Traduction complète du message du Saint-Père émérite, lu ce matin par Mgr Gänswein (visiblement très ému), lors des obsèques de Mgr Georg Ratzinger au Dôme de Ratisbonne, ce 8 juillet. Plus quelques photos issues du site du Diocèse

Texte original en allemand: www.bistum-regensburg.de
Traduction d’Isabelle

Cité du Vatican
7 juillet 2020

Son Excellence Dr. Rudolf Voderholzer
Niedermünstergasse 1
93043 Ratisbonne
Allemagne

Cher Monseigneur Rudolf,

En cet instant où vous rendez à mon frère les derniers devoirs fraternels et l’accompagnez pour la dernière étape de son chemin sur la terre, je suis présent moi aussi. Je ressens le besoin de vous dire ma gratitude pour tout ce que vous avez fait, et faites encore, au cours de ces semaines de l’adieu. Ma gratitude s’adresse aussi à tous ceux qui, bien en vue ou dans l’ombre, ont été auprès de lui durant ces semaines et lui ont témoigné leur reconnaissance pour tout ce que, dans sa vie, il a fait et souffert pour eux.

L’écho de sa vie et de son œuvre, tel qu’il me parvient en ces jours, sous forme de lettres, télégrammes et e-mails dépasse de loin ce que j’aurais pu imaginer. Des gens de tous pays, de toutes conditions et professions m’ont écrit d’une manière qui touche mon cœur. Chacun d’eux devrait recevoir une réponse particulière et personnelle. Mais pour cela, je n’ai ni le temps ni la force et je ne peux, en cette circonstance, que les remercier tous de m’accompagner en ces heures et en ces jours. La phrase du cardinal Newman se vérifie pour moi en ce moment particulier : « Cor ad cor loquitur ». A travers ce qu’on écrit et au-delà de ce qui est confié au papier, c’est le cœur qui parle au cœur.

Il y a surtout trois traits qui caractérisent mon frère qui sont revenus souvent, avec de multiples variantes et qui reflètent bien mon sentiment personnel en cette heure de l’adieu. D’abord et avant tout, on répète que mon frère a reçu et compris en même temps sa vocation au sacerdoce et sa vocation musicale.

Déjà à Tittmoning, au cours de ses premières années d’école, il ne s’est pas contenté de s’informer en détail sur la musique d’église mais il a fait les premiers pas pour l’apprendre lui-même. A Tiittmoning ou à Aschau, il a cherché à savoir comment on appelle la profession qu’un prêtre exerce à la cathédrale lorsqu’il s’occupe de la musique. C’est ainsi qu’il a appris le nom « maître de chapelle de la cathédrale », où il a vu indiquée la direction de sa vie. Lorsqu’il a été vraiment appelé à devenir le maître de chapelle de la cathédrale de Ratisbonne, cela lui fut à la fois une joie et un chagrin, car notre maman était morte presque en même temps que le maître de chapelle Schrems. Si notre maman avait vécu, il n’aurait pas accepté l’invitation à devenir le chef des « Domspatzen » de Ratisbonne. Ce service lui a procuré toujours plus de joie ; une joie achetée, il est vrai, au prix de beaucoup de souffrances : dès le début hostilité et rejet ne lui furent pas épargnés. Mais il est devenu en même temps un père pour des jeunes gens qui, comme ses Domspatzen, se sont toujours tenus, et se tiennent encore, avec reconnaissance à ses côtés. Ma gratitude s’adresse aussi à eux tous en cette heure, où j’ai pu une nouvelle fois découvrir et ressentir à quel point, comme prêtre et comme musicien, il a été et est toujours et de plus en plus devenu un homme sacerdotal.

Je voudrais encore mentionner un autre trait caractéristique de mon frère. D’abord sa bonne humeur, son humour et la joie qu’il trouvait dans les bonnes choses de la création. Mais il était aussi l’homme de la parole sans détours : il exprimait toujours ouvertement sa conviction. Il a vécu plus de vingt ans avec une cécité qui s’aggravait et s’est trouvé ainsi exclu d’une bonne partie du réel. Ce grand renoncement lui fut toujours difficile. Mais il l’a toujours accepté et supporté du plus intime de lui-même.

Enfin, il était un homme de Dieu. Même s’il ne faisait pas étalage de sa piété, elle était, au-delà de tout ce qui est lucide et raisonnable, le véritable centre de sa vie.

En conclusion, je voudrais dire ma gratitude pour l’occasion qui m’a été donnée de me retrouver encore une fois avec lui dans les derniers jours de sa vie. Lui-même ne m’avait pas demandé de le visiter. Mais j’ai senti que c’était l’heure d’aller près de lui, une dernière fois. Pour ce signe intérieur que le Seigneur m’a offert, je suis reconnaissant du plus profond de mon cœur. Lorsque je l’ai quitté le lundi 22 juin au matin, nous savions que c’était un départ définitif de ce monde. Mais nous savions aussi que le bon Dieu, qui nous a offert cette rencontre en ce monde, est aussi le maître de l’autre monde et qu’il nous y donnera d’être à nouveau ensemble. Que Dieu, mon cher Georg, te rende tout ce que tu as fait et souffert, et tout ce que tu m’as donné.

Que Dieu vous récompense, cher Mgr Rudolf, pour l’extraordinaire diligence déployée au cours de ces semaines qui ne furent pas faciles pour nous deux.

De tout cœur vôtre,

Benoît XVI

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