Une nouvelle interview d’AM Valli, cette fois par Il Giornale, à propos de la parution de son dernier livre (L’ultima Battaglia), un récit dystopique qui imagine comment pourrait devenir l’Eglise si les « processus initiés par François » se développent jusqu’à atteindre leurs limites les plus extrêmes. Simple fiction, ou prophétie?


L’Eglise vit déjà un schisme et le Pape parle comme l’ONU

Aldo Maria Valli, vaticaniste chevronné, est de ceux qui soulignent la persistance d’une « confusion » évidente. Dans son dernier livre, un roman, le journaliste esquisse la parabole d’une Église de demain, qui est malheureusement plongée dans les « choses du monde ». Une Église, donc, qui a abdiqué, à elle-même et à son rôle. Mais il y a aussi des milieux qui n’ont pas l’intention de lâcher prise sur la doctrine catholique. Cela semble être un conte, mais c’est peut-être de l’histoire pure.

Monsieur Valli, vous avez récemment publié un roman. L’ultima battaglia (La dernière bataille) est-elle une allégorie de la phase ecclésiastique que nous vivons?

Certainement. Il se situe dans un avenir indéterminé, dans lequel certaines tendances de l’Église actuelle sont poussées à l’extrême. Des prêtres qui peuvent se marier même entre hommes, le message de la foi réduit à une vague consolation sentimentale, un abandon total à la pensée du monde, l’interdiction de prier et de bénir en public, la place Saint-Pierre rebaptisée Place du dialogue. Face à cette dérive, quelqu’un décide de résister.

Quelle histoire racontez-vous dans votre livre ?

Précisément l’histoire d’une Église délibérément vendue au monde. Derrière, il y a un complot, de ceux qui veulent en fait neutraliser l’Église catholique. Mais tout le monde n’est pas prêt à se rendre. Un « petit troupeau » s’organise et passe à la contre-attaque. L’entreprise semble impossible, mais le bon Dieu ne manquera pas d’apporter son aide providentielle.

Le pape François et Benoît XVI… On croit pouvoir dire qu’en général, vous voyez plus d’une différence…

Les différences sont évidentes. De la part de François, ambiguïté conceptuelle et doctrinale, avec le relativisme qui fait son entrée dans l’enseignement papal. De la part de Benoît XVI, la défense à outrance de la doctrine correcte et le barrage au relativisme. Bien que beaucoup tentent de nous convaincre qu’il y a une continuité entre les deux, nous sommes confrontés à une rupture nette. Cela nous amène à nous interroger également sur ce que peut et doit être, en général, la relation entre deux papes, l’un régnant et l’autre émérite.

Pensez-vous que Bergoglio fait une fixation sur les migrants?

C’est une des fixations. L’autre est sur l’écologie. Dans l’ensemble, nous avons un pape qui parle comme le Secrétaire général des Nations unies ou le chef d’une organisation mondialiste. Il est souvent très difficile de trouver un contenu catholique dans sa prédication. Mais je trouve que le pire aspect de ce pontificat n’est pas lié à un thème spécifique, mais à l’ambiguïté constante, comme on le voit bien dans l’exhortation apostolique Amoris laetitia de 2016. François dit que pour lui, il est plus important « d’initier des processus que d’occuper l’espace ». Mais qu’est-ce que cela signifie? Le successeur de Pierre doit confirmer les frères dans la foi, il ne doit pas « initier des processus », quoi que cela veuille dire.

The Economy of Francis. Le rendez-vous de mars à Assise peut-il modifier le cours de ce pontificat? Et si oui, comment?

Je crains que ce soit un pas de plus vers la confusion et la capitulation devant le monde. Ce pape qui aime discuter avec Eugenio Scalfari ne parle pas du salut de l’âme et de la loi de Dieu (ou en parle en termes ambigus, voire hérétiques) et a une perspective entièrement horizontale. Il invite également dans les académies pontificales des sociologues et des économistes de l’école mondialiste, dans certains cas ouvertement anti-catholiques. Dans tout cela, il y a quelque chose de choquant.

La situation allemande est orageuse. Croyez-vous vraiment que les évêques teutoniques puissent parvenir à un schisme?

Je ne sais pas, mais il y a déjà un schisme. D’un côté, une Église en proie aux hérésies modernistes, de l’autre, des catholiques qui ne veulent pas céder au monde. L’Église allemande est économiquement très forte et capable d’influencer d’autres régions du monde, comme on l’a vu dans le cas du Synode de l’Amazonie. Sous beaucoup d’aspects, comme le célibat des prêtres et le sacerdoce féminin, un cardinal comme Marx, président des évêques allemands, a des positions qui ne se distinguent pas vraiment de celles des luthériens. Et c’est quoi, sinon un schisme de facto ?

La question du livre de Sarah et Ratzinger est passée aux archives. Selon vous, pourquoi, à un moment donné, a-t-on demandé la suppression de la signature du pape émérite ?

Parce que des pressions ont été exercées par Sainte Marthe. Mais le cardinal Sarah, documents à l’appui, a montré qu’il s’est comporté correctement avec Ratzinger. D’autre part, il aurait été stupide de sa part de manipuler Benoît XVI d’une manière ou d’une autre. Au-delà de la question spécifique traitée dans le livre, à savoir le célibat des prêtres, l’histoire montre que la coexistence des deux papes est assez problématique.

Je vous demande, enfin, un commentaire sur la nomination du cardinal Tagle comme préfet de Propaganda Fide.

Le cardinal Tagle est un bergoglien de fer, expression du miséricordisme qui prédomine. Sa promotion s’inscrit dans un plan que François a initié depuis un moment, comme en témoigne également la nomination du nouvel archevêque de Philadelphie, Perez, à la place de Mgr Charles J. Chaput, dépeint comme « ultra-conservateur ». Tagle est considéré comme papabile et la promotion au rôle de « pape rouge » (comme on appelle le préfet de Propaganda Fide) va dans ce sens. Dans le nouveau règlement de la Curie romaine, Propaganda Fide aura la première place, avant même la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : pour Tagle, une véritable rampe de lancement. Mais on sait que, comme le dit un vieil adage, « celui qui entre dans le conclave comme pape en sort cardinal ». Espérons.

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