C’est celle qu’il nous a donnée en bravant la pandémie et le danger d’une expédition presque surhumaine pour un homme de son âge, pour se rendre au chevet de son frère malade.

Capture d’écran, 21 juin 2020

Une amie lectrice vient de m’écrire.

A une époque qui cherche toutes sortes de substituts à la famille, l’amour fraternel d’un homme de 93 ans pour son frère aîné me paraît comme une image et un acte extraordinaires des valeurs que son Pontificat n’a pas cessé de mettre en avant. Notre vieux Pape est vraiment un guide spirituel magnifique.

C’est un peu le sens de ce texte signé Rosario Vitale, un jeune prêtre dont nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le lien spécial qui l’unit à Benoît XVI (cf. Benoît-et-moi-2016)


Benoît XVI, un geste silencieux qui vaut plus que mille mots

Rosario Vitale
L’Occidentale
21 juin 2020
Ma traduction

Il y a quelques jours, le monde entier a appris la nouvelle que le pape émérite Benoît XVI a quitté la tranquillité du monastère Mater Ecclesiae où il résidait depuis la renonciation historique de 2013, pour se rendre chez son vieux frère Georg, dont l’état de santé est devenu précaire, que ce soit à cause de son âge vénérable (96 ans), ou à cause de la maladie. Un vol d’État, un avion militaire Italian Airforce 3131, a décollé de Ciampino [le 19 juin] à 10h52 et a atterri à Munich à 11h45, ramenant dans sa patrie le pape émérite qui franchissait la frontière italienne pour la première fois depuis la renonciation. Dans ce voyage, il est accompagné comme toujours par son fidèle secrétaire et préfet de la maison pontificale, Monseigneur Georg Gänswein, par son médecin, son infirmière, l’une des memores domini et le commandant adjoint du corps de gendarmerie de l’État de la Cité du Vatican. À son arrivée à Munich, le pape émérite a été accueilli par les infirmiers de Malteser International, l’organisation sanitaire de l’Ordre de Malte, qui a effectué le transfert du pape émérite à Ratisbonne où se trouve son frère. Benoît XVI, comme le montrent les multiples photos qui ont littéralement envahi le web dans les heures qui ont suivi, est apparu amaigri, dans un fauteuil roulant, mais comme toujours extraordinairement lucide. Selon les déclarations du directeur du bureau de presse du Vatican, Matteo Bruni Benoît XVI, qui séjournera au séminaire du diocèse de Ratisbonne, restera en Allemagne « aussi longtemps que nécessaire ». La décision de rejoindre son frère a été prise rapidement après que la santé de ce dernier se soit rapidement détériorée ces derniers jours. En raison de la pandémie, Monseigneur Georg n’a pas pu être au Vatican comme d’habitude les jours de Pâques et pour l’anniversaire du Pape émérite le 16 avril dernier.

Un lien vrai et indissoluble

« Depuis sa naissance, mon frère a été non seulement un compagnon pour moi, mais aussi un guide fiable. Il a toujours été un point d’orientation et de référence avec la clarté et la détermination de ses décisions. Il m’a montré la voie, même dans des situations difficiles. Nous avons maintenant atteint la dernière étape de notre vie, la vieillesse. Les jours à vivre sont de plus en plus courts. Mais même en ce moment, il m’aide à accepter avec sérénité, humilité et courage le fardeau de chaque jour ».

*

http://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/speeches/2008/august/documents/hf_ben-xvi_spe_20080821_cittadinanza-onoraria-georg.html

Toujours très proches, les frères Ratzinger ont écrit l’histoire en Allemagne, ordonnés prêtres le même jour, le 29 juin 1951, dans la cathédrale de Freising, l’un grand théologien et universitaire, l’autre musicien, compositeur et chef du célèbre chœur de voix blanches de la cathédrale de Ratisbonne, qu’il a dirigé jusqu’en 1994.

L’âge et l’état de santé du Pape émérite, ainsi que la situation de la pandémie mondiale ne conseillait certes pas un déplacement mais Benoît XVI n’aurait pas renoncé à apporter sa proximité à son frère, désormais seul parent vivant, leur lien est trop fort, c’est le lien d’une vie passée ensemble, d’une vie faite de petites choses, de traditions, d’un amour qui vient de l’Evangile.

Du haut de ses 93 ans, Benoît XVI a enseigné une fois de plus à une Europe déchristianisée et à un monde désormais largement relativisé que l’amour vainc tout et en dépit de tout. Il a secoué les consciences de ceux qui, ces derniers mois, avec l’aggravation du virus, ont oublié une des œuvres de miséricorde corporelle, visiter les malades, donnant ainsi la preuve de sa grande humanité et de son humilité, un homme qui ne se soucie pas de lui-même mais qui – pour faire une comparaison – comme Cristoforo dans « I promessi sposi » se soucie et s’inquiète pour son voisin malgré la peste … Non seulement Manzoni, mais aussi la Sainte Écriture nous exhorte à rendre visite à ceux qui sont dans le besoin, la lettre de Jacques, qui a été évoquée plusieurs fois en ces jours, nous dit: « Celui qui est malade, qu’il appelle à lui les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, après l’avoir oint d’huile, au nom du Seigneur. Et la prière faite avec foi sauvera le malade: le Seigneur le relèvera et s’il a commis des péchés, il lui sera pardonné » (Jacques 5, 14-15), c’est une ligne directrice claire, et Benoît XVI n’a fait que la suivre à la lettre.

Saint François a dit à ses frères : « prêchez toujours l’évangile, et s’il le faut, aussi avec des mots ».

Eh bien cette fois, ce n’est pas un communiqué, une homélie, une pensée écrite dans un livre qui a suscité l’étonnement et l’intérêt, mais un geste qui vaut plus que mille mots, pour se rapprocher de celui qui est dans le besoin. C’est le grand enseignement que Benoît XVI a donné au monde entier désormais « ivre » de distanciation sociale et de rencontres en ligne, dans l’espoir que cette dernière (qui sait) leçon du professeur Ratzinger puisse nous aider à redécouvrir nos racines chrétiennes qui nous rendent tous plus humains.

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