Revoilà Rafaela (*), un personnage récurrent du Père Guadalix, sorte de « madame Michu » version hispanique, dotée d’un bon sens populaire à toute épreuve. Cette fois, elle use du second degré pour tourner en dérision la folie de l’écriture inclusive, qui a gagné même l’Eglise. Désopilant.

(*) Taper son nom dans le moteur de recherche Google interne

Don Abbondio et sa « Perpetua » dans « Les fiancés » d’A. Manzoni

Rafaela et son ami le prêtreux (1)

Père Jorge Gonzalès Guadalix
www.infocatolica.com
23 janvier 2020
Traduction de Carlota (un grand merci, car ce n’était pas facile à rendre en français)

Une fois de plus je n’ai pas d’autre remède que de reconnaître le bon sens et les bonnes trouvailles de mon amie Rafaela. Depuis quelques jours quand elle veut me taquiner, et c’est une spécialiste, elle s’adresse à moi non pas en me disant P. Jorge, ni même tout net, Jorge, qui passe encore. Pas du tout. Elle me dit simple; “Hé, cureux(2).

Elle a décidé de jouer à être moderne, féministe et inclusive. C’est épuisant. Elle a commencé, en y mettant beaucoup de soin, par toujours dire  « hommes et femmes », « petits garçons et petites filles », « voisins et voisines »…Plus encore, si tu lui parles et que tu dis, par exemple, « c’est que les Espagnols »… elle sursaute très vite et avec une tête de féministe récalcitrante : « et les EspagnolEs ». … S’il faut être féministe, moderne, inclusive et revendicative, là il y a Rafaela.

L’étape suivante a consisté à appliquer le même traitement et raisonnement aux espèces animales. Elle ne parle pas de ses vaches mais de ses vaches et taureaux, veaux et génisses (3), chevreaux et chevrettes (4). Mais aussi de poules et coq, canards et canes (5). Et s’il n’y a pas de féminin reconnu, elle y apporte son grain de sable : des moineaux et des moinettes, des autruches et des autrucheux (6), et même un perdreux et une perdreuse (7), parce que parler d’une perdrix mâle ou femelle, se serait déjà donner un sexe à l’animal en fonction de ses caractéristiques physiques, ce qui supposerait faire violence à son identité. Au fait : comment interroger un perdreux ou une perdreuse sur son sentiment d’identité, mais elle explique qu’en ce qui concerne les langages des animaux, c’est affaire de spécialistes.

Il n’y a qu’une chose en cette affaire de différenciation et d’explicitation du nom chez les animaux qui lui résiste, précisément sur un mot que se trouve dans le dictionnaire. Et c’est quand elle parle de ses chèvres, elle dit simplement « Les chèvres et le… », et là elle rougit quelque peu, se met à rire et se rappelle le catéchisme et les leçons de politesse…, et en ce qui concerne le…, le mot ne vient pas. Atavismes de l’enfance, c’est bien possible.

Rafaela n’a pas la tâche facile avec votre serviteur, mais elle n’a de cesse d’obtenir que le langage ecclésiastique arrive sur son terrain du grotesque et de l’absurde. Pour le moment, elle a commencé par m’appeler “prêtreux, mais évidemment si un jour il y a des femmes, il faudra de même distinguer entre « cureux » et « curesse » (7). Elle fait aussi référence à votre serviteur comme le « prêtreux » de sa paroisse, en prévision de ce qu’un jour, à savoir si cela va arriver vite, viendra une prétreuse (8). Comme ça, on commence à s’habituer, dit-elle.

Mais qu’est-ce qui t’arrive, Rafaela ?

Ce qui m’arrive? Écoute, cureux, la fin de semaine dernière, il m’a pris d’aller à la messe avec mes neveux dans leur paroisse madrilène. Tu ne vas pas le croire, ou peut-être que oui finalement, donc le cureux ou le prêtreux qui a célébré la messe, a commencé par dire que « le Seigneur soit avec vous hommes et femmes (9) », il a continué avec un « frères et sœurs avant de célébrer les saints mystères… », et  jusqu’à la  consécration où j’ai eu à endurer « ceci est mon Corps livré pour vous hommes et femmes (9), « ceci est le calice de mon Sang…qui sera versé pour vous hommes et femmes et pour beaucoup d’hommes et beaucoup de femmes(9)

Il me reste l’espoir qu’en vous appelant cureux et prêtreux vous allez vous rendre compte du ridicule que provoquent quelques uns.

La messe terminée, – a continué à me raconter Rafaela, je suis passée par la sacristie pour dire au prêtre célébrant que j’avais été très surprise de rencontrer un prêtreux si sensibilisé à la problématique de l’idéologie du genre et je lui ai demandé si dans le coin il y avait beaucoup de prêtreux comme lui.

– Madame, m’a-t-il dit, est-ce que ça va dans votre tête ?

– C’est bien possible, lui ai-je répondu, en tout cas, plutôt mieux que vous. Bonne journée, monsieur le cureux.

-o-

Notes de traduction

Avant toute chose, se rappeler qu’en espagnol le féminin est marqué en général par un a final et le masculin par un o, le pluriel féminin par as et le pluriel masculin par un os, et que le pluriel qui englobe des personnes de sexe masculin et de sexe féminin, prend jusqu’à ces temps désormais anciens, le pluriel masculin, comme chez nous en France. Bien sûr comme en français et suivant l’origine du mot, l’on peut avoir des terminaisons différentes et des variantes. C’est sur cette réalité historico-linguistique que le P. Jorge, reprenant l’un de ses personnages favoris, une paroissienne Rafaela qui a l’habitude de ne pas mâcher ses mots, évoque une nouvelle absurdité qui ne touche pas que l’orthographe et le vocabulaire…

  1. Sacerdote = nom masculin signifiant un prêtre en espagnol. Rafaela crée donc le néologisme sacerdoto faisant plus masculin en 2020 !
  2. Cura= nom masculin signifiant un curé en espagnol. Rafaela le « masculinise » donc en mettant un o à la place d’un a et dit curo (qui signifie aussi je soigne en espagnol !)
  3. 4. En espagnol pour les petits de la vache et de la chèvre, le mot se terminant soit par un o soit par un a, suivant le sexe de l’animal encore à la mamelle.
  4. Le mot féminisé en espagnol veut aussi dire une patte, cf le fameux jambon de cochon « pata negra ».
  5. Mes néologismes pour essayer de rendre la féminisation ou masculanisation les noms génériques des moineaux, autruches, perdrix donnés en espagnol par Rafaela.
  6. L’on pourrait aussi traduire par « un curé et une curée » mais comme en espagnol le mot au masculin se terminant pas a aussi été changé, pourquoi ne pas imaginer en français quelque chose qui ne soit pas un homonyme, quoique et sans jeu de mot !
  7. Le mot correspondant à prêtresse existe en espagnol, ce n’est pas celui qui a été employé par Rafaela qui en a créé un, et comme le mot prêtre a aussi été changé en espagnol, j’ose donc ces deux  néologismes en français…
  8. En espagnol le « vous » (tu pluriel) a les deux formes en os et en as, d’où ma traduction vous hommes et femmes nécessaire en français.
  9. Relisons la Vulgate latine et espérons que les féministes n’imposeront pas aux  mondains de l’église de transformer le centurion en centurionne, au moment de la communion, tout au moins quand la liturgie n’est pas en latin. Saint Jérôme, intercède pour nous.

Matthieu 26:28 Latin: Vulgate Clémentine
Hic est enim sanguis meus novi testamenti, qui pro multis effundetur in remissionem peccatorum.

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Luc 22:20 Latin: Vulgate Clémentine
Similiter et calicem, postquam cœnavit, dicens : Hic est calix novum testamentum in sanguine meo, qui pro vobis fundetur.

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Matthieu 8:8 Latin: Vulgate Clémentine
Et respondens centurio, ait : Domine, non sum dignus ut intres sub tectum meum : sed tantum dic verbo, et sanabitur …

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