A l’occasion de la sortie de son bref essai « Virus e Léviatano » (cf. Virus et Léviathan, 20 octobre). On y retrouve évidemment, sous la forme plus familières du dialogue à bâtons rompus, des réflexions éparses à différents endroits de ce site, sur le covid mais aussi sur la sortie du Pape à propos des unions gays. En particulier, il dénonce le rôle décisif des médias (que l’on vérifie malheureusement chaque jour davantage): « Pour être partagé, le despotisme thérapeutique a besoin des mass médias, d’un récit approprié. Elle a besoin de la terreur, et la terreur doit être diffusée à travers l’information ». Et aussi cet aveu: « Je suis complotiste »…

« Après toutes ces années de journalisme, je peux tranquillement dire que je suis complotiste. Parce que le pouvoir conspire toujours. Et plus les intérêts sont importants, plus la conspiration est vaste. Cela se passe loin des projecteurs, dans ce que l’on pourrait appeler les ‘sanctuaires’ des maîtres du chaos. Mais l’aide d’idiots utiles est toujours d’une importance fondamentale ».


Non plus des citoyens, mais des malades. Voilà comment frappe le despotisme thérapeutique

Bonjour Aldo Maria Valli, vous portez un masque? Je vous demande cela pour dissiper tout doute quant à votre sous-estimation du danger causé par le Covid-19.

« Oui, je le porte, suivant les règles établies. Je ne crois pas en son efficacité – un épidémiologiste m’a expliqué que c’est comme prétendre bloquer les moucherons avec une clôture – mais je n’ai pas l’intention de me faire infliger une amende. L’État me harcèle déjà avec le fisc. La vraie résistance, je la fais en écrivant ».

La dernière chose que Valli a écrite est Virus e Leviatano, un essai bref (108 pages), solide et extrêmement lucide, dans lequel il offre une vision très à contre-courant du temps de la pandémie et surtout de sa gestion par la politique, de l’information et aussi de l’Eglise. De plus, dans cette interview, l’ancien Vaticaniste de Tg1 et auteur du très populaire blog Duc in altum, parle également des paroles du Pape François sur les couples homosexuels et leur droit d' »être dans une famille ».

Le premier chapitre de votre livre est intitulé « Un despotisme d’État, partagé et thérapeutique ». Comment un despotisme peut-il être partagé?

« Ce n’est pas la première fois qu’une communauté se laisse subjuguer. Étienne de La Boétie, dans son Discours sur la servitude volontaire, dit que ce sont les gens eux-mêmes qui se laissent enchaîner. ‘C’est le peuple qui se fait serviteur, qui se coupe la gorge’. Pourquoi? Par peur, ignorance, passivité, lâcheté. Par manque d’amour de la liberté ».

Par despotisme thérapeutique, voulez-vous dire que la relation entre l’homme politique et le citoyen ressemble à celle entre le médecin et le patient ?

« Absolument. Nous ne sommes plus des citoyens, mais des malades. Le politicien a assumé le rôle du médecin. La nation est devenue un hôpital. La relation médecin-patient est très différente de la relation politique-citoyen: elle est asymétrique. Ce que le médecin décide, pour votre propre bien, vous ne le remettez pas en question. Vous vous soumettez et même vous le remerciez.

Les citoyens deviennent dociles et prêts à renoncer à des quotas de liberté sur l’autel de la santé?

« Oui, dans mon essai, j’écris Santé avec une majuscule, parce que c’est devenu la valeur absolue à laquelle tout, y compris les droits de liberté, doit être sacrifié. Une prétention absurde et dangereuse. La santé est certes un bien primaire, mais si elle est transformée en absolu, elle peut être instrumentalisée, comme c’est le cas actuellement ».

Avons-nous tort de choisir des valeurs de sécurité et de survie plutôt que des valeurs de liberté et d’indépendance?

« Il s’agit d’avoir un équilibre. Et d’être sur ses gardes: il suffit de très peu pour passer d’un État de droit à un État policier. Nous le voyons. Et qui peut dire que l’état d’exception ne peut pas devenir la règle, peut-être toujours avec l’excuse de la santé ».

Comment expliquez-vous que les fameux Dpcm [décret du premier ministre] contiennent des exhortations à un comportement vertueux, à respecter les règles de la vie en commun, à rester chez soi?

« C’est précisément avec le despotisme thérapeutique, avec ce paternalisme qui traite les citoyens comme des sujets stupides, comme des enfants incapables de se gérer eux-mêmes, qu’on en arrive à fourrer son nez dans les maisons privées, à vouloir réglementer minutieusement chaque comportement. Des précédents très dangereux ».

Quel rôle l’information joue-t-elle dans la création de ce scénario ?

« Décisif. Pour être partagé, le despotisme thérapeutique a besoin des mass media, d’un récit approprié. Elle a besoin de la terreur, et la terreur doit être diffusée à travers l’information ».

Qu’indique le fait que pendant la pandémie soit née la première task force contre les fake news?

« Une mesure totalement illibérale. Ce ne peut être le gouvernement qui détermine ce qui est vrai et ce qui est un mensonge a priori. Là encore, les citoyens sont traités comme des enfants incapables de jugement. Dans une démocratie libérale, le citoyen se forge une opinion par la libre confrontation ».

Êtes-vous d’accord avec ceux qui ont trouvé des analogies entre la situation italienne actuelle et la France de la Révolution?

« Oui, le Comité scientifique et technique est la réincarnation du Comité de salut publique. La santé est la valeur absolue à laquelle tout est sacrifié. La terreur sert à piéger et à conditionner. La liberté de culte a été refusée. Mais l’Eglise, hélas, s’est volontairement laissée enchaîner ».

Ceux qui, constatant les succès contre la pandémie de pays comme la Chine et le Vietnam, ont souligné les avantages des dictatures dans les moments de crise, ont-ils tort?

« Il me semble difficile de parler de succès dans le cas de la Chine, étant donné que le virus a été un cadeau « bienveillant » de sa part. Dans le cas du Vietnam, il faut dire que le pays, compte tenu de ses liens étroits avec la Chine, a joué un rôle de précurseur, avec des mesures ad hoc et un contrôle étroit sur les Chinois, surtout s’ils viennent de Wuhan. Mais si nous disons que les dictatures sont meilleures que les démocraties en temps de crise, nous faisons le jeu de ceux qui veulent nous enchaîner ».

Même l’Oms semble soutenir la thèse selon laquelle la Chine est le pays qui a le mieux réagi à la pandémie.

« Et je le crois ! Le directeur général de l’Oms, Tedros Adhanom Ghebreyesus, est très ami avec le régime chinois. Il est éthiopien, et la Chine fait d’énormes investissements en Éthiopie. Parmi les grands électeurs de Ghebreyesus à l’Oms, la Chine a joué un rôle décisif.

La pandémie a-t-elle été une occasion manquée pour l’Église catholique ?

« Malheureusement, oui. Elle n’a pas parlé de sanctification, mais seulement de sanification. Elle s’est laissée infecter par la terreur. Elle n’a rien dit sur les grands thèmes de la mort et du péché. Elle s’est pliée aux diktats du gouvernement. Elle n’a pas revendiqué son autonomie. Elle a été plus royaliste que le roi. Elle est devenue Eglise d’Etat. C’est bien d’être responsable, mais on ne peut pas s’effacer. La liturgie a pris des connotations grotesques. Nous sommes devenus des adorateurs du gel. Nous avons traité Jésus comme un untore« .

Comment expliquez-vous le fait qu’à de rares exceptions près, elle ait acquiescé au verrouillage religieux imposé par les autorités civiles?

« Connivence, peur, acceptation passive, abandon. Il y a de tout. Mais en plus de tout cela, il y a un effrayant manque de foi ».

Partagez-vous le jugement de Mgr Massimo Camisasca, évêque de Reggio Emilia-Guastalla, qui, dans son regard sur la pandémie, a vu le danger d’une « vision paranoïaque de la réalité » ?

« Bien sûr. Nous sommes déjà paranoïaques. Nous parlons des positifs comme s’ils étaient malades. Nous sommes tous terrifiés. Non seulement d’avoir contracté le virus, mais aussi de ne pas pouvoir respecter les règles. Nous n’examinons pas les faits, mais nous nous laissons prendre par mille suggestions. La crise de la raison se déroule parallèlement à celle de la foi ».

Ces jours-ci, le monde catholique est agité par les paroles du pape François sur le droit des couples homosexuels à « être dans une famille ». Que pensez-vous de ces déclarations?

« François est entouré d’un puissant lobby gay qui a oeuvré pour arriver à ce résultat. Mais il s’agit de déclarations privées de Bergoglio : le catholique n’est en rien tenu de les faire siennes ».

Aujourd’hui, la manipulation à laquelle ont été soumises les paroles du pape se fait jour, un fait qui se répète. Mais il semble que François accepte le risque?

« Non seulement il l’accepte, mais il la favorise. Il s’agit d’une opération décidée autour d’une table (/planifiée). Bergoglio provoque la partie saine de l’Église pour que quelqu’un, évêque ou cardinal, l’accuse d’apostasie. Il aurait alors beau jeu, avec le soutien de la grande presse amie, de pointer du doigt les « ennemis de l’Eglise » et de crier au complot contre le pauvre bon pape si aimé du peuple ».

Ces déformations récurrentes concernent-elles une technique de communication ou la conception même du rôle de l’Église dans le monde?

« Les deux. L’objectif est une religion mondialiste soutenue par une nouvelle Église alignée sur le monde. Le récit approprié sert d’instrument ».

Mieux vaut une Eglise qui contamine et trafique qu’une Eglise lointaine, austère et étrangère aux débats du temps présent?

« L’Eglise est dans l’histoire et s’est toujours mêlée au monde. Mais en sachant que, bien que dans ce monde, elle n’est pas de ce monde. Les slogans sur l »Église sortante’ sont des banalisations. L’Église est en elle-même sortante parce qu’elle est évangélisatrice. Le vrai problème est de remettre Jésus et la loi divine au centre ».

Pour en revenir à l’urgence Covid, est-il possible d’être en désaccord avec le conformisme ambiant sans être excommunié avec l’accusation de négationisme?

« Oui, il faut résister à la narration dominante. Dire clairement qu’être taxé de négationisme est une infamie. Personne ne nie l’existence du virus. On veut juste s’en tenir à la réalité et combattre l’instrumentalisation de la pandémie« .

Certaines manifestations de dissidence, assaisonnées de complotisme folklorique sinon grossier, confirment-elles ces accusations ?

« J’en ai bien peur. Je n’aime pas les manifestations de rue : je préfère le raisonnement calme. Mais si vous organisez une manifestation, vous devez le faire bien, en évitant les résultats contre-productifs ».

On pensait que l’état d’urgence servait à rationaliser les bureaucraties pour améliorer les services aux citoyens dans des conditions d’urgence, mais il ne semble pas que cela se soit produit. À quoi sert-il vraiment ?

« L’état d’urgence sert à enchaîner les citoyens, à les faire se sentir comme des sujets incapables de se gérer eux-mêmes, des enfants irresponsables ayant besoin d’un encadrement paternaliste. C’est le fruit d’un gouvernement faible qui, précisément parce qu’il ressent sa faiblesse, se concentre sur l’autoritarisme ».

Vous craignez que cet état d’exception ne devienne la norme?

« Cette peur est ce qui m’a poussé à écrire Virus e Leviatano. Nous créons un dangereux précédent. L’union perverse de la bio-politique et de la bio-information a porté un coup sévère au système parlementaire libéral démocratique. Un vulnus qui pourrait devenir permanent ».

Pensez-vous que la soumission des citoyens au nouveau despotisme étatique et scientifique, avec la participation des médias et de l’Église, est un dessein consciemment poursuivi ou le résultat inévitable du virus de l’idéologie jamais vraiment éradiqué dans l’establishment politique et culturel ?

« Après toutes ces années de journalisme, je peux tranquillement dire que je suis complotiste. Parce que le pouvoir conspire toujours. Et plus les intérêts sont importants, plus la conspiration est ample. Cela se passe loin des projecteurs, dans ce que l’on pourrait appeler les ‘sanctuaires’ des maîtres du chaos. Mais l’aide d’idiots utiles est toujours d’une importance fondamentale ».

Comment évaluez-vous le fait que nous sommes en train de revenir progressivement au confinement?

« En fin de compte, c’est un fait culturel. On n’est plus éduqué à la liberté, à l’amour de la liberté. Nous sommes drogués. Nous avons l’illusion d’être au courant de tout et nous ne savons rien. Nous n’étudions pas et nous nous laissons conditionner. Nous devons apprendre de nouveau à penser. Mais comment est-ce possible si nous passons tout notre temps sur les réseaux sociaux ou devant des émissions de télévision grossières? Huizinga a écrit dans La crisi della civiltà que si l’on veut repartir, on doit en premier être conscient de l’ampleur de la dissolution ».

Mots Clés : ,
Share This