape » a tenté d’apporter une réponse à ces questions dans un livre consacré à François, sorti en juin 2013, Papst Franziskus: Das Vermächtnis Benedikts XVI, und die Zukunft der Kirche (L’héritage de Benoît XVI et l’avenir de l’Eglise) . 
A cette occasion, Hesemann avait accordé une interview au site Kath.net (traduite ici: François est un génie de la communication), dans laquelle on trouvait des informations inédites sur la famille Bergoglio.
Le livre contient également un entretien avec Elena Bergoglio, dont on trouvera des extraits ici: Les chaussures rouges et la « révolution » Bergoglio.
Il serait évidemment intéressant de savoir si, six ans après, le jugement de l’auteur allemand a évolué…

Mise à jour le 29/8/2019

Et puis il y a le livre d’un journaliste suisse, Arnaud Bédat, intitulé « François l’Argentin », qui sent vraiment la propagande à plein nez… et c’est déjà trop d’en avoir parlé ici (cf. « Un livre pour banaliser le Pape », Benoît-et-moi 2014)

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