Et si tout avait été écrit d’avance? On objectera à raison que le risque était prévisible. Mais la question n’est pas totalement incongrue: un livre paru en toute transparence en 2009 et préfacé par Alexandre Adler révélait le scénario présumé apocalyptique que nous vivons. Un lecteur m’a alerté il y a une dizaine de jours, et à l’époque, j’avais préféré ne pas reprendre l’info, que je jugeais trop anxiogène (Mise à jour)

Le 16 mars dernier (cela semble déjà une éternité) j’ai reçu d’un lecteur, GB, la photocopie d’une page d’un livre.
Il me disait simplement qu’il s’agissait d’un livre sorti en 2009.
J’ai trouvé le texte terriblement anxiogène, et je n’ai pas voulu le reproduire sur mon site.
Mais je lui ai demandé de quel ouvrage était tiré l’article.
Voici sa réponse:

En 2006, Pocket avait publié en édition de poche, avec préface d‘Alexandre Adler, « Le Rapport de la C.I.A. Comment sera le monde en 2020?« . L’hypothèse d’une pandémie était envisagée p. 106-107 (voir le compte rendu ci-joint, qui en parle également). La page que je vous ai envoyée provient du « Nouveau Rapport de la C.I.A. Comment sera le monde en 2025?« , préfacé par le même auteur, paru en 2009.

Et voici le compte-rendu annoncé (dont j’ignore la source) (*).
Un grand merci (un peu tardif!!) à mon aimable lecteur:

Composé de militaires, de spécialistes du renseignement, de diplomates et d’universitaires, le National Intelligence Council (NIC) est un organisme consultatif qui s’efforce de tendre des passerelles entre des domaines traditionnellement étanches, afin d’établir des synthèses destinées aux responsables de l’exécutif américain. Comme d’autres organismes (type Rand Corporation), le NIC s’occupe de prospective et a publié un document sur ce que sera la période courant de 2005 à 2020, document publié en français sous un titre inexact (dans la mesure où les officiers issus de la CIA ne forment qu’une partie des membres du NIC), Le Rapport de la CIA : comment sera le monde en 2020 ?

Prévoir l’avenir est périlleux, même lorsqu’on se prévaut d’une approche scientifique et rationnelle. Lire, en 2006, les ouvrages publiés dans les années 1950 et 1960, sur ce que serait le monde en l’an 2000, est un exercice hilarant ou déprimant. La seule certitude disponible, aujourd’hui comme hier, est que l’avenir tient en réserve de nombreuses surprises, généralement désagréables.

Les experts du NIC ont élaboré quatre scénarii, qui vont du blanc au noir, du bonheur au malheur, du plus radieux au plus sombre : la Pax americana, qui verrait le monde virtuellement rassemblé sous l’autorité unique du « gendarme de la planète » ; « le monde selon Davos » (une mondialisation douce et vaguement équitable) ; « un nouveau califat » (l’union d’une grande partie du monde musulman sous une même bannière, avec comme corollaire la destruction probable d’Israël) et « le cycle de la peur », autrement dit le chaos mondial, avec des attentats de grande envergure toutes les semaines.

L’extrapolation est fascinante, même si l’on devine que l’Histoire se fera un plaisir de livrer un cinquième scénario, qui sera soit une combinaison des quatre précédemment évoqués, soit quelque chose que nul n’aura prévu.

Quoi qu’il en soit, il semble possible de retenir dès à présent quatre éléments, qui forment les ingrédients des différents scénarii :

  1. la montée en puissance continue de la Chine et de l’Inde (les Français ont déjà été bien étonnés de voir ce qui restait de leur industrie sidérurgique sur le point d’être racheté par Lakshmi Mittal), avec pour conséquence un déplacement de la puissance vers l’Asie, au détriment de l’Occident entendu au sens le plus large ;
  2. l’affaiblissement inexorable de l’Europe en général (à telle enseigne qu’on peut se demander si la poursuite de la construction européenne a encore un intérêt), de la France en particulier ;
  3. la persistance de la menace générée par l’islamo-fascisme (le monde musulman et les groupes terroristes inféodés devraient disposer en 2020 d’un arsenal biologique, nucléaire et cybernétique impressionnant) ;
  4. le retour massif aux grandes religions, qui contredira la sécularisation liée au modèle occidental.

Même si les États-nations ne semblent pas voués à disparaître, on assistera à l’émergence, via l’Internet, de groupes de puissance virtuels et transnationaux, sur la base de communautés religieuses, raciales ou sexuelles. Dans le corps du volume, l’inclusion de lettres fictives ou d’une conversation entre deux marchands d’armes par téléphone portable interposé, qui semblent être des concessions faites au goût du grand public américain, auraient pu disparaître sans dommage de la version française.

La présentation d’Alexandre Adler, « Vers une mondialisation plus malheureuse », est d’une grande finesse, excellente et, paradoxalement, plus intéressante et plus dense que le texte qu’elle éclaire. On ne perdra pas de vue que ce document émane d’un organisme consultatif américain et qu’il porte — si louable que soit sa tension vers l’objectivité — la marque d’un point de vue particulier sur le monde. Le même rapport, établi par une agence chinoise ou indienne, serait sensiblement différent.

Les quatre scenarii seront, à n’en point douter, soumis à une impitoyable révision : il suffirait d’une pandémie (la grippe aviaire et le SRAS ont déjà causé de chaudes alertes, et il reste, tapis dans les jungles d’Afrique, bien des virus terrifiants, à côté desquels le HIV et la fièvre Ebola feront figure de banals rhumes) pour enrayer durablement la mondialisation.

Ce volume est à relire régulièrement et à conserver au moins jusqu’en 2020, afin de prendre la mesure des changements intervenus et de l’écart par rapport aux prévisions.

Mise à jour

Le lecteur qui m’a transmis l’information me précise:

Voici la référence exacte du compte rendu (anonyme, comme c’était l’usage de la revue, depuis disparue) : Bulletin Critique du Livre Français, n° 688, janvier 2007, p. 34-35 (data.bnf.fr)

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