AM Valli reproduit une réflexion de l’Observatoire de bioéthique de Sienne, qui tire la sonnette d’alarme sur la situation actuelle inédite de limitation des libertés et sur le nouveau Dogme de la Science élevée au rang de religion, et qui indique les issues possibles à la crise dans une perspective catholique (un discours qu’on aurait aimé entendre du Magistère Suprême, qui n’a pas voulu, ou pas osé l’affronter, laissant le troupeau sans guide ni repères).

Un œil vigilant pour protéger l’homme

Pendant quelques mois, un « état d’urgence » déclaré a détruit les certitudes juridiques et morales que nous pensions avoir. Les droits et libertés fondamentaux ont été effacés par de simples communiqués et bulletins quotidiens, par des mesures immédiates, par des diktats prétendument adoptés pour l’intérêt national en matière de santé. Et tout cela, nous avons dû l’accepter en déléguant implicitement le pouvoir exécutif, alors que les autres pouvoirs de l’État et les garants des droits constitutionnels observaient en silence, presque anéantis et impuissants, face à une avalanche de décrets accompagnés de façon désordonnée et souvent contradictoire par les ordonnances des « gouverneurs ».

Nous avons assisté à une « subjugation pacifique », dans toutes les sphères de la vie, de la société et de nations entières. (cf. Jean-Paul II, Dives in Misericordia, n. 11).

Nous ne savons toujours pas si et quand cette condition de « suspension » qui, dans le monde presque entier, a vu des limitations à la libre circulation, à la vie sociale, à l’adieu digne à la vie terrestre de nos défunts, à la protection « ordinaire » de la santé, à la vie religieuse communautaire, à la protection des droits juridictionnels et constitutionnels, à la liberté d’entreprise et à bien d’autres choses que nous n’énumérons pas ici par souci de concision.

Quelle première question devrions-nous nous poser, avec l’intellectuel Giorgio Agamben : « Comment se fait-il qu’un pays entier, confronté à une épidémie, sans s’en rendre compte, s’effondre sur le plan éthique et politique? (cf. Benoit-et-moi|Une question, 20 avril 2020).

En réalité, depuis longtemps, il y a eu toutes les conditions préalables pour que cela se produise. La réduction systématique des droits naturels et inaliénables (vie, mort, liberté religieuse), des institutions sociales constitutionnellement garanties (famille, éducation) face aux frontières des « nouveaux droits » visant fonctionnellement à la déstructuration de l’être humain, a créé les conditions d’une destruction pacifique de l’humanité et de la société civile, sans effusion de sang apparente et avec des dommages apparemment seulement collatéraux. L’inefficacité de notre système constitutionnel – garantie apparente de légalité, mais en fait totalement ignoré par les gouvernements qui se fondent sur un système de pacte plutôt que sur des principes de représentation et de représentativité – quotidiennement renversé par des normes adoptées en contradiction ouverte avec les principes constitutionnels eux-mêmes, a-t-elle fait franchir le seuil qui sépare l’humanité de la barbarie ?

La « peur » a été et reste la maîtresse incontestée de la scène publique et privée. La peur de la contagion, de cet ennemi invisible et féroce qui peut se cacher partout et nous condamner à mort, la peur du voisin, de nos proches, des relations, des objets.

En ce moment même, en exploitant la peur, il existe un risque réel qu’un mondialisme encore plus dangereux puisse progresser. Comme le souhaitait le gauchiste Jacques Attali en 2009

Et si tout cela, dans une certaine mesure, a été rendu inévitable pour faire face à une urgence (dont nous comprendrons peut-être un jour dans quelle mesure elle était inévitable et dans quelle mesure elle est fautive), ce qui s’est passé et se passe doit être à la fois un avertissement pour une attention toujours plus alerte et vigilante, et un avertissement pour l’avenir.

Nous avons identifié cinq points de travail

NOUVELLES FRONTIÈRES DE L’HUMAIN

La pandémie a révélé pour la énième fois la fragilité de notre condition de créatures mortelles, immergées dans une nature de moins en moins gouvernée par des mains sages et respectueuses de sa vocation. De plus, la pandémie a forcément fait émerger les questions capitales de l’humanité.

À cela, nous devons répondre par une plus grande recherche du sens transcendant de l’homme et revenir à l’utilisation correcte de la raison, seule manière de découvrir la vérité. Au contraire, nous assistons aujourd’hui avec inquiétude à une réponse qui laisse entrevoir un glissement inexorable de l’être humain vers sa réification (ndt: transformation, transposition d’une abstraction en objet concret, en chose) et sa sécularisation.

La Science, nouveau dogme moderne et nouvelle religion, a apporté des réponses contradictoires. Chaque virologue, épidémiologiste ou expert a exprimé sa propre idée – souvent en opposition avec d’autres collègues – et la seule recommandation que tous partageaient était « l’enfermement », « l’isolement », « la distanciation sociale », exactement la même indication donnée pour faire face aux épidémies au Moyen Age.

Mais au Moyen-Âge, l’homme, faisant partie d’un monde christianisé, savait faire confiance et n’abandonnait pas l’espoir, connaissant bien le premier et le dernier but de la vie. Tout cela n’est plus présent dans la société actuelle. L’homme a été privé du sens de la vérité, il a vu toute certitude s’estomper, il a abdiqué l’usage de la raison et aussi du raisonnable. Au nom de la science ou d’un scientisme exaspéré, il a renoncé, contre toute logique, à certains droits fondamentaux, restant totalement silencieux et inerte face à des décisions qui ont limité comme jamais auparavant dans l’histoire actuelle les libertés et les droits fondamentaux.


Il est nécessaire que l’homme reprenne le dialogue avec le ciel, qu’il retrouve son essence profonde de social, car il a toujours été « pensé et sauvé » dans une relation.

De plus, de manière presque sardonique, le coronavirus nous a montré dans une certaine mesure que la véritable essence de l’homme est indifférente aux nouvelles catégories culturelles qui tentent de fragmenter sa nature.

Nous avons en effet redécouvert la nécessité presque évidente de lire les données de la contagion selon les classifications « nues et brutes » (homme/femme, jeune/vieux) révélant soudain l’irrationalité de la fluidité autoréférentielle des genres qui voudraient redessiner le monde et les relations entre les personnes, mais qui s’effondrent maintenant misérablement devant une entité invisible à l’œil nu.

Tout comme il nous a attesté qu’aider un malade à respirer, manger ou boire même par le biais d’une machine, n’est pas une thérapie mais un soutien vital nécessaire pour lutter contre la maladie.

Il est donc nécessaire que la science parle à nouveau avec la philosophie et la métaphysique, s’opposant à la domination solitaire de la technologie et des intérêts matériels afin que nous puissions interpréter consciemment ce qui se passe.

La période post-Covid devra rejeter toute tentative de reprendre le chemin dangereux de la fragmentation de l’homme en catégories inexistantes, détruisant les concepts de vie raisonnable tels que la vérité, la beauté, les droits naturels de l’homme.

LA PROTECTION DE LA VIE DEVRAIT ÊTRE REMISE AU CENTRE DES POLITIQUES SOCIALES ET DE SANTÉ

La pandémie a révélé une négligence intolérable des soins de santé, en particulier envers les groupes les plus fragiles et les plus exposés de la société. Trop de personnes âgées laissées seules dans des établissements d’hébergement et trop de négligence dans leur gestion ; trop de risques pour les travailleurs de santé et les travailleurs employés dans des secteurs « essentiels ».

En temps de pandémie, il est crucial de réaffirmer la valeur de l’être humain contre les dérives réductrices et eugéniques, qui se sont malheureusement installées partout dans le monde. Il suffit de penser au refus des ventilateurs pulmonaires aux handicapés aux États-Unis, à l’euthanasie préventive proposée aux personnes âgées aux Pays-Bas.

Par ailleurs, en Italie [et en France!], l’exigence d’imposer l’avortement volontaire comme un droit inaliénable et intangible est inacceptable (jusque dans une situation où il n’est pas possible de fournir des services de médecine préventive à la population), allant même jusqu’à demander de violer par voie administrative les limites prévues par la loi 194, introduisant l' »avortement do-it yourself« .

Les familles, laissées seules une fois de plus face à leur charge de responsabilité dans la gestion des enfants, des personnes âgées et des personnes dépendantes, ont été trop peu prises en charge. Sauf si vous voulez considérer la subvention pour l’achat d’un scooter ou d’un vélo comme une « aide ».

Pensons à la manière dont la phase 2 [/déconfinement^progressif] a été planifiée: reprise du travail et non des écoles Et les enfants? Ou encore, pensons à la proposition absurde d’envoyer les enfants à l’école seulement quelques jours par semaine. Et les autres jours ?

La période post-Covid devra remettre au centre la protection de la vie en tant que telle et de la famille comme pilier essentiel de toute politique de bien-être et de promotion humaine.

LES DROITS CONSTITUTIONNELS DOIVENT ÊTRE RÉTABLIS

La compression des droits prévus et garantis par la Constitution dont nous avons été et sommes témoins ne peut plus continuer. Surtout, le silence n’est plus permis.

En rappelant ce qui a déjà été dit dans l’introduction de ce document, nous voudrions ajouter ici une réflexion sur une nouvelle dérive dangereuse observée ces dernières semaines.

En fait, nous n’aurions jamais pensé devoir parler de liberté religieuse dans notre pays, mais il nous semble qu’aujourd’hui toute la pensée philosophique et religieuse a fait place à la « médecine comme religion ».

Et ainsi les églises ont été fermées, nous n’avons pas pu assister à la Messe même le jour de Pâques, sans que personne ne se rende compte comment une règle fondamentale était ainsi remise en cause, c’est-à-dire que l’Église, par ontologie et aussi par dispositions normatives, est la seule gardienne des Sacrements et du pouvoir de les administrer.

L’arbitraire et l’anormalité des limitations gouvernementales ont été révélés lorsqu’on a vu que l’accord conclu entre l’État et l’Église catholique était en fait similaire à celui adopté pour la réouverture des magasins et autres activités commerciales, avec des précautions qui auraient pu être mises en œuvre même au cours des derniers mois et qui auraient permis d’éviter la suspension de la Messe pendant plus de deux mois.

LA SÉCURITÉ TOUT EN RESPECTANT LA TRANSPARENCE ET LA CONFIDENTIALITÉ

L’Etat et ses articulations, le Parlement et le service public d’information doivent être le lieu de débat et de partage devant le pays des choix stratégiques et des informations sur l’état de l’art des soins, des recherches et des études concernant la vie des personnes. En même temps, la pandémie ne doit pas être le prétexte, cette fois-ci en invoquant abusivement le même principe de transparence, pour mettre en place des systèmes de surveillance et de suivi des personnes, ce qui ne peut être toléré que si elles sont strictement anonymes et en tout cas sous le contrôle strict des autorités publiques qui doivent répondre de l’opinion publique.

Tout progrès technologique (par exemple dans le domaine des télécommunications et de la médecine préventive et curative) doit être sûr et faire l’objet d’une évaluation indépendante avant d’être mis sur le marché.

DEVOIRS DE L’ÉTAT ET SUBSIDIARITÉ

Les soins de santé, la scolarité et, de manière générale, les services sociaux personnels ont été gérés au cours des vingt dernières années comme de simples centres de coûts. Les coupes aveugles et le démantèlement de nombreux hôpitaux et réseaux de protection de la santé ont été réalisés avec le seul critère de s’inscrire dans les paramètres économiques dictés par l’Union européenne. En même temps, il est absolument impensable de revenir à un système lié à une gestion totalitaire de l’État, souvent inefficace et soumis à des systèmes endémiques de corruption.

La situation actuelle doit donc être l’occasion de restaurer la confiance et de parier sur un véritable principe de subsidiarité, c’est-à-dire de pouvoir garantir une série importante de services sanitaires et scolaires à partir de l’organisation autonome, indépendante et sans but lucratif des citoyens et de leurs libres agrégations.

Sur le plan économique, nous sommes convaincus que nous ne pourrons sortir de cette crise historique que grâce au rôle irremplaçable du travail et de la libre initiative. Nous voyons donc avec inquiétude le retour à l’étatisme et à l’aide sociale qui sous-tendent les choix stratégiques et politiques actuels. Il est au contraire nécessaire de tirer le meilleur parti de notre système d’entreprises qui a déjà démontré sa capacité de compétitivité, de recherche et d’innovation et de reconstruire la relation entre le travail et l’épanouissement de la personne qui est le fondement de la dignité humaine telle que protégée par la Constitution (cf. art. 4).

Que l’État promeuve le bien commun et laisse l’homme libre d’exercer sa responsabilité.

Sienne, le 23 mai 2020

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