Le « furbo » (c’est lui qui le dit!) Pape jésuite a sans doute plus d’un tour dans son sac pour contourner le magistère et mystifier ses critiques. Edward Pentin esquisse cinq scénarios possibles, qui aident à comprendre ce qui risque d’arriver. Rendez-vous mercredi 12 février pour voir s’il a vu juste.


Que dira le document papal post-synode amazonien sur le célibat des prêtres?

Le document papal, qui sera publié mercredi prochain, peut avoir plusieurs issues.

Edward Pentin
National Catholic Register
7 février 2020
Ma traduction

Un mélange d’anticipation et d’appréhension entoure l’exhortation apostolique du pape François sur le synode panamazonien, dont le Vatican a annoncé la publication mercredi au cours d’une conférence de presse.
La raison en est que par ce document, intitulé Querida Amazonia (Amazonie bien-aimée), le pape pourrait apporter un changement historique à la règle du célibat obligatoire pour les prêtres de rite latin.
Lors du synode d’octobre dernier, les pères synodaux ont voté majoritairement en faveur d’une exception permettant d’ordonner prêtres des diacres permanents mariés, soi-disant pour aider à remédier au manque d’accès aux sacrements dans les régions reculées de l’Amazonie.
Mais les opposants avertissent qu’une telle décision reviendrait à abolir, ou à tout le moins à affaiblir, la discipline du célibat des prêtres, car l’Église dans les pays souffrant d’une crise des vocations – comme l’Allemagne, dont les évêques se font les champions d’un tel changement – pourrait invoquer le même principe.
Ces dernières semaines, des rumeurs ont circulé selon lesquelles le document contiendrait mot pour mot la proposition que les pères synodaux ont adoptée en octobre, d’autres qu’il ne contiendrait aucune référence aux viri probati (l’ordination sacerdotale d’hommes mariés « de vertu éprouvée »), et d’autres encore qui prétendent avoir vu le texte mais disent qu’il ne fait qu’une référence fugace et sans conséquence.
Selon un responsable de la communication du Vatican, le document a été remis au Pape le 27 décembre et n’a depuis lors subi aucun changement de contenu, hormis des ajustements de style dans les traductions. Le texte définitif a été achevé le 2 février.

Compte tenu des possibilités concernant son contenu, quels scénarios pourraient émerger ?

1- Le premier pourrait être que l’exhortation apostolique post-synodale ne contienne en effet aucune référence aux viri probati, et que le document ne présente donc aucun danger pour la règle du célibat obligatoire. C’est possible, étant donné l’ambivalence apparente de François sur la question, bien que personne ne sache exactement ce qu’il en pense. Il se peut aussi qu’aucune mesure ne soit prise en raison des critiques constantes de fidèles inquiets qui veulent voir l’Église universelle maintenir la discipline du célibat sacerdotal. Le récent livre de Benoît XVI et du cardinal Robert Sarah défendant le célibat sacerdotal vient s’ajouter au chœur.
Le pape François pourrait aussi ne faire aucune référence à cette question avec l’intention de la laisser à un successeur pour qu’il la reprenne. Mais la possibilité que cette question soit aujourd’hui laissée en suspens est en général considérée comme improbable car elle entraîne la question: pourquoi ouvrir une boîte de Pandore de remise en question de la règle par le biais du processus synodal, avec le tort que cela pourrait faire à la foi des gens, à moins qu’il n’y ait une volonté de la changer ?

2- La deuxième possibilité est que le document réaffirme fermement la discipline de l’Église et semble donc adhérer à l’orthodoxie, mais qu’il autorise une exception juste pour la proposition du synode amazonien. Cela correspondrait à ce que le cardinal Walter Kasper a dit en juin dernier, à savoir que si les pères synodaux votaient une telle mesure pour l’Amazonie, François « l’accepterait probablement comme principe ». Mais cela serait considéré comme une défaite majeure pour les défenseurs du célibat sacerdotal qui pensent que les raisons d’autoriser une telle exception pour l’Amazonie seraient instantanément utilisées ailleurs, même si elles sont rejetées dans le document (il existe de nombreux exemples post-conciliaires où les exceptions deviennent la règle, comme l’utilisation de la langue vernaculaire, la communion dans la main, la messe célébrée versus populum et le recours généralisé à des ministres extraordinaires). Pour ces opposants, cela reviendrait donc à abolir la règle, quelle que soit la valeur accordée au célibat sacerdotal et son renforcement dans l’exhortation.

3- Un troisième scénario est que le document ne contienne aucune référence aux viri probati et que la règle du célibat semble avoir survécu intacte. Mais en réalité, plutôt que d’être complètement mise en veilleuse, la question serait transférée à la nouvelle constitution pour la Curie romaine et, à leur tour, aux conférences épiscopales. C’est possible étant donné le projet de constitution révélé l’année dernière, qui conférait une plus grande autorité aux conférences épiscopales, conformément aux plans du pape François exposés dans sa première exhortation apostolique, Evangelii Gaudium. Ainsi, plutôt que de décider lui-même de la question dans l’exhortation, François déléguerait en fait la responsabilité d’autoriser les prêtres mariés à des évêques qui pourraient la traiter en fonction de leur situation locale particulière.
Une raison possible, dite ou non-dite, pourrait être que la modification de la règle du célibat des prêtres serait en réalité une charge coûteuse pour les finances des diocèses, en raison des soins matériels supplémentaires que les diocèses devraient fournir aux familles des prêtres, et donc François pourrait déléguer la responsabilité aux évêques régionaux pour décider s’ils peuvent se le permettre.

4- Une quatrième hypothèse est que le pape dise que l’exhortation doit être lue à la lumière du document final, ce qui lui permettrait de ne pas faire lui-même référence à la question des viri probati et d’éviter ainsi au moins l’accusation selon laquelle il aurait lui-même provoqué l’abolition du célibat sacerdotal. La modification serait tout de même promulguée sur la base de la constitution apostolique de 2018 du pape François sur le synode des évêques, Episcopalis Communio, qui stipule que « s’il est expressément approuvé par le Souverain Pontife, le document final participe au magistère ordinaire du Successeur de Pierre ». Il pourrait en effet agir comme la note 351 de son exhortation apostolique Amoris Laetitia, qui permettait à certains catholiques divorcés remariés de recevoir la Sainte Communion, même si le texte principal, en l’occurrence l’exhortation elle-même, pouvait être lu différemment.

5- Une cinquième possibilité est qu’aucune référence ne soit faite aux viri probati et qu’une modification de la règle du célibat sacerdotal soit reportée. Elle serait alors traitée soit dans une « commission d’étude » sur la question, soit à la lumière du prochain synode des évêques qui portera probablement sur la synodalité. Ce synode pourrait bien créer un nouveau cadre institutionnel et canonique, impliquant éventuellement un « synode permanent », analogue à une révolution permanente, dans le sens envisagé par le défunt cardinal Carlo Martini. Cela pourrait alors aller dans deux directions possibles, soit comme une expérience synodale au niveau local, similaire à la voie synodale actuelle en Allemagne, pour laquelle il n’existe actuellement aucune structure canonique et un synode du Vatican en fournirait une. Soit un « synode permanent » pourrait être établi au niveau universel, créant une sorte de « parlement synodal » dans lequel les évêques pourraient accorder de plus en plus d’exceptions pour autoriser les prêtres mariés.

Chacune de ces options offrirait la possibilité de modifier la règle du célibat par d’autres moyens.

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