Toujours à l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage « Virus e Leviatano«  (quel dommage pour mes lecteurs français qu’il ne soit pas traduit). Elle reprend et complète sa précédente interview dans La Verità du 26 octobre. Ses propos sur le « complotisme », mot infâmant forgé ces dernières années par les médias, et dont la diffusion monte en puissance, pour désigner ceux qui pensent « hors des clous », sont à ne pas manquer.

Il existe des « sanctuaires du pouvoir » dans lesquels les représentants d’intérêts énormes établissent certaines lignes et même des stratégies pour les atteindre. Je parle de sanctuaires supranationaux, qui se situent bien au-dessus des États et des gouvernements individuels. Si vous me demandez qui en tire profit, je vous réponds qu’il suffit de regarder les données. Bien sûr, la Chine gagne du terrain, mais elle n’est pas la seule. Les super-riches aussi, à commencer par Jeff Bezos et Bill Gates, s’enrichissent de plus en plus, tandis que de nombreuses personnes s’appauvrissent à un rythme effréné. Le pouvoir des oligarchies s’accroît, les systèmes représentatifs souffrent et sont considérés presque comme un luxe superflu, les déséquilibres s’accentuent, la capacité de penser de manière indépendante et de s’informer librement est de plus en plus menacée.

« Stop à l’urgence permanente qui détruit nos libertés. »

Aldo Maria Valli, journaliste et essayiste italien, vient de publier un livre intitulé Virus e Léviatano.

« Pendant la pandémie – écrit l’ex-vaticaniste de la Rai, à la retraite depuis peu – nous avons connu une forme de despotisme partagé et thérapeutique. Les fonctions de gouvernement ont été exercées par le biais de décrets du président du Conseil que tout le pays, y compris l’Église, ont accepté passivement. Les édits de l’État ont pris une valeur presque religieuse. La santé a été absolutisée. L’information a souvent alimenté la peur au lieu de la rationaliser et la liberté en a souffert. Qui peut nous assurer que cela ne se reproduira pas et que l’état d’urgence, remplaçant l’État de droit, ne pourra pas être institutionnalisé ».

Dans cette interview, nous avons approfondi avec l’auteur les thèmes du livre.

Pourquoi avez-vous décidé d’écrire ce livre ?

Pendant le premier lockdown, alors que nos libertés fondamentales étaient de plus en plus souvent bafouées par des décrets du Premier ministre, j’ai commencé à m’interroger sur ce qui arrivait à notre système politique, et surtout sur le fait que le Parlement était complètement privé de ses droits. Cela m’a semblé être un précédent grave. Qui nous assure que l’état d’urgence, prenant peut-être encore prétexte de la santé publique, ne puisse pas être institutionnalisé pour légitimer des formes croissantes de despotisme ? J’ai également été surpris par l’acquiescement de l’opinion publique et, en général, de la société dite civile. Très peu de voix se sont élevées pour contester la ligne choisie par le gouvernement. Au contraire, le récit dominant a pleinement soutenu cette ligne et est devenu son allié indispensable.

En ce qui concerne le Covid, existe-t-il une ligne vertueuse entre le catastrophisme alarmiste et le négationnisme ?

Oui, certainement, et c’est la ligne du bon sens. Il ne s’agit bien sûr pas de nier l’existence du virus, mais de réagir par des mesures appropriées sur le plan sanitaire et social sans payer un prix disproportionné en termes économiques, d’emploi et, je dirais même, de mental. Malheureusement, la politique de lockdown n’a pas été une politique de bon sens et de raison, et donc de mesures articulées et coordonnées, en particulier pour les groupes les plus à risque. Au contraire, c’était la ligne de la fermeture aveugle : une sorte de fuite précipitée. Une ligne qui, pour être appliquée, devait s’appuyer sur un récit adéquat, toute centrée sur la propagation de la terreur. Et de ce point de vue, il faut dire que le système des médias de masse a offert un spectacle vraiment négatif. Le sensationnalisme a triomphé. On a soufflé le feu de la peur.

Vous considérez-vous comme un complotiste? Quelle régie imaginez-vous derrière la pandémie ? Qui est à l’origine de cette campagne mondiale d’alarmisme ?

J’ai étudié les sciences politiques à l’université catholique de Milan lorsque le professeur Gianfranco Miglio était doyen de la faculté. Avec lui, j’ai passé les examens de sciences politiques et d’histoire des doctrines politiques. Dans son réalisme presque brutal, Miglio nous a appris que le jeu du pouvoir n’a qu’un seul but : maximiser le pouvoir lui-même. Les valeurs ne sont que des chapeaux colorés qui sont placés au-dessus des manœuvres du pouvoir. À l’époque, on ne parlait pas de complotisme, mais j’ai appris que le pouvoir, sous ses diverses formes, est toujours à l’œuvre avec l’objectif que je viens de mentionner, et des stratégies de plus en plus sophistiquées. Si cela fait de moi un complotiste, je n’ai aucun problème à l’admettre. Il existe des « sanctuaires du pouvoir » (c’est ainsi que je les définis) dans lesquels les représentants d’intérêts énormes établissent certaines lignes et même des stratégies pour les atteindre. Je parle de sanctuaires supranationaux, qui se situent bien au-dessus des États et des gouvernements individuels. Si vous me demandez qui en tire profit, je vous réponds qu’il suffit de regarder les données. Bien sûr, la Chine gagne du terrain, mais elle n’est pas la seule. Les super-riches aussi, à commencer par Jeff Bezos et Bill Gates, s’enrichissent de plus en plus, tandis que de nombreuses personnes s’appauvrissent à un rythme effréné. Le pouvoir des oligarchies s’accroît, les systèmes représentatifs souffrent et sont considérés presque comme un luxe superflu, les déséquilibres s’accentuent, la capacité de penser de manière indépendante et de s’informer librement est de plus en plus menacée.

Remarquez-vous des différences entre l’Italie et les autres pays du monde en ce qui concerne la gestion de l’urgence pandémique ?

Il y a certainement eu des différences, mais ce n’est pas le sujet de mon essai, qui se concentre plutôt sur le cas italien et sur la naissance de ce que j’ai défini comme un despotisme étatiste, partagé et thérapeutique, avec la Santé comme valeur absolue, le gouvernement dans le rôle de grand médecin, les citoyens transformés en malades et la nation en hôpital. La logique de la représentation politique a sauté, il y a une relation de type médecin-patient, clairement asymétrique, en faveur du gouvernement.

Il y a des signes croissants de malaise dans les sociétés, en particulier en Occident, qui semblent de plus en plus fragmentées et dominées par des tensions qui les déchirent. Que prévoyez-vous dans un avenir proche en termes d’arrangements sociaux et institutionnels ?

Je ne suis pas en mesure de faire des prédictions. Ce que je constate, c’est une polarisation croissante (pensez aussi à la situation aux États-Unis) entre des visions du monde qui non seulement ne coïncident pas, mais semblent complètement inconciliables. Nous ne sommes pas simplement au niveau des différences politiques : nous sommes confrontés, pourrait-on dire, à des anthropologies différentes et opposées. L’utilisation des réseaux sociaux joue certainement un rôle décisif dans ce processus. En fait, ce sont des instruments qui tendent à accroître la polarisation en confirmant les groupes dans leurs positions et en les plaçant en opposition totale les uns avec les autres. Le risque de forts conflits sociaux, surtout en présence d’une crise économique et de l’emploi permanente, me semble réel.

Léviathan, despotisme, dictature : ne pensez-vous pas que ce sont des termes forts ? Ceux qui les utilisent sont généralement accusés de déni et de manque de respect envers les morts de Covid.

Justement dans les premières lignes de mon essai Virus e Leviatano, pour dissiper tout malentendu, je dis que le virus est là, qu’il est insidieux et qu’il provoque la mort et la souffrance. En termes de philosophie politique, je ne peux cependant pas ignorer le fait que nous avons en fait cessé de vivre dans un système parlementaire libéral démocratique et que nous sommes entrés dans une forme de despotisme qui, au mépris des garanties constitutionnelles, a supprimé, de façon insensée à mon avis, les libertés fondamentales et piétiné la Constitution dès le premier article, qui dit que notre république est une république fondée sur le travail et que la souveraineté appartient au peuple. Il s’agit, je le répète, d’un dangereux précédent, qui mériterait réflexion. Mais, à quelques rares exceptions près, il semble que nous ayons été chloroformés.

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