Antonio Socci retrace le déroulement du fiasco du fameux livre à quatre mains – y compris la mise sur la touche de Mgr Gänswein et les manœuvres de la « cour » bergoglienne. Avec son livre, Benoît XVI a joué son rôle de katechon, mettant François dans l’impossibilité de donner, pour le moment, le coup escompté au célibat sacerdotal (ce que laissent en effet supposer les dernières anticipations). Mais ce n’est peut-être que partie remise…


Bergoglio veut baîllonner Benoît XVI

Mais pour le peuple de Dieu, la voix de Benoît XVI reste la voix vraie de l’Eglise d’aujourd’hui

Antonio Socci
Libero du 10 février 2020
Ma traduction

Après sept ans, les « gros » journaux eux-mêmes – avec la « défenestration » de Mgr Gänswein par Bergoglio – ont réalisé qu’il y a deux papes dans l’Église catholique. Il leur en faudra peut-être encore sept autres pour qu’ils expliquent ce que cela signifie.
Hier, le « Corriere della sera » titrait une page de Massimo Franco avec ces mots: « Ainsi se termine l’ère des ‘deux papes‘  » [article repris sur Dagospia, ndt]. L’article reprend la version de Bergoglio (qui avait déjà été fournie à d’autres journaux) sur les derniers événements.
La cour « argentine » rapporte que Mgr Gänswein a été relevé de son poste de préfet de la maison pontificale parce qu’il n’a pas pu éviter – en tant que secrétaire de Benoît XVI – que le pape émérite soit « présenté sournoisement » comme co-auteur du livre avec le cardinal Sarah en défense du célibat ecclésiastique.
Les bergogliens veulent ainsi faire passer trois idées: 1) que Benoît XVI se laisse utiliser comme s’il était incapable de s’occuper de lui-même et qu’il soit pour cette raison isolé et réduit au silence; 2) que le cardinal Sarah est quelqu’un qui instrumentalise le pape émérite pour ses opérations personnelles; 3) que Mgr Gänswein n’aurait pas été assez vigilant pour l’empêcher.


En fait, c’est le contraire qui est vrai. Benoît XVI est parfaitement lucide et conscient, comme chacun le sait (il est toujours le meilleur esprit de l’Église catholique), et il entendait intervenir pour défendre le célibat ecclésiastique contesté par le synode sur l’Amazonie.

A la mi-janvier – quand Le Figaro a anticipé le livre avec le cardinal Sarah – Bergoglio est entré en furie contre Mgr Gänswein en lui ordonnant de « faire sauter » l’opération éditoriale.
Mgr Gänswein a tenté de remettre en question le graphisme avec la double signature de la couverture afin que la grosse caisse bergoglienne puisse répandre la nouvelle que Benoît XVI retirait sa signature et se dissociait de l’opération.
Mais ce n’était pas vrai. En effet, le cardinal Sarah a rendu publique la correspondance entre les deux auteurs et Benoît XVI l’a reçu, confirmant son écrit et son approbation. En fait, au-delà du graphisme des signatures, il est clair pour tout le monde que le livre a été écrit d’un commun accord et que Benoît XVI ne s’est pas laissé bâillonner.
Le livre a fait comprendre au peuple chrétien qu’il n’a pas été abandonné par Benoît XVI et que sa paternité continue à veiller sur le chemin de l’Église.
Sa déclaration a l’énorme force de toute la tradition catholique. Sa voix – avec une totale évidence – est la voix de l’Église de tous les temps.

C’est pourquoi le livre a eu un effet explosif. Et la polémique de la cour bergoglienne est aujourd’hui risible: « on a évoqué », écrit Franco, « une opposition doctrinale entre les ‘deux Papes‘ qui a irrité un François accusé d’être pour l’abolition du célibat: bien que ses conseillers nous assurent que ce n’est pas le cas, comme on le comprendra de ses conclusions sur le Synode sur l’Amazonie« .
Il est facile de comprendre à quel point cette version est absurde. Si en effet Benoît XVI et le cardinal Sarah ont écrit des choses identiques à celles que Bergoglio professe, pourquoi s’est-il emporté au point de « défenestrer » Mgr Gänswein pour ce livre?
En réalité, Bergoglio voulait donner un coup au célibat à travers l’ordination des « viri probati » et c’est la raison pour laquelle il avait réclamé que cette innovation figure dans le document final du Synode.
Mais – après une déclaration aussi autorisée de Benoît XVI – il n’aura probablement pas le courage de le faire (d’après ce que ses « conseillers » ont dit à Massimo Franco et ce qu’a anticipé « Avvenire »). C’est pourquoi – ayant un caractère irascible et vindicatif – Bergoglio a fait payer Mgr Gänswein.


Même si Bergoglio ne donnera pas directement le coup au célibat dans l’Exhortation post-synodale des prochaines heures, il pourrait ensuite le donner par le biais du Synode « révolutionnaire » des évêques allemands.

Le désappointement de Bergoglio provient du constat que tout le monde continue à entendre la voix de Benoît XVI comme la voix autorisée du pape, alors que la sienne est source de division et est perçue comme celle d’un politicien factieux qui ne se comporte pas comme un pape.
En effet, Franco note également la contrariété de Bergoglio et de sa cour pour la publication – en avril 2019 – des Notes de Benoît sur la pédophilie, « avec l’énorme écho qu’elles ont obtenu ».
Franco écrit: « Elles se sont révélés être une source d’embarras pour le cercle papal. On a constaté avec déception combien l’analyse du pontife émérite pesait encore et comment elle était instrumentalisée par les adversaires de Bergoglio ».


En réalité, ces dernières années, Bergoglio lui-même et son entourage (comme l’ont montré certains incidents spectaculaires) ont tenté d’utiliser Benoît XVI pour légitimer les accrocs de Bergoglio. Mais le pape Ratzinger n’a jamais laissé personne l’utiliser. Avec sa douceur et sa sagesse, il continue à exercer son ministère.
Dans une conférence mémorable à l’Université Grégorienne, l’évêque Gänswein lui-même a expliqué: « Avant et après sa démission, Benoît a entendu et entend sa tâche comme participation à un tel « ministère pétrinien ». Il a quitté le trône papal et pourtant, avec le pas du 11 février 2013, il n’a pas nullement abandonné ce ministère… il n’a pas abandonné la charge de Pierre – ce qui lui aurait été totalement impossible après son acceptation irrévocable de la charge en avril 2005″.

Le plus proche collaborateur de Benoît XVI nous explique donc que pour Joseph Ratzinger, « l’acceptation de la charge » de Pierre est « irrévocable » et son abandon est « totalement impossible ». Ceux qui ont des oreilles, qu’ils entendent.

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