Elle non plus ne pense pas que l’exhortation classe définitivement le problème du célibat sacerdotal, et elle souligne le fait, très significatif, que dès l’exorde, le Pape enjoint de lire le Document Final du Synode en entier (1), investissant ainsi ce texte confus et ennuyeux d’une autorité qui ne lui appartient pas…

… Mais le Christ a dit « que votre oui soit oui, votre non, non »… et que la vérité ne de dilue pas dans une logorrhée indigeste que personne ne lira, sauf les « initiés » habituels.


« Chère Amazonie… »: ce n’est que partie remise

Luisella Scrosatti
13 février 2020
La NBQ
Ma traduction

L’Exhortation apostolique post-synodale « Querida Amazonia » a été présentée: elle ne reprend pas la demande des prêtres mariés et des femmes diacres, mais le Pape François a demandé que le Document final du Synode soit appliqué avec tout ce qu’il contient. Et même si le sentiment est celui d’un texte « dégonflé » par la critique, l’Evangile et la culture sont excessivement divisés alors que l’on fait une apologie voilée de la Pachamama. En attendant, les « interprètes officiels » du pontificat déclarent que les questions les plus épineuses ne sont pas closes et avancent avec le synode

L’Exhortation apostolique post-synodale du Pape François a enfin été publiée. Querida Amazonia est un document pas très long: 111 paragraphes, répartis en quatre macro-sections, qui ont l’objectif d’exprimer les « résonances » provoquées chez le Souverain Pontife par le chemin du Synode, excluant la volonté tant de remplacer que de répéter le Document final. Le Document est au contraire recommandé à l’attention des lecteurs de l’Exhortation: « J’ai préféré ne pas mentionner ce Document dans cette Exhortation, car je vous invite à le lire dans son intégralité » (§ 3). Et même, dans le paragraphe suivant, la recommandation de la lecture devient une exhortation à l’ensemble de l’Église à se laisser « enrichir et interpeller par ce travail », et aux populations qui vivent en Amazonie, pasteurs et laïcs, à s’engager « dans son application » (§ 4).

La teneur de cette introduction de l’Exhortation Apostolique communique déjà une indication d’une importance décisive: le Pape demande que le Document soit appliqué, avec tout ce qu’il contient. La conséquence est que cette exhortation doit être lue en parallèle avec les conclusions finales du Synode. Le Pape y apporte des résonances, « un bref cadre de réflexion qui incarne dans la réalité amazonienne une synthèse de certaines grandes préoccupations que j’ai déjà exprimées dans mes documents précédents » (§ 2) ; il y a des indications qui doivent être appliquées.

Le dicton dit « in cauda venenum« , mais ici le danger semble avoir été transféré in capite.

Cela semble être l’aspect le plus important d’un texte plutôt répétitif, plein d’aspects génériques et de clichés, sans jamais rien resserrer. Une grande partie du texte se répand pour mettre en évidence la sagesse des peuples amazoniens, leur harmonie avec la création, etc., et même lorsqu’il affirme qu’il est essentiel de leur apporter le kérygme (§§ 64-66), il semble presque qu’il s’agisse de mettre la fameuse cerise sur un gâteau, qui au fond, était déjà savoureux en soi.

L’Exhortation est basée sur quatre « rêves », respectivement social (§§ 8-27), culturel (§§ 28-40), écologique (§§ 41-60) et ecclésial (§§ 61-110). Les problèmes de la colonisation, du déracinement territorial, de la culture indigène à préserver et le problème écologique sont repris, le tout assaisonné de textes poétiques – explique Tornielli dans son éditorial – « qui aident le lecteur à entrer en contact avec la merveilleuse beauté de cette région, mais aussi avec ses drames quotidiens ».

Même la partie qui traite de l’aspect plus spécifiquement ecclésial est une reprise très vague du thème de l’inculturation, avec en outre des déclarations si génériques qu’elles se prêtent à une interprétation périlleuse dans n’importe quelle direction. Comme lorsqu’on sépare à l’excès l’Évangile et la culture, en exhortant les missionnaires à ne pas vouloir exporter leur propre culture en même temps que l’Évangile (§§ 67-69). Ou comme lorsqu’on met en garde contre une trop grande hâte à « classer comme superstition ou paganisme certaines expressions religieuses qui surgissent spontanément de la vie des gens » (§ 78) et qu' »il est possible de recevoir d’une certaine manière un symbole indigène sans nécessairement le qualifier d’idolâtre » (§ 79). Pratiquement une apologie de la Pachamama. Ou encore lorsqu’on déclare inadmissible « face aux pauvres et aux oubliés de l’Amazonie, une discipline qui les exclut et les éloigne, car ils sont ainsi écartés par une Église transformée en barrière de douane » (§ 84).

Le sentiment est donc qu’il s’agit d’un texte « dégonflé » par nécessité, face aux nombreuses critiques émises. Même l’ouverture tant attendue au clergé marié n’a pas été intégrée dans le texte, pas plus que l’accès à une forme quelconque de diaconat féminin. Les événements de ces dernières semaines ont certainement joué un rôle important: non seulement le livre du cardinal Sarah et de Benoît XVI, mais aussi la pression excessive de l’Allemagne ont dû appeler à une plus grande prudence.

Comme mentionné au début, le vrai danger réside précisément dans les premiers paragraphes, qui investissent en fait le Document final du Synode d’une autorité impropre. C’est dans cette fissure que les prochaines étapes seront franchies, comme Spadaro l’a déjà annoncé dans son tweet aujourd’hui: « La Civiltà Cattolica fournira rapidement, selon la tradition, mon commentaire sur cette Exhortation apostolique, qui est une étape fondamentale du processus synodal en cours » (2).

En attendant l’interprétation « magistérielle » de Spadaro, il convient de noter que Tornielli lui aussi regarde déjà vers l’avenir, du moins en ce qui concerne le célibat sacerdotal: « une question qui a été débattue pendant longtemps et qui pourrait l’être encore à l’avenir, car ‘la continance parfaite et perpétuelle’ n’est ‘certainement pas requise par la nature même du sacerdoce’, comme l’a déclaré le Concile œcuménique Vatican II« . Dans le texte cité par Tornielli, le Concile note simplement qu’historiquement il a toujours existé un clergé marié, à côté d’un clergé célibataire et que, par conséquent, le célibat n’est pas strictement requis par le sacerdoce. Il est toutefois dommage que la nature du sacerdoce, selon la tradition de l’Église, exige en tout cas la continence également pour les personnes mariées, à partir du moment de l’ordination. Ce texte de Presbyterorum Ordinis, n. 16, si l’on ne veut pas heurter frontalement toute la Tradition de l’Église , doit être compris comme la reconnaissance de la coexistence légitime d’un clergé célibataire et d’un clergé marié, mais continent. C’est un texte qui pourrait – et devrait probablement – être exprimé de manière plus claire, mais qui est en tout cas passible d’une interprétation conforme aux données de la Tradition de l’Église. Si Tornielli a l’intention d’interpréter le Concile en rupture avec la Tradition, qu’il le dise ouvertement.

L’ensemble du texte et les premières réactions conduisent donc à penser que la bataille n’a pas abouti aux résultats espérés, mais qu’on ne peut pas dormir sur ses deux oreilles. Tout d’abord parce qu’il faudra comprendre comment le Document final sera réellement mis en œuvre en Amazonie : il est en effet peu probable que le cardinal Hummes et l’évêque Kreutler se limitent à encourager les vocations missionnaires, comme le demande l’Exhortation Apostolique (§ 90). Ensuite, Tornielli et Spadaro suggèrent tous deux que the show must go on: il y a un synode allemand qui bat son plein, qui annonce déjà qu’il va se mettre le célibat sacerdotal sous les semelles; et puis il y a un prochain synode, dans lequel on tentera de mettre sur la table l’idée d’une Église comme synode perpétuel.


NDT

(1) Il suffit de lire Ivereigh:

Le doc synodal fait partie du magistère ordinaire de l’Église (les évêques ont le pouvoir d’enseigner), c’est pourquoi François dans #QueridaAmazonía (magistère papal) exhorte l’ensemble de l’Église à le lire dans son intégralité et à s’en enrichir, et l’Église en Amazonie à l’appliquer.

(2) Le commentaire est déjà prêt: www.laciviltacattolica.it/articolo/commento-alla-esortazione-apostolica-di-papa-francesco-querida-amazonia/

Mon commentaire à #QueridaAmazzonia. Voilà comment éviter de transformer un document puissant qui accompagne (et ne remplace pas !) ce qui a été dit au Synode pour l’Amazonie en un document de sacristie

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