« Le Saint d’Assise nous unit, le Pape du même nom nous divise ». Marcello Veneziani a écrit ce billet le 4 octobre, fête de Saint François, mais sa réflexion dépasse le calendrier (et les frontières!), surtout au moment où va s’ouvrir un synode davantage tourné vers l’écologisme politique que vers le soin de la Création confié à l’homme par Dieu, et où le saint d’Assise risque d’être une fois de plus instrumentalisé pour une cause discutable.

Saint François recevant les stigmates
Vers 1428, attribué à Jan van Eyck

Apprendre de saint François

Marcello Veneziani
4 octobre 2019
Ma traduction

Nous avons eu cinq papes franciscains dans l’histoire de l’Église (1), mais aucun d’entre eux n’a osé s’appeler Pape François; le seul à l’avoir fait, c’est un jésuite rusé, le premier de la Compagnie à devenir Pape. Cela doit certainement vouloir dire quelque chose….

Saint François est le seul Italien qui met tout le monde d’accord, croyants, laïcs et autres.
Il plaît aux catholiques, bien sûr, parce qu’il est saint, il convertit à la sainteté et à la charité active, il est très chrétien, jusque dans sa chair, il a même les stigmates. Il plaît aux pro-musulmans parce qu’il a dialogué avec le sultan et les disciples d’Allah au temps des Croisades. Il plaît aux communistes, aux socialistes et à leurs dérivés, parce qu’il est avec les pauvres et les nécessiteux, mais son communisme est le seul que nous admirions tous, parce qu’il est volontaire et personnel, assumé sur sa propre peau et non imposé avec violence par une dictature policière et par un parti-Totem. Il plaît aux mystiques et croyants parce que son choix de pauvreté ne naît pas du paupérisme idéologique ou de la révolte sociale, aujourd’hui nous dirions anarcho-insurrectionnel; mais c’est un renoncement aux biens du monde, un dépouillement doux et désarmé de tout pour entrer nu et pur dans le royaume du ciel en la présence de Dieu. Il plaisait aux fascistes et aux nationalistes parce qu’il est le saint patron de l’Italie et Mussolini l’appelait « le plus italien des saints, le plus saint des Italiens », exaltant en lui l’esprit de renoncement et de dévouement, jusqu’à devenir un modèle de sacrifice pour l’Autriche, quand l’Italie dut faire avec ce qui lui restait chez chez elle.

Il plaît aux laïcs parce qu’il était en conflit avec le pouvoir clérical et qu’il était à sa manière un objecteur de conscience; il plaît aux pacifistes non-croyants depuis Aldo Capitini [1899-1968, poète, philosophe et homme politique, antifasciste, il fut surnommé le « Gandhi italien »], et il plaît à tous ceux qui dialoguent avec les autres religions comme lui. Il plaît aux féministes parce qu’il avait une relation de parité dans la sainteté avec Claire. Il plaît aux écologistes, aux hygiénistes et aux défenseurs des droits des animaux parce qu’il a été le premier à défendre la nature, à chanter la création, à aimer l’eau, la terre et à parler aux animaux. Il plaît aux détracteurs de la société de consommation et même aux grillini (partisans de Beppe Grillo/ »5 étoiles »), il est un exemple vivant de décroissance heureuse. C’est le testimonial parfait des sacrifices imposés par les crises, un modèle d’austérité heureuse avec l’esprit du ménestrel de Dieu.
Il est le précurseur de tous les rebelles et itinérants, il a pris la route avant Kerouac et les vagabonds du Dharma ; il est un Chatwin agité, il est notre propre Siddhartha chrétien, sans référence au Bouddha et à Hermann Hesse. Il unit les religions, les cultures, les générations, les pensées opposées, les chemins divergents mais pas sous le signe du progressisme; sous le signe du Moyen Âge. François fut peut-être le premier poète italien, et son Cantique, son Laudato sì mio Signore, est une joyeuse acceptation de la vie, de la création et aussi de la mort – notre sœur la Mort corporelle ; c’est la version chrétienne de l’Amor fati et de l’acceptation aimante de nos limites et de notre finitude. François a célébré dans la simplicité et la pauvreté les noces entre le naturel et le surnaturel, entre l’homme et Dieu.

Chesterton, dans le livre qu’il lui consacre, définit François comme un amoureux de Dieu et des hommes, mais il n’était pas un philanthrope. Parce que l’amour pour les hommes était chez lui le reflet de l’amour pour Dieu et s’étendait aux autres créatures.

Ce jésuite rusé et beau parleur de Bergoglio a choisi son nom comme Pape avec un grand flair de marketing religieux et populiste. Et le succès a été immédiat, avant même qu’il ne se fasse connaître.
Pourquoi alors ne pas partir de saint François pour essayer de recoudre cette Italie (et ce christianisme) divisée en deux, divisée par la haine pure et le mépris?
Le Saint d’Assise nous unit, le Pape du même nom nous divise.


(1) Nicolas IV, Sixte IV, Sixte V, Jules II et Clément XIV.


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