Cette année, la pandémie-covid a été pour les médias, l’opportunité, si l’on peut dire, d’un « saut de qualité »: évacuer entièrement le sens religieux du 25 décembre et, au-delà même du sentiment religieux, arracher du cœur des Français ce qu’il pouvait encore y subsister d’attachement à ses racines. Pratiquement pas un mot sur le sujet, à l’exception à quelques reportages bêtifiants dans des églises (ou autres locaux, patinoire ou stade, tant qu’on y est) où l’on a célébré la messe de Noël en respectant de façon moutonnière les fameuses règles de « distanciation sociale » (masque, et « jauge ») et une vague allusion à la messe de « minuit » célébrée par le Pape à 19h30 dans une Basilique St-Pierre pratiquement vide. Les autres sujets étaient: les repas de famille en format réduit (covid oblige, encore, avec des règles ahurissantes qu’il vaut la peine de consulter pour réaliser où nous en sommes), en attendant, demain, la revente des cadeaux sur e-bay &cie, et bien sûr, les négociations pour le Brexit: à propos, ne pouvaient-elles pas attendre quelques jours, respectant cette période sacrée (intouchable même en temps de guerre) et ce qu’il n’y a pas si longtemps, on appelait « la trêve des confiseurs »? Et n’y a-t-il pas là une forme de pied-de-nez aux racines chrétiennes de la part des instances de l’UE?

J’ai éprouvé, par contraste, un sentiment de plaisir et de réconfort teinté de nostalgie en lisant le numéro d’aujourd’hui du site Boulevard Voltaire, qui s’ouvre sur ce défi, que je fais mien:

Nous ne vous souhaitons pas de bonnes fêtes… mais un TRÈS JOYEUX NOËL !

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Permettez-nous de vous adresser deux mots…
Deux mots qui résument notre résistance et notre espérance, deux mots qui sont notre identité et nos racines, deux mots porteurs de joie et de paix dans les familles, deux mots de soutien et d’affection chaleureuse pour ceux d’entre vous qui sont seuls ou récemment endeuillés, et pour lesquels ces fêtes ont cette année un goût amer…
Joyeux Noël !
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www.bvoltaire.fr/nous-ne-vous-souhaitons-pas-de-bonnes-fetes-mais-un-tres-joyeux-noel/

Suivent quelques pépites.

D’abord le beau billet de Gabriel Cluzel, illustré de la petite crèche qu’elle a achetée dans un bazar-discount et placée au pied de l’autel dans l’église d’un village de cette « France profonde » qui a oublié qu’elle a été chrétienne:

Sauvons Noël, et puis voilà !

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Le village s’appelle Sainte-Croix. Quel Sainte-Croix, me direz-vous ? Une brève recherche sur Internet montre que les Sainte-Croix pullulent aux quatre coins du pays. Mais les racines chrétiennes de la France sont, bien sûr, une vue de l’esprit.
Ce Sainte-Croix-ci est en Occitanie. Pour y entrer, on passe trois calvaires. Le plus récent, en fer forgé, date du XIXe, le plus ancien est une croix de sauveté, magnifique, avec son Christ naïf au centre. Il ressemble à un dolmen taillé. Sans compter l’immense croix, à côté du monument aux morts.
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Au centre du village, la petite église, magnifique, du XVe siècle. Son donjon fortifié est connu dans la région. Pour entrer, il faut demander la clé au boulanger – qui fait aussi épicerie, poste et bureau de tabac. Notons qu’il reste un autre ultime commerce de proximité : un tatoueur. Comprenne qui pourra. 
Le guide touristique dit qu’il y a, dans cette église, des reliques de la Croix. L’aimable commerçante ne sait pas, ne croit pas, n’en a jamais entendu parler. Il est vrai que son registre, à elle, ce sont les biens de première nécessité, et il y a longtemps que ces choses-là, pour les Français, n’en font plus partie. Que sont-elles devenues ? À l’intérieur de l’église, derrière l’autel, sur un sobre vitrail, sont représentés les clous et la couronne d’épine. Mais en cette période de Noël, il n’y a aucune crèche. Rien, nada.
(…)

Où sont les catholiques des champs ? Au siècle dernier, c’étaient les ruraux – loin de leur clocher, leur curé, leur famille – partis chercher fortune en ville qui perdaient la foi. Par une révolution copernicienne, ce sont les catholiques urbains, se soutenant et se tenant chaud dans des réseaux, des écoles, des paroisses, qui raniment la flamme quand les campagnards sont isolés, atomisés. 
J’ai emmené mes enfants poser devant l’autel, une crèche en porcelaine, trouvée à la Foir’Fouille. C’est peut-être un peu bête… Elle n’est pas chouette, sans doute made in China, mais qui la verra ? Au moins, elle sera là. Seule, dans l’obscurité d’une église déserte. Sans veillée, sans cierge, sans minuit chrétien a capella, sans enfants de chœur en soutanelle, sans fidèle ni missel. Mais avec l’ombre des habitants de Sainte-Croix qui, jadis, s’y pressaient le soir de Noël. Et ne laisseront pas tomber leurs descendants, c’est évident. Cela s’appelle la communion des saints. Vous êtes agnostique, dites-vous, pas concerné par toute cette rhétorique ? Mais le soir de Noël, on a le droit de croire un peu à tout et à n’importe quoi, alors pourquoi pas à ça ?

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www.bvoltaire.fr/sauvons-noel-et-puis-voila/

Suit le billet d’Iris Bridier, qui s’ouvre sur un des « Contes du lundi » d’Alphonse Daudet:

Minuit Chrétien

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« Dehors, le vent de la nuit soufflait en éparpillant la musique des cloches, et, à mesure, des lumières apparaissaient dans l’ombre aux flancs du mont Ventoux, en haut duquel s’élevaient les vieilles tours de Trinquelage. C’étaient des familles de métayers qui venaient entendre la messe de minuit au château. Ils grimpaient la côte en chantant par groupe de cinq ou six, le père en avant, la lanterne en main, les femmes enveloppées dans leurs grandes mantes brunes où les enfants se serraient et s’abritaient. Malgré l’heure et le froid, tout ce brave peuple marchait allégrement, soutenu par l’idée qu’au sortir de la messe il y aurait table mise pour eux, en bas, dans les cuisines », écrit Alphonse Daudet dans ses Trois Messes basses qu’il faut lire et relire au coin du feu.

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Ce conte nous dit quelque chose de la fidélité de ce peuple chrétien, prêt à sortir de son quotidien pour braver le froid, la nuit, la pandémie, et célébrer la Nativité. Cette nuit merveilleuse où Dieu se fait homme pour venir nous sauver.

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N’en déplaise à ceux qui auront grincé des dents et invoqué la laïcité, Noël demeure même pour les non-chrétiens l’occasion de perpétuer des traditions familiales. Pour notre plus grand plaisir, l’INA (Institut national de l’audiovisuel) ressort des images du passé et évoque dans un tweet ces transmissions orales au coin de la cheminée, cette fête où l’on veillait auprès de la cuisinière en attendant minuit. « Autrefois, la Veillée de Noël était ce temps de partage en famille avant la messe de Minuit, où les grands-parents récitaient des histoires. Une pratique aujourd’hui disparue. » Et pourtant, l’INA rappelle combien cette tradition « créait du lien social entre les générations ». Notre monde a bien changé. Nos aïeux sont désormais isolés et mis à distance de leurs petits-enfants pour les « protéger ». Quant à la messe de minuit, elle est ancrée dans les esprits comme un souvenir suranné. Et si, à l’inverse de cette individualisation de la société et hygiénisme des mentalités, nous choisissions de renverser la tendance, cette année ?

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www.bvoltaire.fr/minuit-chretien/

Et enfin la note d’humour, ce billet hilarant (mais au fond, pas tant que ça) de Marie Delarue (rien que des femmes, direz-vous. Je ne l’ai vraiment pas fait exprès)

Pour un réveillon apaisé, les « Vérificateurs » de TF1 nous expliquent comment combattre les « complotistes »

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Le réveillon, c’est ce soir. J’espère que vous avez bouclé les courses, parce que vous allez devoir faire des révisions et vous pencher sérieusement sur la check-list avant de passer à table.

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C’est bon, vous avez noté ? Maintenant, passons au plus difficile.
C’est le groupe TF1/LCI qui nous alerte : attention, même en petit comité, vous risquez de côtoyer des complotistes. Si si. Soyez méfiant : ce peut être votre fils, votre petite-fille ou la tante Adèle. On n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise, alors, il faut vous y préparer. Heureusement, « l’équipe des Vérificateurs de LCI et TF1 » (sic) a préparé le terrain et nous « propose un condensé d’éléments factuels et rationnels à leur opposer ».
Ah, j’allais oublier : évidemment, bien sûr, on ne regarde pas le film Hold-up. Pour remplacer avantageusement la messe de minuit, on conseillera plutôt de meubler l’attente du réveillon par une partie de petits chevaux, le visionnage de Titi et Gros Minet ou, pour les plus courageux, Les Voyages de Ségolène Royal, ambassadrice des pôles.
C’est après, une fois la première bouteille de champagne avalée, que ça se corse. Mais heureusement, vous disais-je, que la discussion dérape sur les masques, les confinements ou les vaccins, les Vérificateurs ont concocté « une série d’arguments à garder sous le coude si, autour d’une part de bûche, vos proches relaient de fausses informations ».
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Pour finir sur une note de nostalgie, j’ai cueilli sur internet quelques images des cartes de Noël que les gens échangeaient il n’y a pas si longtemps, avant d’être remplacés par les sms et autres messages électroniques: des messages qui ne laisseront aucune trace, alors qu’aujourd’hui, des collectionneurs s’arrachent ces images naïves qu’il était devenu de bon ton de trouver mièvres, voire « kitsch » mais qui témoignent au contraire (enfin, je trouve) d’une fraîcheur touchante. A l’époque, dans le village « idéal », il y avait une église et on échangeait même, parfois, de jolies crèches….

Au fait, très joyeux Noël!

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