Stefano Magni, pour La NBQ, commente les fraudes massives constatées lors des élections présidentielles américaines, et dénonce la partialité des médias: « Malheur à qui parle de ‘fraude’, car l’accusation de diffusion de fake news fuse et Twitter efface les commentaires. Ce sont finalement les juges de la Cour suprême qui décideront de la régularité du vote. Et ce n’est pas une bien belle nouvelle »

Vote dans le Michigan

Postes, juges et morts qui votent. Les pires élections

Stefano Magni
La NBQ
6 novembre 2020
Ma traduction

Les élections de 2020 resteront dans les mémoires pour les votes par correspondance, le manque de fiabilité des règles de vote anticipé et pour les morts qui votent (le plus vieux a presque 200 ans). Mais malheur à qui parle de « fraude », car l’accusation de diffusion de fake news fuse et Twitter efface les commentaires. Ce sont finalement les juges de la Cour suprême qui décideront de la régularité du vote. Et ce n’est pas une belle nouvelle.

Les élections de 2000 ont été considérées comme les pires de l’histoire récente des États-Unis, lorsque le résultat final (la victoire de George W. Bush) a été décrété par la Cour suprême après un recomptage des voix en Floride. Les élections de 2020 sont déjà bien pires. Le gagnant sera très probablement décidé, en plus de l’être par les électeurs électeurs, également par les facteurs et les juges. Avec des listes électorales qui comprennent même des électeurs bicentenaires, évidemment morts mais toujours en mesure de voter. Hier, Trump a encore dénoncé la fraude et a annoncé lors d’une conférence de presse qu’il allait mener une bataille juridique. Et les grandes chaînes de télévision américaines (dont ABC, CBS, NBC) ont refusé de diffuser l’intégralité du discours.

Le problème ne se poserait pas si le résultat était une victoire nette pour l’un des deux candidats. Selon les sondages, il aurait dû en être ainsi : une victoire facile pour Joe Biden. Au lieu de cela, les sondages ont fait des prévisions totalement fausses, comme ils l’ont fait en 2016. Dans le Michigan, le candidat démocrate était crédité de 4 points d’avance (moyenne des sondages de Real Clear Politics), mais Biden ne l’a emporté que de 150 000 voix, soit 2,6 %. Dans le Wisconsin, Biden était crédité d’une avance de près de 7 points dans les sondages, mais il a gagné par 20 000 voix, soit 0,6 %. Biden et Trump étaient prévus presque à égalité en Floride et au Texas, mais dans ces deux États, le président a été confirmé par une très large marge : 6 points au Texas et 4 points en Floride. À l’échelle nationale, l’avantage de Biden aurait dû atteindre 7,2 points de pourcentage, à tel point que les analystes prédisaient une « vague bleue ». Dans la réalité d’aujourd’hui, avec le décompte des points presque complet, il ne devance Trump que de 2 points. On peut se demander si les sondages ont commis une erreur statistique grossière pour la deuxième fois de suite, ou si leur sous-estimation de l’électorat de Trump était délibérée. Quoi qu’il en soit, leur prédiction a contribué à polluer la campagne, changeant complètement la perception de la réalité jusqu’au dernier jour avant le vote.

Bien que le comptage ne soit pas encore terminé, l’équipe de campagne de Trump souligne les fraudes et appelle à des recomptages dans les principaux États. La décision de Trump de faire appel est présentée dans le récit des médias comme un scandale, quand ce n’est pas une tentative de coup d’État. Il faut dire, tout d’abord, qu’un recours devant la Cour suprême n’est pas un acte subversif, dans un gouvernement de droit, il est légitime: Al Gore aussi avait demandé un recomptage en 2000, sans que cela passe pour un coup d’État. Et même: la victoire de Bush est toujours très contestée. Si en 2000, on avait voté dans des circonstances normales, en 2020, les élections ont été extraordinairement atypiques, car, en raison de la pandémie, 100 millions de personnes ont voté par anticipation, dont 64 millions par correspondance.

Le vote par correspondance, contre lequel l’administration Trump s’est battue jusqu’au bout, est en soi moins fiable que le vote aux urnes. Chaque État fixe ses propres règles et certains ont fait preuve de contrôles très lâches. En Pennsylvanie, un État clé pour la victoire, ni le cachet de la poste pour la date du vote ni la signature d’un reçu ne sont requis. En Caroline du Nord, ils acceptent les votes jusqu’à 9 jours après le jour du scrutin. L’Arizona, un autre État décisif, qui dépouille les bulletins depuis 48 heures, a décrété hier que les votes par correspondance seront acceptés jusqu’au 10 novembre : une règle qui a changé en cours de route. Lorsque Trump demande d’arrêter de voter et que l’équipe de campagne de Biden demande de « compter chaque vote », cela signifie-t-il seulement que l’on ne doit compter que les votes déposés dans l’urne avant le 3 novembre ou jusqu’à ce que les autorités locales en décident? Comment vérifier qu’on n’a effectivement voté que jusqu’au 3 novembre ?

En plus d’être certainement moins anonyme, plus sujet à la pression et à la manipulation, le vote par correspondance est moins sûr. Lors de cette élection, selon ce que dénoncent les républicains, les morts ont également voté. William Bradley, né en 1902, mort en 1984, a pourtant « voté » dans le Michigan. Toujours dans le Michigan, à Detroit, le plus vieil électeur découvert jusqu’à présent est né en 1823, un homme bicentenaire.

Pour pouvoir compter sur le service postal public, il faut d’abord avoir confiance en son équité et en son efficacité. Une association conservatrice de journalisme d’investigation, Project Veritas , a « traqué », avec un journaliste sous couverture, un facteur de l’Arizona (un autre État décisif et contesté) qui était d’accord pour lui donner des bulletins vierges non utilisés parce qu’ils avaient été envoyées à de mauvaises adresses. Enfin et surtout, le service postal est-il impartial ? L’Union postale a apporté son soutien officiel à Joe Biden dès le mois d’août.

On ne sait pas combien de ces anomalies sont connues, mais même dans les comptages eux-mêmes, il y a quelque chose qui ne colle pas. Le 4 novembre, entre 3h30 et 5h00 du matin, 140 000 bulletins ont été comptés dans le Wisconsin… tous pour Biden, 200 000 dans le Michigan et un million en Pennsylvanie. Ils sont tous arrivés en même temps. Les fact checkers disent que tout est régulier, mais qu’il s’agit seulement d’une façon de compter et d’enregistrer les votes par candidat. L’équipe de campagne de Trump en doute, surtout si l’on considère que ces vagues de votes bleus, compacts et synchronisés ont renversé deux résultats sur trois (Wisconsin et Michigan).

Les chiffres de participation laissent sans voix. 89% de l’électorat a-t-il effectivement voté dans le Wisconsin ? Comme nous l’avons encore vu hier, dans certains comtés de l’État clé du Midwest, le nombre de votes a dépassé le nombre d’électeurs . Dans deux bureaux de vote, il a atteint 200 % des voix.

Plus généralement, le doute surgit lorsque l’on compare les données sur le vote au Congrès et le vote pour le président. Habituellement, le parti au Congrès jouit d’une faveur moindre de l’électorat que le président. La confiance dans l’institution du Congrès est en moyenne plus faible que celle placée dans le président. Pourtant, lors du vote de 2020, les républicains gagnent des points à la Chambre (six sièges supplémentaires) et conservent la majorité au Sénat. Et malgré cela, le président perd. C’est une anomalie statistique qui est vraiment difficile à expliquer. Autre anomalie historique : comme le montrent toutes les dernières élections, celui qui gagne la Floride et l’Ohio gagne aussi le pays. Ce serait pratiquement la première fois qu’un président gagne dans les deux États mais perd l’élection.

Il n’est guère surprenant que des cas de fraude soient signalés, surtout si les circonstances de vote sont si difficiles et si le vote par correspondance est aussi étendu que peu fiable. Ce qui est étonnant, cependant, c’est la fougue avec laquelle toute allégation de fraude électorale est catégoriquement démentie par les médias. Les mêmes médias qui, pendant quatre ans, ont dénoncé « l’ingérence » de la Russie dans les élections remportées par Trump en 2016, parlent maintenant de « désinformation » sur la fraude, probablement toujours d’origine russe. À cela s’ajoute la fureur de la censure avec laquelle les réseaux sociaux, Twitter en particulier, suppriment tous les messages signalant une fraude présumée. Censurer tout ce que dit l’un des deux partis politiques dans la course électorale, supprimer les commentaires du président lui-même, est-ce ou n’est-ce pas une « ingérence » encore pire que celle attribuée à la propagande russe en 2016 ?

Sans ces informations, il n’est pas possible de comprendre les appels de Trump et de l’équipe de campagne républicaine : ils apparaissent comme des plaintes futiles ou des appels à la subversion. Mais à la fin du processus électoral, ce ne sont pas les médias qui se prononceront sur la régularité du vote, mais les juges de la Cour suprême. Et ce n’est pas bien beau pour la plus ancienne démocratie libérale.

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