Le commentaire de Riccardo Cascioli à l’interview de Mgr Vigano par Raymond Arroyo (EWTN): « Il y largement de quoi douter de la totale fiabilité du rapport McCarrick et soupçonner les intentions manipulatrices de ceux qui l’ont rédigé, mais nous craignons que personne n’ait l’intention d’aller au fond des choses. En revanche, il y a des indices importants qui suggèrent que le rapport sera utilisé comme une arme formidable par ceux qui ont depuis longtemps entamé un processus de discrédit des prédécesseurs du pape François« .

A gauche, Raymond Arroyo.

McCarrick, Viganò lève le masque sur le rapport du Vatican

Riccardo Cascioli
La NBQ
14 novembre 2020
Ma traduction

Dans une interview à la chaîne de télévision EWTN, l’archevêque Carlo Maria Viganò, grand accusateur de McCarrick, a réfuté point par point les accusations portées contre lui et les « oublis » du Rapport qui vient d’être publié par la Secrétairerie d’État sur la couverture des abus de l’ancien cardinal archevêque de Washington. « J’ai été cité 306 fois et je n’ai même pas été appelé à témoigner. »

« Je découvre avec surprise qu’un dossier dans lequel je suis mentionné 306 fois m’accuse de ne pas avoir témoigné dans cette enquête sur Theodore McCarrick. Mais la convocation des témoins, selon la loi, est de la responsabilité de ceux qui instruisent le procès, sur la base des preuves recueillies au cours de l’enquête ».

Ainsi commence la réponse détaillée de Mgr Carlo Maria Viganò au Rapport McCarrick, un rapport qui prétend reconstruire l’ascension et le succès de l’ex-cardinal américain, qui s’est révélé être homosexuel et un dangereux prédateur en série. La réponse de Mgr Viganò arrive dans une longue interview donnée le 12 novembre à Raymondo Arroyo de ETWN, la célèbre chaîne de télévision américaine fondée par Mère Angelica.

Quiconque a suivi l’histoire, même de loin, sait que c’est précisément le dossier publié le 26 août 2018 par Mgr Viganò, ex-nonce aux États-Unis de 2011 à 2016 et précédemment délégué pour les Représentations Pontificales (1998-2009), qui a déclenché une dure polémique sur la responsabilité des dissimulations et des complicités qui ont permis à Thedore McCarrick de faire une carrière ecclésiastique extraordinaire. Mgr Viganò a également mis directement en cause le pape François ainsi que des personnalités de premier plan des pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI.
Une des conséquences de cette polémique est justement le rapport McCarrick, rédigé par la Secrétairerie d’État du Vatican et présenté le 10 novembre dernier.

Étant donné la genèse de ce travail d’investigation, il n’est pas surprenant que l’objectif non déclaré soit précisément la « défense d’office » du pape François et la contre-accusation à Mgr Viganò. Une opération en substance réussie, étant donné qu’une grande partie de la presse internationale, dans les gros titres de présentation du rapport, s’est concentrée sur la responsabilité de Jean-Paul II dans la nomination de McCarrick comme archevêque de Washington en 2000 et la remise ultérieure de la pourpre en 2001 (évitant toutefois d’enquêter sérieusement sur la manière dont on est arrivés à cette nomination). Et Mgr Viganò lui aussi s’en sort mal : le Rapport le dépeint essentiellement comme un personnage à deux visages, d’une part un accusateur irréprochable des mœurs dépravées du cardinal américain, d’autre part distrait lui aussi lorsqu’il s’est agi de justifier les accusations.

Dans l’interview accordée à Arroyo, Mgr Viganò réfute point par point, accusant les auteurs du Rapport d’avoir délibérément évité son témoignage et d’avoir évité d’enquêter sur certaines circonstances, allant ainsi jusqu’à couvrir le système de corruption morale de la Curie vaticane qui, encore aujourd’hui – et même, aujourd’hui plus que jamais – permet à des personnages moralement contestés – quand ce ne sont pas des abuseurs purs et simples – d’atteindre le sommet de l’Église

« Il est totalement incompréhensible et anormal – affirme Mgr Viganò – qu’on n’ait pas jugé opportun de me convoquer pour témoigner, mais plus déconcertant encore que cette omission délibérée ait ensuite été utilisée contre moi. Et ne me dites pas que je m’étais rendu indisponible: mon e-mail personnel est en possession du Secrétariat d’État et toujours actif ». En outre, cette volonté d’éviter ce que Viganò à a dire ne date pas d’hier: même la célèbre commission des trois cardinaux mise en place par Benoît XVI en 2012 à la suite de l’affaire Vatileaks 1 ne semblait pas intéressée, et Viganò rappelle qu’il n’a pu témoigner qu’à la suite de sa demande explicite et sans grand enthousiasme de la part du cardinal Julian Herranz qui présidait la commission.

Mais ce n’est pas le seul oubli des auteurs du rapport McCarrick: il n’y a même pas trace du témoignage de James Grein qui, rappelle Viganò, est « la seule victime du harcèlement sexuel de McCarrick qui a eu le courage de le dénoncer publiquement ». Pourquoi ce trou? Peut-être pour empêcher Grein de dire, comme il l’a déjà fait publiquement, que « le début de l’ascension de McCarrick – alors nouveau prêtre – a coïncidé « avec une visite à Saint-Gall, en Suisse, dans un monastère devenu célèbre pour les rencontres de la « mafia de Saint-Gall » qui a joué un rôle décisif dans l’élection de Bergoglio au pontificat. McCarrick lui-même, rappelle Viganò, lors d’une conférence en octobre 2013, s’est vanté publiquement d’avoir favorisé l’élection du pape François quelques mois plus tôt [ndt: voir détails ici: benoit-et-moi.fr/2017/actualite/quatre-ans-pour-changer-leglise...]

Toujours à propos de la corruption à la Curie, Mgr Viganò remet sur le tapis le rôle du Secrétaire d’État du Vatican de l’époque, le Cardinal Angelo Sodano, qui a couvert devant Jean-Paul II les responsabilités de McCarrick ainsi que celles du Père Marcel Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ. Accusations déjà contenues dans le dossier que Viganò a publié en 2018, mais que curieusement le rapport McCarrick ne prend pas en compte. Tout comme celles contre le Secrétaire d’État Bertone et le Substitut Sandri, qui ont eu le même rôle par rapport à Benoît XVI que Sodano a eu pour Jean-Paul II.

Un autre point important de l’interview de Viganò avec EWTN concerne l’accusation portée contre lui de manquement sur le témoignage du « Prêtre 3 », sur lequel le cardinal Ouellet, préfet de la congrégation des évêques, lui avait demandé d’enquêter. Nous sommes en 2012, Viganò est depuis peu nonce aux États-Unis et transmet au Saint-Siège des informations sur les accusations portées contre McCarrick par celui qui est identifié dans le rapport comme le « Prêtre 3 ». Ouellet demande à Viganò d’enquêter mais, selon le Rapport fraîchement publié, le nonce ne suit pas cette indication.

« C’est absolument faux! – répond Viganò – Ce sont les auteurs du rapport eux-mêmes qui fournissent les preuves du piège qu’ils ont ourdi pour me frapper et me discréditer. En fait, dans un autre point du rapport, il est dit que le 13 juin 2013, j’ai écrit au cardinal Ouellet, lui transmettant à la fois la lettre que l’évêque Bootkoski m’avait adressée (Bootkoski était évêque de Metuchen et ordinaire du « Prêtre 3 », ndr) et celle adressée au Prêtre 3. Je l’informai que la plainte civile du « Prêtre 3 » avait été archivée sans possibilité d’appel. L’évêque Bootkoski qualifiait les accusations de « Prêtre 3″ de fausses et calomnieuses ».

Il y en aurait déjà assez pour douter de la pleine fiabilité du rapport McCarrick et soupçonner les intentions manipulatrices de ceux qui l’ont rédigé, mais nous craignons que personne n’ait l’intention d’aller au fond des choses. En revanche, il y a des indices importants qui suggèrentque le rapport sera utilisé comme une arme formidable par ceux qui ont depuis longtemps entamé un processus de discrédit des prédécesseurs du pape François.

Mots Clés : ,
Share This