Claudio Gazzoli, blogueur catholique italien « non adulte » (pour faire court!) déjà rencontré dans ces pages, qui tient un blog atypique au titre énigmatique « Fragmenta« , nous raconte ici l’expérience qu’il vient de vivre dans la ville de saint François en temps de covid: parfaite illustration de la dérive séculière d’une certaine Eglise « en sortie », très à la mode ces temps-ci, dont les fenêtres enfin grand ouvertes grâce à François – le Pape – devaient enfin laisser entrer l’air frais, mais où l’on respire désormais une atmosphère de plus en plus lourde, de plus en plus conformée à l’esprit du siècle, de plus en plus éloignée de l’esprit du saint fondateur.

Pleinement conformée à la mentalité de ce siècle

Claudio Gazzoli
1er septembre 2020
Ma traduction

Samedi soir 29 août à 21h30, récitation du rosaire dans la Basilique de Santa Maria degli Angeli à Assise. Dimanche matin, messe dans la même basilique. Entrée compartimentée et contrôlée comme une installation nucléaire militaire. Tous avec un masque, dans cette immense nef de la basilique qui contient la Portioncule qui fut l’un des lieux préférés de la première communauté fondée par Saint François.

Les paroles de saint Paul de la liturgie de la messe résonnent dans ce grand espace (Rm 12, 1-2) :

« Ne vous conformez pas à la mentalité de ce siècle, mais transformez-vous en renouvelant votre esprit, afin de pouvoir discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable à Lui et parfait ».

Mots lourds, dans la chaleur étouffante qui rend la respiration haletante, mots qui font réfléchir : c’est moi qui dois renouveler mon esprit, ébloui par les flatteries du monde, pour comprendre « ce qui est bon et donc agréable à Dieu ». Ou plutôt, pour comprendre à nouveau ce que l’évolution de la pensée moderne, à la fois protectrice et rassurante, a inexorablement obscurci. « Ce qui est bon » est conjugué au présent, non seulement parce que c’est le temps de la lettre de Paul, mais parce que c’est le TEMPS DE DIEU, un présent intemporel car en Dieu il n’y a pas de « temps ». La référence morale est ABSOLUE, sans rapport avec les inclinations changeantes de l’homme. Pour comprendre à nouveau ce qui est AGRÉABLE À DIEU, et non de ce qui plaît à notre nature vaniteuse.

Les paroles que Jésus adresse à Pierre résonnent également (Mt 16, 21-27) :

« Loin de moi, Satan ! Tu m’es scandale, parce que tu ne penses pas selon Dieu, mais selon les hommes ».

Ces mots, durs comme du granit, s’adressent aussi à nous, qui sommes à des années-lumière de la contiguïté, de la soumission de Pierre, dans une époque pleinement imprégnée par la puissance de la pensée séculière et ses infinis corollaires.

Mais il n’est pas facile de s’attarder sur ces réflexions. Les frères gardiens de la Basilique sont si diligents et zélés dans l’application des règles anti-Covid. En particulier, un frère, qui parcourt la nef en montrant son propre masque, pour reprendre, avec un regard menaçant, ceux qui ne le portent pas comme lui, jusque devant ses yeux, pour réprimander celui qui le porte en laissant les narines découvertes. Une exhibition inqiétante, que l’on ne s’attendrait pas à trouver dans une église, mais dans un état de régime militaire. Puis la distribution de la communion, avec toutes les précautions d’hygiène nécessaires, évidemment sur les mains.

Je ne vois pas autant de prudence pour les âmes, misérablement mises à nu et perplexes face à l’attaque du mal. Si le même zèle était appliqué, de la part des religieux, au virus hyper-virulent du péché, en proposant et en offrant systématiquement tous les antidotes que l’Église de Jésus met à leur disposition, nous ne nous trouverions pas dans la situation désespérée d’aujourd’hui. C’est là, et seulement là, la tâche de la vraie Église, la prévention, la vigilance et donc, le salut des âmes !

On respire un air différent, depuis quelques années, à Assise. Un air lourd qui n’a plus rien rien de l’air léger, fait seulement d’Esprit, à haute altitude, où la matière devient aussi impalpable que la neige fraîche.

On respire un air lourd, imprégné des pensées de l’homme arrogant et autosuffisant de ce début de siècle. Un air dégoulinant de buonisme, de sentimentalisme, d’écologisme, d’environnementalisme, de mondialisme, d’œcuménisme, de panthéisme, de naturalisme, d’anthropocentrisme, de catho-communisme… de communisme. Un air lourd qui se répand et fait sombrer ces ordres religieux, destinés, si la tendance actuelle persiste, à disparaître, n’en déplaise à leur fondateur, animé d’un tout autre zèle.

Saint François avait d’autres intentions pour Assise :

« Bénie sois-tu du Seigneur, cité sainte à Dieu fidèle, car par toi beaucoup d’âmes se sauveront et en toi beaucoup de serviteurs du Très-Haut habiteront, et par toi beaucoup seront élus au royaume éternel ».

Saint François, lui, n’a pas réprimandé le lépreux, qui ne portait pas le masque, il l’a étreint et embrassé.

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