Il faut que ce soit d’Italie (de Marcello Veneziani, sans surprise) que vienne l’un des meilleurs commentaires que j’ai lu à ce jour sur le meurtre sauvage de Samuel Paty, ce professeur d’histoire DÉCAPITÉ, EN FRANCE, EN 2020!!! L’auto-censure est telle, chez nous, qu’on n’a entendu pratiquement aucune voix dissonante en public, en particulier de la classe politique. Et pourtant, une réflexion qui ne se limite pas à fleur de peau et qui ne s’aligne pas inconditionnellement sur le politiquement correct ne peut que renvoyer dos à dos le fanatisme islamique et le nihilisme occidental.

Il y a deux sujets différents : l’un est la condamnation sans appel de ces actes et leur punition. L’autre est le manque de respect pour les religions. On doit respecter les identités, mais à commencer par la sienne. Chez nous, en effet, on finit souvent par respecter les rites et les coutumes des autres, même ceux qui sont incompatibles avec nos codes, au nom de la tolérance ; mais ensuite, on piétine tranquillement la religion chrétienne qui a imprégné l’Occident pendant des millénaires. Le fanatisme islamique est un sujet, le nihilisme occidental en est un autre.

Image choisie par Marcello Veneziani pour illustrer son article
On est très loin des pires caricatures, celles qui ciblent la religion catholique ne sont pas montrables ici.

Fanatiques islamiques et nihilistes locaux

Marcello Veneziani
La Verità, 21 octobre
Ma traduction

Elle est terrible, l’image du professeur décapité par la férocité des fanatiques musulmans. Aussi terrible que le massacre, toujours à Paris, à la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo après les caricatures qui se moquaient de Mahomet et de la religion musulmane. C’est la barbarie du fanatisme, l’horrible disproportion entre les mots et les images des uns et les cimeterres et les massacres des autres. Personne en Occident ne s’est agenouillé, comme quelqu’un l’a fait remarquer, car cette fois la victime était un Occidental et non un Noir, et le tueur était un islamiste fanatique et non un policier américain.

Souligner la cruauté diabolique des fanatiques terroristes et la lâcheté de beaucoup d’Occidentaux à s’automutiler reste cependant une question que nous ne pouvons pas éluder et qui concerne l’Islam mais finit par nous concerner, nous, notre civilisation, notre religion et notre tradition. Mais est-ce vraiment la liberté de pensée et d’expression que de se moquer de Dieu et de la foi, qu’elle soit celle des autres ou la nôtre? Nous sommes libres de ne pas croire et de penser différemment au sujet de Dieu et de la foi, nous sommes libres de critiquer la religion et ses fondements théologiques, mais sommes-nous également libres de ridiculiser, d’offenser ce qui représente le bien suprême des peuples, des traditions, des croyants ? Pouvons-nous nous moquer publiquement de ce qui, pour les autres, est la chose la plus sérieuse dans la vie et dans le monde et qui a coûté des guerres, des martyrs, des sacrifices ? Si nous sommes entre amis, dans la sphère privée, nous pouvons nous concéder une certaine ironie, mais nous ne pouvons pas mettre publiquement au pilori humoristique, ridiculiser, une foi qui pour tant d’autres représente une raison absolue de vie.

Un vieux proverbe de bon sens disait: scherza coi fanti ma lascia stare i santi (litt. plaisante avec les fantassins – fanti – mais laisse les saints – santi – tranquilles, signifie qu’il ne faut pas parler de manière irrévérencieuse de Dieu, des saints, et des choses sacrées). Nous avons l’habitude de nous moquer des symboles et des figures de la religion chrétienne, sans nous inquiéter si nous offensons la sensibilité de beaucoup mais aussi l’histoire de tous, la tradition dont nous sommes issus, la civilisation dans laquelle nous vivons. L’art, la musique pop et la satire se sont moqués du Père éternel, du Christ, de la Sainte Vierge et de tous les saints. Sachant qu’il est beaucoup plus facile de le faire en Occident; essayez de le faire avec les musulmans, avions-nous un jour écrit à propos d’un concert blasphématoire de Madonna Ciccone ou de l’œuvre d’un artiste « transgressif »: nous avons malheureusement eu la preuve tragique qu’on ne peut pas plaisanter avec eux. Nous condamnons sans réserve la réaction féroce et sanglante des meurtriers au nom de Dieu, et la disproportion entre une caricature, une blague, un gag blasphématoire et un massacre, un meurtre.

Mais un point demeure: la liberté doit avoir une mesure, une limite, elle doit s’arrêter devant le respect des traditions et des thèmes qui ne concernent pas les individus, les aspects individuels de la vie, mais la relation entre la vie et la mort, l’après-vie et l’éternité, la religion et l’âme. Lorsqu’on nous dit que la liberté d’expression vient en premier, il est facile d’objecter que la liberté de diffamation et de mépris n’est pas incluse dans la liberté d’expression. Elle a donc des limites. Et nous savons aussi que sont en vigueur des interdictions juridiques et culturelles, voire qu’elles ont augmenté, y compris les interdictions juridiques contre ceux qui expriment des opinions considérées comme scandaleuses ou négationnistes sur des questions historiques sensibles et contre ceux qui enfreignent le code du politiquement correct. Nous ne pouvons pas offenser les homosexuels, les femmes, les Noirs, les Roms, les Juifs, les migrants, les personnes handicapées, etc. En revanche, lorsqu’il s’agit de Dieu et de la foi, nous pouvons tranquillement nous moquer, ridiculiser notre propre foi et celle des autres.

Quand j’ai soulevé sur les réseaux sociaux la question du respect religieux, certains sont allés jusqu’à dire: « alors pour toi, ils ont eu raison de tuer le professeur, les rédacteurs de Charlie Hebdo, qui l’ont bien cherché ? » Par pitié, ne me rabaissez pas à votre niveau de sottise et de simplifications grossières, en m’attribuant le contraire de ce que je pense. Comme vous l’aurez compris, je ne justifie pas cette réaction féroce et je ne reconnais pas non plus l’ombre d’une circonstance atténuante.

Il y a deux sujets différents : l’un est la condamnation sans appel de ces actes et leur punition. L’autre est le manque de respect pour les religions. Et j’ai ajouté: les identités doivent être respectées, mais à commencer par la sienne. Chez nous, en effet, on finit souvent par respecter les rites et les coutumes des autres, même ceux qui sont incompatibles avec nos codes, au nom de la tolérance ; mais ensuite, on piétine tranquillement la religion chrétienne qui a imprégné l’Occident pendant des millénaires. Le fanatisme islamique est un sujet, le nihilisme occidental en est un autre.

Le problème se situe en amont et touche avant tout la France. Et pas que la gauche française. C’est l’héritage des Lumières et de la Révolution française qui place la liberté de pensée au-dessus de tout et repousse les religions dans des superstitions privées. N’oubliez pas que ces normes théophobes adoptées en France, puis en Europe, n’ont pas tant touché les tchadors et les rites musulmans qu’elles ont investi le crucifix dans les salles de classe, la spoliation de Noël et de la crèche, l’interdiction de tout symbole ou rappel religieux (opération d’ailleurs impossible car nos villes, places, palais, hôpitaux et cimetières sont nés ainsi, avec ces symboles et ces noms et de ces croyances).

Pour condamner la décapitation du professeur, Charlie Hebdo, le 16 octobre dernier, n’a rien trouvé de mieux que de l’attribuer « à l’idéologie fasciste ». Cela n’a rien à voir avec le fascisme, cela a çà voir avec les fanatiques musulmans. Et si vous voulez vraiment établir une comparaison avec les cruautés occidentales, vous en avez une chez vous, à Paris: ce sont les Jacobins de la Révolution française qui ont coupé les têtes avec la guillotine. Ceux-là mêmes qui réclamaient la liberté de pensée et la liberté de piétiner Dieu et la religion.

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