Quand Chirac dit à Berlusconi ‘Merci, Monsieur l’Abbé

A défaut de hauts faits qu’il aurait (et qu’il n’a pas) accomplis, pendant 4 jours nous avons été submergés d’anecdotes allant du banal au graveleux sur celui qui présida la France durant 12 ans (*). Qui ne méritait sans doute pas cet excès d’honneur, tout excellent homme qu’il fût (??) en privé, comme ses ennemis d’hier feignent de le découvrir aujourd’hui (eux qui, en 2001 sont allés voter pour lui avec une pince à linge sur le nez). Pour Andrea Cammilleri, il reste celui qui refusa la mention des racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule de la Constitution européenne. Pourquoi? (poser la question, c’est y répondre)

(*) Ce qui a très opportunément détourné l’attention des gens de la catastrophe de Rouen


Les singulières funérailles de Chirac

Rino Cammilleri
La NBQ
2 octobre 2019
Ma traduction

Grand rassemblement de VIP internationaux aux funérailles de l’ancien président français, à l’exception de Le Pen et de ses partisans, non désirés par la famille. Surprenantes, les deux cérémonies religieuses, dont l’une à Saint-Sulpice. Qui sait s’il s’est converti à la fin. Ce qui est certain, c’est qu’il s’est opposé au christianisme, comme lorsqu’il a refusé, avec d’autres, d’inclure une référence aux racines chrétiennes dans la Constitution européenne.

« A la gare, ils étaient tous là: du commissaire au sacristain, à la gare, ils étaient tous là, les yeux rouges et le chapeau à la main« . Ainsi chantait Fabrizio De André, dans Bocca di rosa, dont les vers s’imposent à l’esprit au spectacle des funérailles grandioses de Jacques Chirac, qui fut « le président le plus aimé des Français », du moins selon les commentaires sur les différents Journaux télévisés. En fait, la dernière fois qu’un tel rassemblement de personnalités politiques internationales a eu lieu, si nous ne nous trompons pas, c’était à l’occasion des funérailles de Jean-Paul II.

Nous avons dit que « tout le monde était là », mais pour être exact, ce n’est pas tout à fait vrai. Il manquait Marine Le Pen, ‘et pour cause‘ (en français dans le texte): ils l’ont explicitement jugée indésirable. Eh oui, ceux du Front National, ou le nom qu’on lui donne maintenant, sont laids, sales et méchants, souverainistes, xénophobes, racistes et ainsi de suite, les Salvini de la France en somme. Ce qui les a exclus, c’est une demande précise de la famille du de cuius, ce qui en dit long sur les orientations idéologiques des Chirac, très politiquement correctes et conformes à l’idéologie de base de la République, la laïcité.

La France a une tradition d’écrivains et de poètes « maudits », le dernier en date étant Michel Houellebecq, qui dans son célèbre Soumission a imaginé un avenir proche dans lequel la France est islamisée par pure haine de la droite: les partis laïcs s’allient au parti musulman pour exclure les lépénistes. Faisant comme ce fameux génie qui se fit castrer par dépit envers sa femme (?).

Funérailles nationales, d’accord, jour de deuil national, cela ne fait pas un pli, rassemblement de chefs d’État, compréhensible. Mais la cérémonie religieuse? Chirac était donc catholique croyant et pratiquant? Rectifions, par souci de précision: non pas une cérémonie religieuse mais deux, l’une, privée, aux Invalides, et l’autre, publique et même solennelle à Saint-Sulpice.

Or, de deux choses l’une: soit il s’était converti in articulo mortis (ou peu avant de tomber malade), soit son catholicisme était pour ainsi dire bergoglien, pas doctrinal, c’est-à-dire pastoral. En fait, quand illo tempore, au siège de l’UE, notre Berlusconi plaidait pour la cause de l’introduction des fameuses racines chrétiennes dans la Constitution européenne, Chirac s’est adressé à lui avec un « Merci, monsieur l’abbé! » (en français dans le texte) moqueur. Et, comme vous le savez, la Constitution européenne avait tellement de racines qu’elle ressemblait à un chêne. Sauf des racines chrétiennes. Et c’est à partir de ce moment que l’on a commencé à parler ouvertement de la christianophobie des institutions communautaires, comme l’ex-pape Benoît XVI l’a fait avec des variantes, et des accents variés.

Certains ont fait remarquer que, telle qu’elle était présentée, la Constitution finale de l’UE sentait plus que tout les Lumières paramaçonniques. Et en France, comme on le sait, la franc-maçonnerie est puissante, surtout en politique. Nous souhaitons à Jacques Chirac tout les biens possibles dans l’autre vie, comme il en a connus dans celle-ci. Mais la curiosité demeure: pourquoi en avait-il tellement après les racines chrétiennes de l’Europe? Oui, parce qu’à ce moment-là, au moment du refus (qui n’était pas seulement le sien, évidemment, il était en compagnie d’une foule de gens), l’opinion publique s’inquiétait de l’immigration musulmane, la plus réticente à l’intégration. L’inclusion des racines chrétiennes dans la Constitution européenne aurait pu constituer un enjeu, une barrière à certaines coutumes non autochtones comme la polygamie, les tribunaux de la charia, l’inégalité des femmes, etc. C’était l’intention de ceux qui la soutenaient, même s’ils n’étaient pas très religieux.
Non, il ne l’a pas fait.

Pourquoi? Boh.

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