Mgr Giampaolo Crepaldi, archevêque de Trieste et président-fondateur de l’Obsrvatoire International « Cardinal Van Thuan » sur la doctrine sociale de l’Eglise nous avertit qu’après la pandémie « rien ne sera plus comme avant ». Au-delà d’une remise en question du mondialisme, et de « la fin peu glorieuse » annoncée de l’UE, il propose des pistes – au premier rang la notion de bien commun et le retour de Dieu dans le monde -, dans une ample réflexion que commente ici Stefano Fontana.

Mgr Crepaldi

Coronavirus, la crise d’aujourd’hui doit nous faire changer demain

Stefano Fontana
La NBQ
19 mars 2020
Ma traduction

Après l’urgence coronavirus, rien ne sera plus comme avant. La crise actuelle indique la vacuité d’idéologies telles que le naturalisme et le mondialisme et l’effritement de l’Union européenne; et appelle à repenser le concept de bien commun, la fonction subsidiaire du crédit et la relation entre l’État et l’Église. Ce qui se passe aujourd’hui doit devenir une réflexion sur la façon de reconstruire après. Une ample réflexion de Mgr Crepaldi à partir de la Doctrine sociale de l’Eglise.

La parole de l’archevêque Giampaolo Crepaldi ne pouvait manquer en cette heure difficile à la suite de l’épidémie de coronavirus. En effet, la crise actuelle interpelle en profondeur la doctrine sociale de l’Église, dont l’évêque Crepaldi est parmi les plus grands experts. Dimanche dernier, dans la cathédrale de San Giusto à Trieste, il a déclaré au cours de l’homélie qu’après cette expérience du Covid-19 « rien ne sera plus comme avant ». Dans les jours qui ont suivi, il a mené une large réflexion sur la situation actuelle et notamment sur l’après-coronavirus qu’il rend public aujourd’hui sous le titre « Coronavirus: aujourd’hui et demain« .

La réflexion approfondie de Mgr Crepaldi est importante car aucun prélat n’avait jusqu’à présent invité à réfléchir sur l’après-coronavirus et, surtout, personne n’avait remis en cause la lumière de la Doctrine sociale de l’Eglise.
Ses réflexions ont été reprises et relancées par l’Observatoire Cardinal Van Thuân pour la Doctrine Sociale de l’Eglise, et la Coordination Nationale Justitia et Pax pour la Doctrine Sociale de l’Eglise, à laquelle appartiennent 30 associations et centres culturels dans toute l’Italie.

Aujourd’hui, nous voudrions tous que tout redevienne comme avant, et c’est compréhensible. Mais si, comme le dit l’archevêque, « rien ne sera plus comme avant » après cette dure expérience, nous devons réfléchir profondément sur l’après-coronavirus. L’épidémie, en effet, « n’est pas seulement une urgence sanitaire », note Crepaldi, « mais elle touche et bouleverse toutes les structures sociales, mettant en évidence les nombreuses faiblesses de notre mode de vie. Il suffit de penser à la fragilité du système économique dont les perspectives de crise font dire qu’un danger encore plus grand que celui causé par l’infection pourrait venir de là.

C’est pourquoi Crepaldi cite, comme très actuel, ce que l’encyclique Caritas in Veritate de Benoît XVI a écrit en 2009 au moment d’une autre crise:

« La crise nous oblige à redéfinir notre chemin, à nous donner de nouvelles règles et à trouver de nouvelles formes d’engagement, à nous concentrer sur les expériences positives et à rejeter les expériences négatives. La crise devient ainsi une opportunité de discernement et de nouvelle planification » (n. 21).

L’expérience actuelle nous oblige à abandonner le naturalisme idéologique si en vogue jusqu’à hier, y compris au sein de l’Église : « La nature, au sens naturaliste du terme, produit également des déséquilibres et des maladies et c’est pourquoi elle doit être humanisée. Ce n’est pas l’homme qui doit se naturaliser, mais la nature qui doit être humanisée ».

Après la crise, il sera nécessaire de retrouver le vrai sens du bien commun auquel l’engagement moral de nombreuses personnes nous renvoie aujourd’hui. Malheureusement, souligne Crepaldi que « alors que nous nous battons pour sauver la vie de nombreuses vies, les interventions d’avortement pratiquées ne cessent pas, ni la vente de pilules abortives, ni les pratiques euthanasiques, ni les sacrifices d’embryons humains et bien d’autres pratiques contre la vie et la famille« . Si la crise ne nous conduit pas à un examen de conscience approfondi, elle ne nous prédisposera pas à quelque chose de nouveau.

Un point important souligné par l’archevêque est le rôle subsidiaire du crédit: « Le blocage de grands secteurs de l’économie pour assurer une plus grande sécurité sanitaire et réduire la propagation du virus provoque une crise économique, notamment de liquidité, pour les entreprises et les familles. Si la crise dure longtemps, on s’attend à une crise de la circularité de la production et de la consommation, avec le spectre du chômage. Face à ces besoins, le rôle du crédit peut être fondamental et le système financier pourrait se racheter des dilapidations nombreuses et condamnables du passé récent ». Un grand changement de perspective dans ce domaine sera nécessaire.

Selon Mgr Crepaldi, la pandémie actuelle met en crise le mondialisme tel qu’il a été conçu jusqu’à présent et nous invite à repenser, à travers la subsidiarité, la coexistence des nations à différents niveaux d’universalité: « Jusqu’à hier, la mondialisation présentait ses fastes et ses gloires de fonctionnement technico-fonctionnel parfait, de certitude incontestable sur l’obsolescence des États et des nations, de valeur absolue de la ‘société ouverte’: un seul monde, une seule religion, une seule morale universelle, un seul peuple mondialiste, une seule autorité mondiale. Mais ensuite, il peut suffire d’un virus pour faire tomber le système, puisque les niveaux de réponse non globaux ont été désactivés ».

Avec des mots très clairs, l’évêque invite également « à prendre acte de cette fin peu glorieuse de l’Union européenne pour cause de coronavirus », dans laquelle « le manque de ciment moral n’a pas été compensé par le ciment institutionnel et politique ».

Les relations entre l’État et l’Église devront également changer: « La santé n’est pas le salut, comme les martyrs nous l’ont appris, mais dans un certain sens, le salut donne aussi la santé. Le bon fonctionnement de la vie sociale, avec ses effets bénéfiques aussi sur la santé, a également besoin du salut promis par la religion: ‘l’homme ne se développe pas uniquement par ses seules forces’ (Caritas in Veritate, 11) ».

« L’autorité politique affaiblit la lutte contre le mal lorsqu’elle assimile les messes à des initiatives ludiques, pensant qu’elles doivent être suspendues. Même l’Église peut se tromper quand elle ne fait pas valoir, pour le bien commun authentique et complet, la demande publique des messes et de l’ouverture d’églises« .


Après cette expérience on pourra à nouveau reconnaître publiquement la place de Dieu dans le monde, affirme Crepaldi, et non plus continuer à vivre comme si Dieu n’existait pas.

Un texte que l’archevêque Crepaldi a lu et médité, afin que l’après-coronavirus – avec l’aide de la lumière et de l’espoir qui viennent de la « Doctrine sociale de l’Eglise » – soit un monde meilleur.

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