Comment il a habilement exploité les bonnes relations qu’il a tissées avec l’administration Obama à partir de 2008 pour échapper aux « restrictions » que sa conduite scandaleuse lui avait valu sous le Pontificat de Benoît XVI, arguant que ses contacts politiques avec la nouvelle administration étaient extrêmement utiles, voire indispensables à l’Église. Il s’est assuré ainsi une place centrale au sein d’un réseau de connivences et de complicités lié au parti Démocrate, où l’on retrouve évidemment (le monde est petit!) son « ami » Biden.

A noter que dans tout cela (et même si les accointances avec les démocrates sont inacceptables et constitue en soi un gravissime mélange des genres), il n’est nulle part question du Pape François, soigneusement préservé de toute accusation, alors qu’au minimum, il ne pouvait pas ignorer les « magouilles » de McCarrick dans les relations entre l’Amérique d’Obama et Cuba. Il n’est pas question non plus des prélats corrompus qui ont permis l’ascension de McCarrick à un tel niveau dans la hiérarchie (voir Rapport McCarrick: Mgr Vigano répond à ceux qui l’attaquent et dénonce une « farce grotesque »)

Mc Carrick, le réseau démocrate et cette amitié avec Biden.

Nico Spuntoni
La NBQ
13 novembre 2020
Ma traduction

Des 400 pages du rapport sur l’ex-cardinal Mc Carrick émerge le dense réseau de complicité et de relations pour continuer à s’accréditer auprès du Saint-Siège comme interlocuteur fiable des démocrates. Et l’élection d’Obama à la Maison Blanche lui a offert l’opportunité. Toujours du côté des politiciens pro-avortement, il considérait Biden comme un « ami à moi ». Et dans les relations entre Cuba et les États-Unis, il agissait au nom de l’administration Obama.

Le rapport McCarrick est destiné à faire couler beaucoup d’encre, vu la quantité de documents et de témoignages qui semblent mettre en cause la responsabilité de certaines des figures de proue de l’Eglise américaine et de la Curie romaine du dernier quart de siècle. Dans les plus de 400 pages du dossier, on ne peut s’empêcher de remarquer comment, à plusieurs reprises, l’ex-cardinal s’est mis à l’abri du puissant réseau de relations politiques construit au fil du temps pour justifier son rôle envahissant sur le devant de la scène et plus tard sa désobéissance éhontée à ses supérieurs.

Cela semble évident au moment où, après la démission comme archevêque de Washington à la demande de Benoît XVI fin 2005, la découverte d’un rapport, avec de nouveaux détails sur la conduite grave de McCarrick soumis à l’archidiocèse de Newark et au diocèse de Metuchen par les avocats d’un de ses prêtres accusateurs a conduit le préfet de la Congrégation pour les évêques de l’époque, le Cardinal Re, à établir les lignes directrices à suivre concernant la résidence à choisir – considérant comme inappropriée la résidence dans le séminaire néocatéchuménal – et le type de vie – « réservé et priant » – à adopter pour l’avenir.

« PUNI PAR BENOÎT XVI »

Les instructions données par le préfet Re – qui, selon le rapport publié par la Secrétairerie d’État, n’ont pas donné lieu à des sanctions formelles – ont d’abord été données oralement par l’intermédiaire du nonce Sambi en 2006, puis répétées par écrit au cours de l’été 2008. À l’époque, McCarrick tout en sachant que la requête de démissionner et celle de renoncer aux apparitions publiques étaient toutes deux liées aux accusations portées contre lui pour sa conduite avec les séminaristes, exprima auprès de ses connaissances la conviction qu’il avait été puni par Benoît XVI « pour la question de la communion » [aux divorcés remaries, ndt], n’hésitant pas à faire passer le pontife alors régnant pour le mauvais – de son point de vue – afin de cacher les ombres qui pesaient sur sa personne.

L’ESPOIR OBAMA

Dans cette phase descendante de sa carrière jusque-là brillante, McCarrick crut entrevoir dans la victoire de Barack Obama à l’élection présidentielle de novembre 2008 une occasion de se remettre sur les rails aux yeux de Rome, en essayant de « vendre » sa figure comme indispensable pour ouvrir un dialogue avec la nouvelle administration. Non sans avoir mûri un certain sens de toute-puissance, McCarrick, convaincu (bien que conscient de leur véritable motif) que les indications qui lui parvenaient de Rome étaient le résultat d’une affaire personnelle entre lui et celui que dans un mail à son successeur Wuerl il appelait « notre ami » (en référence probablement soit à Re, soit à Sambi – voire même à Benoît XVI lui-même), tenta de court-circuiter ses interlocuteurs directs en écrivant aux sommets de la Secrétairerie d’État au sujet de ses « contacts avec la nouvelle administration » qui étaient devenus « plus fréquents et plus complexes » et en demandant à être instruit « sur le rôle possible » qu’il devrait continuer à jouer.

Se sentant victime d’une conspiration, dans des lettres adressées à la troisième Loge [à la Secrétairerie d’Etat], McCarrick tenta de rendre attrayantes ses entrées dans la team de transition d’Obama, avec le désir implicite de faire tomber « d’en haut » les « préoccupations que d’autres au Saint-Siège ont au sujet de mon implication dans ces questions ». Un modus operandi qui a distingué l’ex-cardinal également en d’autres occasions importantes, comme celle de sa nomination à la direction de l’archidiocèse de Washington pour laquelle il avait déjà reçu l’avis négatif des parties compétentes : la Congrégation pour les évêques et la Nonciature Apostolique aux USA.

Les lettres envoyées à la Secrétairerie d’État en décembre 2008 pour s’accréditer comme pont auprès de l’équipe de transition mettent également en évidence l’ambiguïté de la figure de McCarrick en matière de relations internationales: selon le Rapport publié mardi, il « n’a jamais été diplomate du Saint-Siège », et pourtant il semble se comporter comme tel au point de se retrancher derrière cette activité spasmodique de voyages et de rencontres pour justifier le non-respect total des indications qui lui ont été adressées par le cardinal Re dès 2006.

UTILE À L’ÉGLISE ?

Une ambiguïté qui, en revanche, n’a pas échappé aux autres évêques américains, comme le montre encore l’enquête, dans les entretiens avec les cardinaux Di Nardo et Dolan qui, niant avoir eu connaissance de mesures punitives liées à son « inconvenance sexuelle », admettent avoir attribué la « marginalisation » de l’archevêque émérite de Washington à partir de 2008 à « l’intrusion excessive (…). … dans les affaires étrangères délicates » et la crainte que son « activité internationale (…) ait pu interférer avec les relations diplomatiques du Saint-Siège ».

« ACTIVISME DANGEREUX »

Le nonce Sambi, qui, d’après le Rapport, semble apparaître comme l’un des prélats qui a su mieux cerner le profil de l’ex-cardinal, une fois reçues les lettres envoyées par McCarrick à la Secrétairerie d’État, souligna comment ce dernier entendait « faire croire que ses contacts politiques avec la nouvelle administration américaine sont extrêmement utiles, voire indispensables à l’Église », même si ces « contacts (…) plus que demandés par lui, sont recherchés par lui ». Des mots que le nonce a écrit dans un rapport au préfet Re, dans lequel il a également exprimé sa préoccupation au sujet du « Cardinal McCarrick (qui n’est pas un champion de la clarté des idées et de la cohérence des comportements par rapport à la doctrine de l’Eglise) au début de cette nouvelle administration qui, dans la phase électorale, a soutenu des positions inconciliables avec l’enseignement de l’Eglise ».

LE DÉFI DE LA COMMUNION

Par ailleurs, bien que durant sa carrière il n’ait pas dédaigné de cultiver des relations avec des gouvernements et des administrations de différentes couleurs, McCarrick s’est particulièrement distingué avec la classe dirigeante Dem en 2004, lorsque la polémique sur la Communion aux politiciens pro-avortement a éclaté après que Mgr Burke, alors en poste, ait déclaré qu’il la refuserait au candidat présidentiel John Kerry, devenant – comme nous l’avons lu dans le Rapport publié mardi – « une voix opposée » à celle de l’archevêque de St Louis d’alors, déclarant qu’au contraire il l’administrerait.

Une position qui a conduit à l’intervention de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi avec un mémorandum qui lui a été adressé par le Préfet Ratzinger lui prouvant qu’il avait tort. Comme nous l’avons vu, McCarrick – bien qu’au courant de la vérité – a, en certaines occasions publiques, attribué à cet événement son déclin pendant le pontificat de Benoît XVI. Sa complaisance publique envers les raisons du candidat Kerry dans cette polémique a, au contraire, contribué à renforcer les bonnes relations avec l’establishment du Parti Démocrate construites pendant le mandat de Clinton (lequel, lors d’une cérémonie publique, a confirmé involontairement l’ambiguïté sur laquelle l’ancien cardinal s’est appuyé dans la sphère des relations internationales, disant que « la liste des pays qu’il a visités semble plus appropriée pour un diplomate que pour un archevêque ») et a également été décisive pour sa nomination épiscopale controversée à Washington, comme l’a rappelé le cardinal Dziwisz, selon lequel Jean-Paul II l’a jugée « utile » parce que McCarrick avait « de bonnes relations avec la Maison Blanche ».

« BIDEN MY FRIEND ». SIGNÉ Mc CARRICK

A la lumière de cette révélation de l’ex-secrétaire personnel de Wojtyla, on comprend mieux la tentative faite avec Rome, misant sur les bonnes entrées dans la nouvelle administration Obama pour sortir de la « marginalisation » causée par les accusations. Début 2009, selon ce que l’ex-cardinal a raconté dans une lettre au préfet Re, cette ruse que lui reproche Sambi lui a évité à plusieurs reprises de respecter les instructions de mener une vie réservée; le bureau du président élu lui a demandé, à lui – à la retraite depuis trois ans – de jouer un rôle dans le National Prayer Service et son refus aurait été une cause de « déception » pour « l’indisponibilité ».

Une déception exprimée par l’homme qu’il décrit dans la lettre comme « un ami de l’Église et de moi-même », le vice-président d’alors, Joe Biden. L’amitié avec l’ex-second d’Obama ne devrait pas être une vantardise de l’ancien cardinal, qui en 2015 a prononcé l’éloge funèbre de son fils Beau dans l’église de Saint Anthony à Wilmington (un de ces événements mis en évidence dans le rapport, auquel Mgr Viganò a également assisté en tant que nonce apostolique).

« AMBASSADEUR » À CUBA. MAIS POUR LES ÉTATS-UNIS

C’est justement sous l’administration Obama, mais après la fin du pontificat de Benoît XVI que l’ex-cardinal globe-trotter – qui entre-temps n’avait jamais cessé d’enfreindre les instructions informelles reçues du préfet de la Congrégation pour les évêques – est réapparu sur la scène internationale tant désirée dans les jours sombres entre 2006 et 2009, en jouant un rôle dans l’établissement de la politique de détente entre Washington et le régime castriste.

Pour avoir une idée du poids politique de McCarrick, il suffit de savoir que, selon le Rapport publié mardi, « il a agi à la demande de l’administration Obama pour contribuer à promouvoir de meilleures relations entre Cuba et les États-Unis ».

Il y a plus: l’enquête de la secrétairerie d’État révèle qu’en août 2014, McCarrick s’est rendu à Cuba « sur la base de consultations avec des responsables de la Maison Blanche » en emportant une lettre d’Obama au cardinal Ortega et en demandant à ce dernier de lui remettre une lettre que le pape François lui avait confiée pour le président américain. « Cependant », lit-on dans le rapport, « le cardinal Ortega, agissant selon les strictes instructions du pontife de remettre la lettre à Obama en main propre, a refusé de la remettre à McCarrick, qui est parti de Cuba les mains vides ».

De ces détails, on apprend donc que sur la question cubaine, l’ex-cardinal a agi pour le compte de l’administration démocrate américaine et a donné la preuve de cette intrusion dans les relations diplomatiques du Saint-Siège évoquée dans le Rapport des cardinaux Dolan et Di Nardo, recevant le juste refus du cardinal Ortega. Le grand crédit réservé par la classe dirigeante démocrate de l’époque à un archevêque à la retraite a été l’objet d’une tentative d’explication du nonce Sambi qui jugeait « très périlleuse » la rencontre entre le protagonisme d’un cardinal défini comme n’étant pas « un champion de la cohérence du comportement par rapport à la doctrine de l’Église » et une administration qui « soutenait des positions inconciliables avec l’enseignement de l’Église ». Une rencontre qui, malgré la crainte du diplomate du Vatican, a finalement eu lieu à Cuba.

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