Les médias auraient bien aimé effacer d’un coup d’éponge les quelque 70 millions de voix qui, malgré les torrents de boue déversés à flot continu sur lui depuis plus de quatre ans, se sont portées sur l’encombrant Donald Trump. Mais les choses ne sont peut-être pas aussi simples, et son héritage (comme nous l’avons déjà vu), en termes de fiscalité, défense de la vie, composition du corps électoral, et même sociologie électorale du camp républicain, aura modifié profondément le visage futur de l’Amérique.
Eclairage de Stefano Magni sur La Bussola.

Hier, des dizaines de milliers d’américains ont manifesté pacifiquement dans tout le pays (ici à Washington) pour exprimer leur soutien à Donal Trump. Cette image festive illustre de façon éclatante d’ vient la violence. Mais les médias ne veulent pas en parler… Le sujet du jour, c’est la sortie en France des mémoires d’Obama (dont tout le monde se fiche éperdument ici).

Au-delà de Trump: le trumpisme se porte bien et favorise la croissance de l’Amérique

Stefano Magnani
La NBQ
13 novembre 2020
Ma traduction

« Quelle que soit la manière dont tourneront les élections, finalement, Trump n’a absolument pas été battu », nous dit Lorenzo Montanari, vice-président « Affaires internationales » de l’organisation Americans for Tax Reform (ATR). L’héritage du président Trump est très important. Car « il a fait voter pour le Parti républicain les ouvriers et les minorités ethniques, des segments de l’électorat qu’aucun candidat, depuis l’époque de Nixon, n’avait jamais réussi à gagner ». En pratique, « le plus grand héritage du trumpisme est la réforme fiscale ». A tel point que lors des référendums économiques du 3 novembre, les politiques « trumpiennes » l’ont emporté. « La cause pro-vie est l’autre grand héritage que laisseront Trump et Pence. »

Biden a-t-il gagné ? Pas encore, malgré les félicitations reçues de presque tous les chefs d’État et de gouvernement occidentaux (tout récemment, même le pape, pas plus tard qu’hier). Trump peut-il encore gagner ? Peut-être, même si c’est peu probable, cela reste possible. Certes, au milieu de tout ce bruyant cirque médiatique, il est difficile de comprendre l’humeur des Américains. « Quelle que soit l’issue de l’élection, finalement, le trumpisme n’a absolument pas été battu », nous dit Lorenzo Montanari, vice-président « Affaires internationales » de l’organisation Americans for Tax Reform (ATR). L’ATR, fondée et présidée par Grover Norquist, est le plus important think tank du conservatisme fiscal en Amérique. Elle soumet à chaque candidat un pledge, un pacte, pour promettre de ne pas augmenter les impôts pendant son mandat. C’est un groupe de pression très fort, historiquement il a déterminé la victoire ou la défaite de candidats importants, y compris le rejet aux urnes du président George Bush (père) qui, en 1992, n’avait pas tenu sa promesse. Montanari, qui est également le rédacteur de l’International Property Right Index (qui mesure le respect de la propriété privée dans tous les pays du monde) et du Trade Barrier Index (qui mesure le niveau de liberté du commerce), se trouve dans la position idéale pour faire un bilan provisoire dans toute cette grande confusion qui a suivi l’Election Day.

Quel est le climat chez les conservateurs après le vote ?

Nous attendons de voir le cours de la justice américaine : quels seront les jugements rendus par les tribunaux locaux et si la Cour suprême voudra donner son avis, même en considérant que les lois électorales aux États-Unis sont des lois d’État (local, ndlr). Si la Cour suprême dispose d’une majorité conservatrice, c’est-à-dire « originaliste », elle pourrait respecter la volonté des États en interprétant l’esprit fédéraliste de la Constitution. Dans ce cas, elle n’interviendrait pas. Je ne porte pas de jugement de valeur, il semble qu’il y ait eu une fraude électorale, il faudra apporter des preuves concrètes pour l’établir. La classe dirigeante républicaine soutient Trump en ce sens qu’elle soutient le droit de recours de Trump. Rappelons qu’Al Gore n’a accepté le résultat de l’élection que le 13 décembre 2000, la veille de la réunion du Collège électoral (l’assemblée des grands électeurs qui élisent le président, ndlr) Le fait que Trump ait fait appel et se soit opposé au résultat ne devrait pas causer de scandale : cela fait partie du jeu. Il est également prévisible que certains éléments du parti s’éloignent de Trump. Nous savons très bien qu’il a été et reste un étranger pour l’establishment républicain.

Que reste-t-il du trumpisme?

C’est un phénomène qui a fait voter pour le Parti républicain les ouvriers et les minorités ethniques, des segments de l’électorat qu’aucun candidat, depuis l’époque de Nixon, n’avait jamais réussi à conquérir. Personne n’avait réussi à ramener dans le “Grand Old Party” un résultat aussi positif chez les Afro-Américains, les Latinos et les Asiatiques. Sur les Latinos, il y a une parenthèse à ouvrir car ils ne constituent pas un « bloc ». La seule partie de l’électorat latino-américain qui fait « bloc » est celle des Cubains et elle est pro-républicaine. De tous les autres, d’après les statistiques que nous avons reçues, la majorité a voté pour Biden, mais cette année, il y a plus de transversalité. Dans des États comme la Floride et le Texas, les Latinos ont voté en majorité pour les républicains. En Arizona, ce qui a joué contre Trump, plus que le vote latino, c’est la famille de John McCain (sénateur, 1936-2018, ex-candidat à la présidence en 2008, ndlr) qui a soutenu Biden et ainsi brisé la base républicaine. Il faut garder à l’esprit que l’Arizona est un « fief » McCain, rival direct du président.

Comment se traduit le trumpisme, concrètement?

Concrètement, le plus grand héritage du trumpisme est la réforme fiscale. Sans en comprendre la portée, on ne comprend même pas la dynamique du vote du 3 novembre, qui dans de nombreux cas est le résultat de votes séparés. Le 3 novembre, en effet, les Américains ont voté non seulement pour le président et le Congrès, mais aussi pour 120 référendums dans 32 États. Si l’on analyse les résultats de ces référendums, partout, ils ont récompensé les positions anti-fiscales et « trumpiennes« .

Par exemple?

En Californie, un État qui vote démocrate depuis des décennies, dans le référendum sur Uber, ceux qui proposaient la syndicalisation de ses chauffeurs ont perdu. C’est une grande victoire pour la “gig economy” [économie des « petits boulots », ndt], un secteur qui emploie 60 millions de personnes. Dans l’Illinois, patrie de Barack Obama, le gouverneur a proposé le référendum pour abolir la flat tax et a perdu : il reste une flat tax de 4,95%. Au Colorado, autre État démocrate, l’Independance Institute, un think tank conservateur, a proposé un référendum pour réduire l’impôt sur le revenu des personnes physiques et a gagné. Dans les États traditionnellement démocrates qui ont voté pour Biden, on a donc soutenu les politiques « trumpiennes« . Le message est passé : les gens reconnaissent l’importance des réductions d’impôts et d’une politique économique allégée. Et c’est un modèle qui fonctionne. Jusqu’en février, les États-Unis étaient le pays le plus dynamique du monde. En 2018, il a été défini par le Forum économique mondial comme le pays le plus compétitif, avec des taux de chômage à un niveau historiquement bas. Et le système a également résisté à l’épreuve de l’épidémie. Quand ont été déclarés les lockdowns des états, le chômage était passé à 14 %, puis, d’avril à aujourd’hui, 12 millions d’emplois ont été récupérés et aujourd’hui, le taux de chômage est à nouveau de 6,9 %. Presque au niveau d’avant la crise.

Les droits de douane et la lutte contre l’immigration ont-ils relancé le travail des Américains ?

En tant qu’ATR, nous avons toujours été contre le protectionnisme économique. Et nous sommes également en faveur de l’immigration légale (j’insiste : légale). L’échange est une valeur, l’immigration est une valeur et l’Amérique est devenue grande grâce à l’arrivée de nombreux talents. Ensuite, il y a l’immigration clandestine, qui est une autre affaire, car elle est liée à la sécurité. Mais les guerres commerciales et la lutte contre l’immigration, même légale, sont les deux côtés négatifs de cette administration. Mais le président a compris une question fondamentale en économie: l’importance de la propriété intellectuelle comme moteur de la relance économique du pays. Et il a placé le problème de la Chine et de son vol constant de la propriété intellectuelle au centre du débat mondial. Malgré cela, l’administration Trump a réussi à conclure la première phase d’un accord avec les Chinois et et il aurait réussi à faire des progrès également dans les relations commerciales avec l’Europe. Depuis 2009, il est question d’un accord de libre-échange avec l’UE, mais les deux administrations Obama n’y sont pas parvenues, et ce n’est donc pas la faute de Trump si cet accord n’est pas encore conclu. L’UE et les États-Unis doivent maintenant travailler ensemble sur la protection de la propriété intellectuelle pour établir leur partenariat, étant donné que dans l’ancien comme dans le nouveau monde, plus d’un tiers du PIB est produit par des activités d’innovation, où la propriété intellectuelle est primordiale. Et nous parlons d’au moins 150 millions d’emplois.

En Louisiane, le référendum pro-vie l’a également remporté…

La cause pro-vie est l’autre grand héritage que laisseront Trump and Pence. Car rappelons que derrière Trump se trouve un grand républicain, comme Mike Pence, pro-vie, premier vice-président à prendre la parole lors de la Marche pour la vie, anticipant ainsi Trump, le premier président à y participer. La nomination d’Amy Coney Barrett a certainement démontré la plus grande sensibilité de Trump à la cause pro-vie. Et il a choisi un juge qui représente une autre grande minorité, celle des catholiques.

Quelle est donc la nouvelle base républicaine ?

Ce sont les « ouvriers » plus que la « classe ouvrière », donc les gens qui travaillent, et non la « classe ouvrière » au sens idéologique du terme.

« Trump a perdu à cause du Covid ». S’il perd vraiment cette élection, êtes-vous d’accord avec cette analyse récurrente ?

Disons que sans le covid, Trump aurait gagné haut la main. Le Pew Research Center a constaté que 57% des Américains avaient une perception négative de la communication présidentielle sur l’épidémie. Et cela a eu son poids, étant donné que l’opinion publique dans cette élection a classé le covid comme le deuxième enjeu le plus important, après l’économie. 52 % d’entre eux ont toutefois jugé les résultats économiques positifs. Lorsque l’Institut Gallup a posé aux Américains la fameuse question « êtes-vous mieux aujourd’hui ou il y a 4 ans », 56% ont répondu qu’ils étaient mieux aujourd’hui. Ce sont les données objectives qui doivent être prises en compte lors de l’évaluation des performances de Trump.

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