La statue en bronze présentée au Pape dimanche dernier (cf. Nouvel humanisme, ou nouvelle humanité?) est une oeuvre de propagande soviétoïde, destinée à faire passer l’idée que toutes les migrations sont bonnes. Andrea Zambrano, dont les grands-parents ont suivi à peu près le même parcours vers l’Argentine que la famille Bergoglio, s’étonne que le Pape persiste à rejeter l’immigration « choisie » aujourd’hui défendue par les souverainistes, à laquelle ses parents se sont pliés, pour saluer uniquement l’immigration sauvage que nous subissons actuellement.

Cliquez sur les vignettes.


Que de migrants ‘souverainistes’ utilisés dans cette statue…

Andrea Zambrano
La NBQ
2 octobre 2019
Ma traduction

La statue des migrants sur la place Saint-Pierre est une œuvre de propagande pour imposer la thèse selon laquelle toutes les migrations doivent être encouragées. Y compris celle européenne actuelle qui utilise pourtant des immigrés clandestins sans nom comme otages d’un business européen. Mais il est faux d’assimiler ces migrations forcées, qu’il faut empêcher, à celles de nos ancêtres dans les Amériques. Comme en témoigne l’aventure en mer de la famille Bergoglio, dont le parcours outre-océan est encore aujourd’hui extraordinairement traçable, comme ceux de tous nos émigrants qui représentent ce type d’immigration contrôlée défendue uniquement par les partis souverainistes.

Il est probable que parmi les masses indistinctes de migrants dans l’histoire et au cours des siècles, il y a eu aussi des anges, comme l’énonce la thèse de l’iconographie de la sculpture apparue dimanche place Saint-Pierre. Si c’est le cas, parmi les masses indistinctes de migrants, il y a eu et il y a encore beaucoup de rescapés de prison et de futurs terroristes et criminels, comme le certifient aujourd’hui les rapports des renseignements de la moitié de l’Europe sans même que cela fasse un titre. Le fait est que la Lettre aux Hébreux parle d’hospitalité, et non d’un plan de substitution massive par des moyens clandestins. Cette observation suffirait à définir comme politique la statue présentée au Pape François à l’issue de la Journée Internationale des Migrants, car elle met dans un même sac des phénomènes migratoires de l’histoire profondément différents et difficiles à comparer à celui que nous vivons actuellement en Europe.

Mais il y a deux façons d’utiliser l’art: exprimer des idéologies, les imposer, ou élever l’âme au beau et au transcendant. Ce monument semble poursuivre le premier objectif.

L’œuvre dépeint des migrants sur un bateau, debout et venant de contextes historiques et sociaux différents. Ils partagent tous le même destin de migration, y compris l’ange « inconnu » qui émerge du centre du bateau avec ses ailes. La thèse est que l’émigration est toujours bonne et opportune pour tout le monde: pour les peuples en mouvement et aussi pour ceux qui quittent leur terre, l’appauvrissant de ce fait, et pour les pays d’accueil. Un message émouvant, sentimentalement parlant. Même pour ceux qui, comme moi, sont fils de l’émigration italienne vers les Amériques au milieu du XXe siècle. Je pourrais dire sereinement que j’ai reconnu mon grand-père et ma grand-mère avec la valise en carton dans la main droite, et dans les petits enfants tenus de l’autre main mon père et ma tante prêts à débarquer du navire à moteur Mendoza à Buenos Aires.

Mais l’émotion est un piège, surtout si on la met avant un regard rationnel. Et ici, il est bon d’admettre qu’une migration toujours bonne et toujours opportune n’existe pas.

S’il faut vraiment unifier les migrations sans aucune distinction, alors dans ce bateau, il aurait dû y avoir aussi les conquistadors haïs qu’une littérature anticolonialiste identifie comme ennemis des civilisations précolombiennes encensées à l’occasion du prochain synode pour l’Amazonie. On croit vraiment les voir dans une ressemblance frappante avec la statue, debout, avec la croix et l’insigne castillan exactement comme ils apparaissent dans la dernière scène d’Apocalypto, le film de Mel Gibson démoli pour avoir dit la vérité sur les Incas et les Aztèques et leurs sacrifices humains. Eux aussi, après tout, les dignitaires d’Isabelle de Castille et leurs flottilles successives, étaient des migrants.

Ou on aurait pu représenter les Spartiates qui ont émigré dans les Pouilles en fondant Tarente et ont ensuite fait la guerre aux pauvres Messàpi qui vivaient dans les Murges (?) sans être dérangés. Cela aussi, c’est – qu’on le veuille ou non – de l’émigration. Et pourquoi pas les migrations par déportation? Celle que les Italiens ont subie pendant l’exode istrien fait encore saigner les souvenirs https://fr.wikipedia.org/wiki/Exode_istrien.

Au lieu de cela, on préfère une comparaison exclusive avec nos grands-parents et arrière-grands-parents qui ont émigré en Amérique latine et aux États-Unis au cours des différentes vagues de migration entre 1850 et 1950, comme les journaux l’ont également fait dimanche. Mais cette comparaison – comme nous l’avons déjà dit – est une tromperie. Et il n’est pas nécessaire d’être sociologue pour le dire, car, comme dans mon cas et dans celui du Pape François lui-même, l’expérience suffit.

Pour ceux qui ont un peu de racines et de cousins en Amérique du Sud ou aux États-Unis, c’est une expérience émouvante. Sur ce site – qui rassemble tous les registres de navigation des différents états au cours des années entre la seconde moitié du XIXe et du XXe siècle (USA, Argentine, Brésil et Australie) – on peut faire des découvertes uniques. Par exemple, découvrir le nom du navire qui transportait vos ancêtres et il n’est pas nécessaire de remonter trop loin avec les générations, puisque dans mon cas j’y ai trouvé mon père. Dans ces documents, par exemple, collectées par le Centro de estudios Migratorios Latinoamericanos de Buenos Aires, je découvre ce qu’il n’a jamais su me dire puisqu’il débarqua en Argentine à deux ans. La date du débarquement, par exemple, le 10 janvier 1948, le nom du bateau, le navire à moteur Mendoza, plus d’autres informations telles que la ville de naissance, Milan. Il en va de même pour mon grand-père Domenico, ma grand-mère Carla et ma tante Ezia, rebaptisée ici, à cause d’un copié-collé hâtif et manuel, Azia. Bref: du voyage aventureux et pour moi épique vers les Amériques, j’ai une trace, la preuve que ce n’était pas une « fuite folle » d’immigrants clandestins. Parce que les gens allaient aux États-Unis pour travailler, ils bénéficiaient de permis de séjour, de demandes d’emploi, d’un État qui réglementait les flux dont il avait besoin pour se peupler. Ensuite, ceux qui ont fait fortune sont restés, tandis que ceux qui n’ont pas pu le faire ont dû rentrer chez eux.

CISEI (Centro Internazionale Studi Emigrazione Italiano)

On peut dire la même chose des parents du Pape Bergoglio. Son grand-père Giovanni, son père Mario (voir ci-dessus), tout juste 21 ans, débarqué à Buenos Aires en 1929 et dans le cas du Pape, il est extraordinaire de découvrir comment tout est parfaitement cohérent avec les documents croisés avec les différentes sources à disposition. Par la municipalité d’Asti, qui après l’élection au trône pontifical se rendit à Scartabellare au bureau de l’état civil, découvrant que le père du futur pape était parti le 1er février 1929, et par l’autorité navale argentine, qui enregistre le débarquement de la famille Bergoglio le 15 février de cette même année. Entre les deux, les 15 jours classiques de navigation sur le navire à moteur Giulio Cesare, qui n’était pas un canot à moitié troué volé par des bateliers sans scrupules, mais un bateau si bien connu qu’aujourd’hui il a une entrée sur Wikipedia.

Curieux, mais aujourd’hui le père du Pape, mais aussi mon père, sont le modèle d’émigration contrôlée promu par le leader de la Ligue Salvini et par les partis dits souverainistes de la moitié de l’Europe, que le Pape n’aime pas. Il s’agit d’une émigration contrôlée qui n’a rien à voir avec cette migration actuelle qui utilise des hommes bernés par un marché sans scrupules qui les amène – viande de boucherie – en Europe. Une émigration qui, au lieu d’être promue, devrait plutôt être combattue et découragée pour le bien de tous, tout d’abord pour ceux qui se trouvent en Italie sans avoir de nom.

A l’époque, il y avait des hommes avec noms et prénoms, des histoires traçables et des espoirs certifiés par ces quelques documents. Aujourd’hui, nous voyons des hommes anonymes dont les vraies identités sont souvent cachées, transportés en masse sans passeport, sans nationalité certifiée car la nationalité à déclarer est celle qui est fonctionnelle à la guerre qu’ils disent fuir ou au droit qu’ils se prétendent voir refuser, logés en grand nombre dans le grand business de l’accueil.

Unifier les migrations n’est rien de plus qu’une opération idéologique, qui a besoin d’un monument idoine pour la représenter. reconnaissable à partir de l’iconographie: des hommes tournés vers un seul objectif, avec un seul regard. Tout comme dans les monuments aux travailleurs, typiques du socialisme soviétique du XXe siècle qui regardaient le Soleil du futur. Ils appelaient ça de l’art, mais c’était de la propagande.

Share This