Aveuglement des catholiques, et déni médiatique de l’évidence. Les aveux du réfugié rwandais ne mettent pourtant pas un point final à l’affaire. De nombreuses questions restent posées sur les responsabilités (diocèse, état et bien sûr, médias) et sur la facilité avec laquelle le peuple, catholique, mais pas seulement, avale la destruction de son patrimoine spirituel. Et il faut, cette fois encore, que l’analyse la plus lucide nous vienne dItalie – de La Bussola

Le cas de Nantes dénonce toute l’incapacité du christianisme à réagir et à s’imposer face à la dégradation culturelle et à la mortification des racines communes. Et il découle, avant tout, de l’incapacité à penser l’Occident comme un espace de civilisation. Comme si nous n’attendions rien d’autre que de nous laisser mettre à l’écart. Le christianisme brûle, personne ne pleure, personne ne s’inquiète.

A Nantes, il y a un coupable, mais l’affaire n’est pas close

Lorenzo Formicola
La NBQ
27 juillet 2020
Ma traduction

Le réfugié rwandais avoue l’incendie de la cathédrale de Nantes : il était exaspéré par l’expiration de son visa. Mais il y a trop d’incohérences pour un attentat gravissime qu’on a fait passer pour un incident mineur : la facilité de l’acte, la nervosité comme alibi, son statut : réfugié, demandeur d’asile, travailleur ou bénévole ?

Il y a un coupable. C’est la première vraie nouvelle de l’histoire surréaliste de la cathédrale de Nantes. Après des années d’églises et de lieux sacrés en mystérieuse auto-combustion, il n’y a finalement pas seulement « une piste à suivre ». C’est Emmanuel A., 39 ans, réfugié rwandais en France depuis 2012, qui a mis le feu à l’église catholique de Nantes le samedi 18 juillet. Et il y a même les aveux.

Après une première libération, l’homme fait l’objet d’une enquête judiciaire. En détention préventive, il risque dix ans et une amende de 150 mille euros.

Le vendredi 17 juillet, Emmanuel a fermé l’église et est rentré chez lui, un appartement mis à disposition par le diocèse. C’est lui qui avait les clés et la tâche de fermer la cathédrale: l’incendie a éclaté à 7h45 le lendemain matin. Trois départs distincts, deux au niveau du sol, de chaque côté de l’autel, et l’autre à des dizaines de mètres de hauteur, au niveau de l’orgue de la fin des années 1600 – qui a été complètement détruit, après avoir survécu même aux pillages jacobins de la Révolution française. Pour les enquêteurs, le mail furieux que l’homme aurait envoyé au diocèse parce qu’il n’avait pas obtenu de visa et pour l’injonction administrative de quitter le territoire français qu’il aurait reçue quelques jours plus tôt, a été fondamental dans les enquêtes.

Lorsque Emmanuel A. a été libéré le dimanche 19, le procureur Pierre Sennes a immédiatement déclaré que « rien ne permettait de penser qu’il était impliqué dans l’incendie ». Pendant dix jours, la presse internationale a suivi le scénario habituel. Qui n’a pas changé même après les menottes: « L’immigrant était sous pression, mettre le feu à une cathédrale était une réaction normale et presque légitime, mais la théorie du mauvais fonctionnement du panneau électrique tient toujours ». Quand une église brûle et que le suspect est un immigrant, il y a toujours un juste « pourquoi » au geste insensé. Ou il n’y en a jamais, mais ce sont des détails.

Le récit qui a suivi l’attentat contre la cathédrale a dès le premier instant donné l’enquête pour conclue: un accident! Les preuves? Les trois incendies étaient situés près de systèmes électriques défectueux. Mais rien de ce qui a été donné pour certain n’a jamais été confirmé, bien au contraire. Avant-hier soir, il est apparu que des traces évidentes d’essence ont été trouvées dans la cathédrale.

Mais pour la première fois depuis des années, la piste criminelle a été immédiatement suivie par le pouvoir judiciaire. Les preuves des mouvements et les vidéos du circuit de surveillance ont probablement laissé trop peu de place aux théories.

Pourtant, les éléments restent flous et semblent ne présenter aucun intérêt, même pour la chronique: comment admettre la facilité avec laquelle a été déclenché un incendie qui a dévasté la cathédrale des Saints Pierre et Paul? La nervosité liée aux problèmes des papiers peut-elle passer pour un alibi tout à fait normal? Comment est-il possible qu’un homme ayant un emploi dans le diocèse et un appartement ait eu des problèmes avec son visa ? Était-il vraiment un demandeur d’asile? Pourquoi parle-t-on de bénévolat? Un bénévole – il n’est pas certain qu’il était chrétien – peut-il être sacristain et servir la messe dans la cathédrale sans aucun titre ?

Il y a trop d’incohérences, si l’on peut dire, autour d’une affaire très grave. Un attentat qu’on a fait passer pour un petit accident dans un champ de pommes de terre abandonné.

Le procureur a déclaré avoir entendu plus de trente personnes, mais seul le volontaire rwandais a été placé en garde à vue avant d’être « libéré »… pour être à nouveau arrêté ce samedi.

Les images vidéo récupérées, y compris à l’extérieur de la cathédrale, étaient trop peu évocatrices pour le magistrat qui suit l’affaire et qui a été entendu par l’AFP.

Neutre, la position du diocèse, qui dans un communiqué de presse quelques heures après l’arrestation, et la défense bec et ongles du Rwandais par le recteur de la cathédrale, le père Hubert Champenois, a écrit : « Le diocèse veut que toute la lumière soit projetée sur les causes de cet incendie, c’est pourquoi il a foi en la justice. Afin de ne pas interférer avec l’enquête, elle ne fera aucun commentaire sur son déroulement ».

L’État français a également été mis en cause, coupable de ne pas avoir équipé les 87 cathédrales de détecteurs d’incendie: à Nantes, ce sont les passants qui ont averti les pompiers.

Une chose est sûre: l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Et d’autres vérités vont bientôt émerger. Le véritable motif, cependant, restera peut-être comme l’incendie de Notre Dame: mystérieux.

Les attaques contre le christianisme ont augmenté jusqu’à 285 % entre 2008 et 2019. En un mois à peine, avant la cathédrale Saint-Pierre et Paul de Nantes, un incendie a ravagé la cathédrale Saint-Pierre de Rennes, un autre a détruit le toit et la sacristie de l’église Saint-Paul de Corbeil-Essonnes, près de Paris, un autre encore a détruit l’abbaye de Ligugé à Vienne. Triste chronique d’un mois ordinaire en France.

À Nantes, les flammes ont dévasté trois énormes patrimoines de l’humanité: le grand orgue construit en 1619, les vitraux offerts par Anne de Bretagne et un chef-d’œuvre du peintre Hippolyte Flandrin.

En 2019, l’Observatoire du patrimoine religieux a enregistré 16 incendies : deux cathédrales, 13 églises et une abbaye. Au cours des sept premiers mois de 2020, neuf bâtiments catholiques étaient déjà en flammes. Une attaque après l’autre, sans coupables, sans guère de larmes.

« En France, il y a une destruction silencieuse des racines chrétiennes », a déclaré le philosophe Michel Onfray. « Il y a à peu près un ou deux actes anti-chrétiens par jour et il faut une cathédrale en flammes pour commencer à en parler. »

Peut-être.

Le cas de Nantes dénonce toute l’incapacité du christianisme à réagir et à s’imposer face à la dégradation culturelle et à la mortification des racines communes. Et il découle, avant tout, de l’incapacité à penser l’Occident comme un espace de civilisation. Comme si nous n’attendions rien d’autre que de nous mettre à l’écart. Le christianisme brûle, personne ne pleure, personne ne s’inquiète.

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