Nous avons déjà parlé de ce concept dans ces pages, mais c’était à travers un « cas d’école » (en l’occurrence le cannibalisme), laissant le lecteur libre de mettre à la place les « repères » de son choix. Ici, l’auteur de l’article (lu chez AM Valli) met les points sur les i, et désigne clairement comme repères les « avancées » sociales et sociétales, et les attaques à la foi chrétienne qui se succèdent à un rythme de plus en plus rapide, dans l’indifférence, quand ce n’est pas avec la complicité de l’Eglise. Ce n’est plus une fenêtre, c’est carrément une baie vitrée.

Voilà pourquoi nous nous nous trouvons non pas dans une fenêtre, mais dans une baie d’Overton.

Et l’Église, que fait-elle?

L’expression « fenêtre d’Overton » est rentrée dans le domaine courant.

En substance, la fenêtre d’Overton est un modèle sociologique, élaboré par un sociologue américain qui lui a même donné son nom, pour lequel un comportement, qui à un certain moment de l’histoire est considéré comme impossible par la majorité des citoyens ou des peuples, peut être transformé en un comportement légal et normalisé, transformant en même temps cette majorité d’opposants en une minorité d’abord raillée, puis réduite au silence, puis censurée et enfin persécutée.

Le résultat est obtenu en plusieurs étapes : impossible, possible, acceptable, raisonnable, populaire et enfin légal.

Le jeu a parfaitement réussi avec le divorce, l’avortement, les unions homosexuelles. Et en ce qui concerne le genre, nous y sommes presque : il est actuellement dans la phase populaire, en attente d’être légalisé.

Normalement, il faut environ dix ans pour arriver au résultat, mais si les fenêtres sont reliées entre elles, comme celles évoquées plus haut, les temps ont tendance à se réduire. Il ne nous échappe pas que dans notre cas, l’enchaînement des fenêtres a pour but de déformer, voire d’éliminer, le concept même de famille.

Maintenant, en pensant à tout cela, il m’est venu spontanément à l’esprit que celles qui sont mentionnés ne sont en fait que de « petites fenêtres ». En fait, je crains que, dans l’ensemble, nous nous trouvions au milieu d’une véritable « baie vitrée d’Overton », laquelle, pour être réalisée, ne prendrait pas des années, mais des siècles. Et dans ce cas, l’artisan est l’Ennemi par excellence, celui qu’encore peu d’entre nous reconnaissent comme le diable.

La « baie vitrée » avec laquelle nous devons compter ne vise pas à renverser un comportement, mais une foi, la foi chrétienne, et donc toute une civilisation.

Voyons les faits. Le point de départ pourrait être les XIe et XIIe siècles, où le mode occidental était complètement imprégné de foi, les hommes de cette époque plaçant Dieu à la première place dans toutes les activités et étant prêts à faire n’importe quel sacrifice pour maintenir cette attitude intacte. Et en effet, ils ont rempli l’Europe et l’Italie de tant de beautés qu’ils ont fait de notre continent, et en particulier de notre pays, un véritable trésor.

Quelques siècles passent et, avec la Renaissance, le centre se déplace de Dieu à l’humanité et si, apparemment, rien ne semble changer par rapport aux siècles précédents, voilà qu’au cours des deux siècles suivants, éclatent de furieuses guerres de religion qui divisent l’Europe et la foi chrétienne de manière irrémédiable.

Si le résultat souhaité par l’ennemi ne fut pas encore obtenu à ce moment-là, c’est grâce à la résistance acharnée de l’Église qui, avec le Concile de Trente, et surtout par l’intermédiaire des saints qui l’ont fait appliquer, s’opposa à une contre-fenêtre d’Overton qui, au moins pendant quelques siècles, a connu un certain succès. À ce moment-là, le diable a changé de stratégie et au XVIIIe siècle, il en est venu à déplacer l’attention de l’homme vers la raison, qui est elle-même devenue dieu, pour aboutir au positivisme. Mais même dans ce cas, le jeu ne fut que partiellement réussi, car les papes, les hommes d’église et les saints, tels que Pie IX et Saint Jean Bosco, pour ne citer que deux parmi tant d’autres, s’y opposèrent fièrement.

L’Ennemi a donc de nouveau changé de tactique et, au XXe siècle, un nouveau virage s’est opéré au centre de l’attention : d’une part vers l’envie (la soi-disant lutte des classes), d’autre part vers la haine raciale, avec pour conséquence deux conflits mondiaux qui ont décimé les chrétiens (surtout dans le premier). Et pourtant, dans ce cas encore, le résultat souhaité n’a pas été atteint, car une majorité de chrétiens du XXe siècle, parmi lesquels pas mal de saints, ne se sont pas laissés abattre.

Et voilà donc, une fois de plus, la nouvelle tactique : plus de guerres, plus d’envie ; maintenant, tout se joue sur le plan moral et surtout sexuel. D’où la révolution sexuelle des années soixante du siècle dernier, qui semble enfin être la bonne arme entre les mains de l’Ennemi.

Le sexe, libéré de toute responsabilité, plaît à tout le monde, il est séduisant, il n’implique pas de guerres. De l’usage de l’envie on passe à celui de l’égoïsme et donc au subjectivisme : chacun est Dieu pour lui-même et les impératifs moraux sont ceux que chacun préfère suivre. Et en fait, le divorce, l’avortement, les unions homosexuelles et le genre ont tous comme dénominateur commun cette idée de la sexualité qui peut être résumée dans la formule « Je fais ce que je préfère et personne ne doit s’en mêler ».

Même face à cette situation, l’Église a tenté de s’y opposer et Jean-Paul II, par sa prédication et son exemple, a sans doute réussi à retarder la dérive subjectiviste et relativiste dont il avait bien compris, comme son successeur, la dangerosité.

Et aujourd’hui ? Malheureusement, cette barrière n’existe plus. Le pontificat actuel, au lieu de donner des signaux clairs, est extrêmement déroutant. Si quelqu’un comme moi, un quidam de populo, une personne ordinaire, a compris ce qui se passe, je me demande pourquoi mon Pasteur et ses hommes du sommet font comme si de rien n’était.

Au contraire. Voilà même la réforme du missel [qui fait beaucoup discuter en ce moment en Italie, ndt], dans laquelle l’Esprit Saint devient « rosée » et le Père ne nous induit pas mais nous abandonne à la tentation, et où nous sommes appelés à préciser qu’en plus d’être frères, nous sommes aussi sœurs. A quand les hybrides ?

Il semble que ce pape ait un taux d’approbation très élevé, mais quelqu’un devrait m’expliquer pourquoi cette popularité est inversement proportionnelle au nombre de personnes qui assistent à la messe et s’approchent des sacrements.

Au début, j’ai dit que la majorité, devenue minorité, est d’abord tournée en dérision, puis réduite au silence, puis censurée et enfin persécutée, et c’est exactement ce qui se passe. Pour l’instant, nous sommes encore dans la phase de censure, mais nous approchons rapidement de la persécution.

Cependant, je suis convaincu que, comme dans les siècles passés, Dieu suscitera un ou plusieurs saints du tempérament de François d’Assise, Dominique, Ignace. Des saints qui pourront donner un tour puissant à la barre. En attendant, comme l’a prophétisé le pape Benoît XVI, les vrais chrétiens se réuniront en communautés locales, petites mais fidèles.

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