Deux cardinaux (qu’on n’ose qualifier d’éminents) qui ne croient plus en Dieu mais en la Mère-Terre, et qui ont allègrement troqué la pourpre pour l’arc-en-ciel ont joint leur plume pour écrire une préface à l’ouvrage sur le « nouveau monde possible » des utopies progressistes (sous-titre éloquent: « une nouvelle innocence ») de leur cher ami Raffaele Luise (*), un journaliste « engagé »: selon eux « l’origine primaire de la contagion universelle du Covid-19 se trouve dans l’attentat à la Nature ». Dieu est bien loin… Antonio Socci commente cette mise à l’écart, constatée également dans le dernier document de la PAV, signé Paglia.

(*) Nous avons rencontré à plusieurs reprises Raffaele Luise dans ces pages
Il est intéressant de le situer pour comprendre de quel côté se rangent les deux hauts prélats. Pour faire court, c’est un activiste pro-gay, qui fut promoteur en 2014 d’un « Cénacle des amis de François » destiné à préparer le synode de 2015.
Voici deux articles qui expliquent ce que cache ce pompeux vocable, et qui est l’auteur du livre auquel Kasper et Coccopalmerio ont cru bon d’apporter la caution de leur prestigieuse fonction:

Une nouvelle innocence
Au delà de la pandémie
Pour un autre monde possible
Préface des cardinaux Francesco Coccopalmiero et Walter Kasper

Avant le commentaire d’Antonio Socci, il faut lire la préface des porporati. Si l’on peut partager le début, la suite est surréaliste, compte-tenu de la qualité des auteurs (soulignements de moi):

La préface des cardinaux

Faro di Roma
31 juillet 2020
Ma traduction

C’est un plaisir de présenter le livre de Raffaele Luise sur la pandémie. L’ouvrage nous offre une série de réflexions aiguës, passionnées, exigeantes, où la poésie, dont l’auteur est féru, n’est pas absente, nous offrant des extraits de pure beauté. Voici donc quelques indications sur le contenu de ce beau livre.
Nous avons perdu le monde, affirme Luise dans un passage très fort. Et de fait, c’est cela l’expérience, totalement inédite, que l’humanité a vécue en ces mois traumatisants de 2020, et qui ne laissera plus rien comme avant.
Il a suffi d’un fragment d’ADN, un virus imperceptible, qui en un jour de fin 2019 a franchi la barre des espèces dans une mégapole d’Orient, et qui le soir même, voyageant confortablement sur les ailes de la mondialisation, s’était déjà transféré en Occident, pour jeter le monde dans la panique, décimant nos aînés, les invisibles de nos villes, et qui maintenant fait rage avec une fureur génocidaire sur les Indiens de l’Amazonie.

Bien que tragique, dans son caractère indicible, la pandémie s’est voulue cependant une sorte d’immense sonnette d’alarme pour nous rappeler, en substance, que le monde est gravement malade et que cela ne peut pas durer ; et que, si nous ne changeons pas d’attitude et de vision, d’autres cataclysmes plus catastrophiques nous tomberont dessus, sous la direction d’une Nature ébranlée en premier lieu par le changement climatique.

Parce que l’origine primitive de la contagion universelle du covid-19 se trouve précisément dans l’attaque à la Nature. Et ici, l’auteur nous invite à être très attentifs, car nous devons parler de la Nature et non d’un environnement générique, d’une mer, d’un ciel, d’une terre considérée comme pure extension matérielle, mais de la Nature, de la Mère Terre, qui vivent, se souviennent, grandissent, vieillissent et nous parlent comme « anima mundi » ; et qui aujourd’hui nous demandent – à nous qui en faisons partie en tant que Famille universelle (comme le dit François) – la reconnaissance de l’égale dignité de vivre et le respect de leurs droits.
C’est la nouvelle vision que nous sommes appelés à assumer, qui peut inspirer un nouveau monde possible (et non plus différé) : celui qui préside au passage du tragique Anthropocène à la nouvelle ère de l’Ecozoïque.

Pour ce voyage nécessaire, nous avons déjà la « road map » [en anglais dans le texte!]: l’encyclique « Laudato Si’ » du Pape François, qui est comme la Magna Charta de la nouvelle civilisation à façonner, qui recueille et répond au double cri, entrelacé, de la Nature et des peuples, opprimés par un « ordre économique international », celui du libéralisme sauvage qui tue (comme le dénonce le Pape), et fait de la Planète un lieu toujours plus inhospitalier et dangereux.

Mais nous vivons aussi un moment unique, ne le gâchons pas. Sous le même ciel, en effet, les peuples originels vivent encore avec nous, eux qui sont notre cœur primitif et notre mémoire ancestrale (cet homme primitif qui danse encore avec nous sur Terre, et que l’Exhortation post-synodale « Querida Amazonia » a proclamé vouloir défendre contre des agressions multiples et criminelles) ; et, en même temps, nous nous ouvrons à la connaissance et (peut-être) à l’amitié de toutes ces espèces, animales et végétales cosmiques, qui ont toujours vécu avec nous sur Terre et que nous avons considérées jusqu’à aujourd’hui – comme nous le rappelle Luis – comme des « extraterrestres ».

Les enjeux sont immenses. Non seulement la survie et la fidélité au commandement divin de garder la Création, mais aussi la joie d’une vie qui s’ouvre à la beauté et à l’amour. Il nous semble que ces brefs rappels suffisent pour nous inviter à lire l’ouvrage, qui nous aidera à méditer, voire à prier, le moment que nous avons vécu et qui nous marque encore.

Francesco Coccopalmerio et Walter Kasper


Le gouvernement et le monde clérical effacent Dieu (y compris dans dans les documents du Vatican, sous le prétexte du Covid

Antonio Socci
(Libero, 9 août 2020)
Ma traduction

Dieu est mort

Il y a une victime illustre du Covid, la plus illustre, et pourtant elle est passée inaperçue : Dieu. Il n’a pas pu être « mis dehors » par le Covid, mais il a été effacé par des hommes à cause (ou sous le prétexte) du Covid. Il ne s’agit pas seulement de ce qui s’est passé pendant les mois du lockdown – une sorte de black-out de l’Église – qui a été retentissant et n’a pas de précédent dans deux mille ans d’histoire.

L’effacement de Dieu a été encore plus radical. Ces jours-ci, on a beaucoup parlé de l' »Académie pontificale pour la vie », au sommet de laquelle le Pape Bergoglio a voulu Mgr Vincenzo Paglia, de la Communauté de Sant’Egidio.

L’Académie vient de publier un document au titre ronflant, « L’Humana communitas à l’ère de la pandémie : réflexions inattendues sur la renaissance de la vie ». Un texte de 29 128 caractères où les mots Dieu, Jésus-Christ, foi et religion ne sont jamais (vraiment jamais) trouvés. Il y a cinq fois le mot « santé », mais il n’y a jamais le mot « salut ».

Comme l’a souligné Stefano Fontana, « il ne dit rien de catholique, c’est-à-dire d’inspiré par la Révélation de Notre Seigneur. Tout au long du document, il n’y a jamais de référence explicite ou implicite à Dieu ».

Dieu éliminé de cette réflexion cléricale sur le Covid, il est cependant impossible de l’éliminer de la vie des hommes, car il laisse un vide infini. Alors le risque est qu’il soit remplacé par la Nature (écrite strictement avec un N majuscule comme il convient à la divinité). C’est un peu la nouvelle religion écologique qui a Greta Thunberg comme prophétesse.

C’est ce que suggère un récent discours de deux cardinaux très importants de ce pontificat, Walter Kasper et Francesco Coccopalmerio.

Les deux prélats, dans la préface du livre “Una nuova innocenza” écrivent que « la pandémie a voulu être une sorte d’immense sonnette d’alarme pour nous rappeler, en substance, que le monde est gravement malade et que cela ne peut pas durer ; et que, si nous ne changeons pas d’attitude et de vision, d’autres cataclysmes plus catastrophiques nous tomberont dessus sous la direction d’une Nature qui a été dévastée en premier lieu par le changement climatique. Car l’origine avant la contagion universelle du Covid-19 se trouve précisément dans l’attentat à la Nature ».

Même « Avvenire » publie le texte rappelant que « la première origine de la contagion universelle du Covid-19 réside dans l’attaque à la Terre Mère ». C’est absurde. Tout le monde sait qu’il y a toujours eu des épidémies depuis l’âge de pierre, et qu’elles étaient d’ailleurs beaucoup plus virulentes, précisément parce que l’homme était totalement à la merci de la nature, laquelle n’est pas du tout idyllique, mais impitoyable.

C’est précisément grâce à l’augmentation du pouvoir de l’homme sur la nature, par le biais de la science et de la technologie, que les pandémies ont été largement vaincues. Le Covid-19 n’a rien à voir avec « l’attaque de l’homme à la nature », et encore moins avec le changement climatique (entre autres, le virus semble être affaibli par les températures élevées).

À moins que l’on ne veuille dire que le virus a été fabriqué par l’homme, c’est-à-dire par les Chinois dans le laboratoire de Wuhan, comme le professeur Joseph Tritto le suppose dans le livre « China-Covid19 », mais ce n’est évidemment pas la position du Vatican qui vit une histoire d’amour avec la Chine et ne dirait jamais une telle chose.

Si donc le Covid-19 est « naturel », où est la faute de l’homme? Et pourquoi devrait-il être puni ? La pensée implicite de ces ecclésiastiques « progressistes » est la vieille idée d’un « dieu vengeur » qui revient avec un nom différent: la Nature. Qui punit l’homme pour ses prétendus péchés contre la Nature elle-même.

Les deux cardinaux prétendent refléter la vision du pape Bergoglio, décrite dans le titre de « La Stampa » du 22 avril, qui résumait son discours sur la tragédie du coronavirus: « Le pape : nous avons péché contre la terre, la nature ne pardonne pas ».

Si donc, dans la pensée ecclésiastique, il y a le risque de remplacer Dieu par la Nature, l’effacement concret de Dieu de la vie des gens, dans les mois du lockdown, est un fait. C’est précisément à l’époque où l’on pouvait penser que les gens avaient davantage besoin de Lui, que le gouvernement et les hommes d’Eglise ont accepté l’annulation des messes et de tous les rites religieux pour le peuple, qui a été privéde tous les sacrements (même celui des mourants).

Quelque chose qui n’est jamais arrivé dans l’histoire chrétienne, car jusqu’à présent pour l’Église – comme le proclame le Code de droit canonique – « salus animarum suprema lex », c’est-à-dire : le salut des âmes est (a toujours été) la loi suprême.

Il semble maintenant que le salut de l’âme ait été remplacé par la santé du corps comme valeur suprême, de sorte que l’on peut renoncer à Dieu et aux sacrements qui ne sont pas des biens essentiels, au contraire – a-t-on dit – ils risquent d’être même dangereux car aller à l’église, se confesser ou communier, pourrait (peut) mettre la santé en danger. Une nouvelle perspective complètement immanentiste.

Pouvait-on sauvegarder la santé sans faire passer le message que, dans les moments les plus dramatiques, il est bon de se passer de Dieu et de ne penser qu’à la santé du corps en s’appuyant sur la science et le gouvernement? Bien sûr qu’on le pouvait. De même qu’on pouvait faire un confinement différent, dans le temps et dans les modalités, un confinement qui n’anéantirait pas toutes les activités humaines, des activités économiques aux activités spirituelles.

Une des conséquences, pour l’Église aujourd’hui, est la faible affluence aux messes qui ont repris – contrairement à l’activité des discothèques – avec de fortes limitations de présence. Les fidèles se demandent que faire d’une Église qui parle comme le ministère de la santé.

Et dans le monde clérical, Jésus-Christ fait scandale, lui qui, tout en étant le plus grand guérisseur des corps, affirme que le bien suprême est le salut de l’âme et la vie éternelle : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perd sa vie par amour pour moi et pour l’Évangile la sauvera… à quoi bon pour l’homme de conquérir le monde entier s’il perd son âme? » (Mc8, 35-36). Et le Psaume 62 dit : « Ta grâce vaut plus que la vie ».

Il semble que dans le monde clérical, il n’y ait pas beaucoup d’espérance chrétienne, mais qu’on s’en remet éventuellement à Speranza, le ministre de la santé (jeu de mots: le nom du ministre se traduit effectivement pas « santé »). Bonne chance.

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