Doit-il continuer à être l’aumônier de l’ONU ou bien confirmer ses frères dans la foi, comme l’ont fait les papes jusqu’à Benoît XVI ? C’est la question que pose un intellectuel argentin auquel Aldo Maria Valli a déjà récemment donné la parole, Rubén Peretó Rivas (cf. L’avortement en Argentine et les amis du Pape François), s’appuyant sur le vocabulaire, les actes, les discours de son compatriote pape, et ses nominations cardinalices et épiscopales.

Le professeur Rubén Peretó Rivas nous a envoyé une nouvelle contribution de Buenos Aires. Une analyse du langage et du contenu qui caractérisent la prédication de François, mais avec un regard sur son successeur.

AMV

Le pape François s’emploie à inventer des expressions particulièrement fortes qu’il propose dans ses discours et qui sont ensuite reprises par la presse dans les titres des journaux. On les appelle bergoglismes et elles se signalent par une saveur esthétiquement désagréable, telle que « odeur de mouton », « concombre mariné », « contenant existentiel », etc., cherchant ainsi à provoquer des réactions émotionnelles d’adhésion au message. Ces derniers temps, on a également vu apparaître des expressions qui, comme les bergoglismes, tentent de refléter certaines attitudes que le pape lui-même et l’Église ont adoptées ces dernières années. L’une d’entre elles, qui a fait son apparition ces dernières semaines, qualifie Bergoglio d’aumônier des Nations unies. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une référence à une image désagréable ni même d’un appel au sentiment. Il s’agit plutôt d’une conclusion rationnelle qui a émergé d’une analyse des faits.

Dans la pratique, l’Église dirigée par le pape François, suivi par la majorité des évêques, a adopté le programme des Nations unies, par exemple en encourageant l’immigration et la censure subséquente des pays et des gouvernements qui cherchent à la réguler ou à l’empêcher. Elle insiste ensuite sur le changement climatique, qui nécessiterait un soin extraordinaire pour la planète, appelée dans les cercles papaux « mère terre ». De même, la « fraternité universelle », objectif recherché depuis des siècles par des sociétés agnostiques et particulièrement anti-catholiques comme la franc-maçonnerie, est aujourd’hui ouvertement proclamée par le Vicaire du Christ lui-même, par exemple dans la Déclaration d’Abou Dhabi de 2019 ou dans sa vidéo de janvier 2021.

En 2019, et suite à la pandémie de Covid, l’agenda de l’Organisation mondiale de la santé a imposé une série de réglementations préventives impliquant de graves restrictions des libertés fondamentales, y compris la réglementation, voire l’interdiction des cultes publics, une situation qui dure maintenant depuis près d’un an et qui, selon certains scientifiques agissant en « visionnaires » du monde contemporain, durera jusqu’en 2024. Les évêques, à de très rares exceptions près, se sont précipités pour suivre cet agenda restrictif sans aucune sorte de discussion ou de résistance, et ont même rivalisé pour adopter des mesures d’hygiène excessives, allant jusqu’à des extrêmes improbables et parfois ridicules. Leur effort pour être politiquement corrects, leur démonstration de responsabilité en obéissant aux ordres des autorités civiles – même si cela signifiait abandonner spirituellement leurs fidèles, les privant des sacrements pendant des mois -, est à souligner.

Ces exemples suffisent à montrer qu’il n’est pas exagéré ou fantaisiste de considérer que le pape François occupe une sorte d’aumônerie de l’ONU en tant que chef religieux de haut rang qui bénit et légitime les initiatives mondialistes de cet organisme.

Cette position pontificale, parallèlement, place l’Église catholique comme un satellite de plus d’une sorte d’organisation planétaire, dans laquelle chaque membre a des fonctions précises à remplir afin de faciliter la nouvelle gouvernance mondiale.

Face à ce brusque revirement dans les événements, l’une des questions sur l’avenir que nous pouvons examiner concerne ce qui se passera avec le prochain pontificat. Nous savons que le nouveau rôle que l’Église assume dans le domaine de la gouvernance mondiale est une décision du pape François car lors des précédents pontificats, comme celui de Benoît XVI ou celui de Jean-Paul II, le Vatican a toujours été une voix critique et, dans une certaine mesure, même crainte. Le successeur de Bergoglio aura donc entre ses mains la décision de poursuivre ou non cette politique de légitimation des actions mondialistes, et de préserver ou de rejeter l' »aumônerie » de l’ONU

Il lui sera facile de poursuivre la politique bergolienne. En près de huit ans, le pontife argentin a pris soin d’établir une structure gouvernementale fidèle à ses idéaux mondialistes. Une grande partie du Collège des Cardinaux a été créée par François à son image et à sa ressemblance. Dans les consistoires, le caprice a toujours prévalu dans la distribution des birrettes rouges et, bien que cette attitude ne soit pas nouvelle dans l’Église, ce que nous observons ici, c’est que les personnages sont choisis soit parce qu’ils sont parfaitement alignés sur la politique bergolienne, soit parce que ce sont des nullités qui ne sont pas susceptibles de résister ou de remettre en question les ordres qui descendent des Palais sacrés, quel que soit celui qui y siège, et, incidemment, écriront sur les bulletins de vote du prochain conclave le nom de celui qui leur sera indiqué. Par ailleurs, l’épiscopat mondial, bien que moins engagé, a lui aussi été choisi selon le critère pontifical qui exige des « bergers à l’odeur de mouton ». Et cela signifie qu’ils sont des évêques éminemment pastoralistes (ce qui n’est pas la même chose que des pasteurs), peu formés et entièrement dévoués à l’action pastorale qui, selon eux, consiste à transformer les structures sociales selon l’esprit de l’Evangile. La dimension spirituelle de l’Église est reléguée à un deuxième ou un troisième étage, et devient dans de nombreux cas un élément décoratif de peu d’importance.

Si le prochain pape voulait, au contraire, reprendre le chemin de ses prédécesseurs et assumer pleinement la fonction qui lui a été confiée, à savoir « confirmer ses frères dans la foi », que devrait-il faire face au terrain vague en lequel il trouvera l’Église catholique transformée ?

Il s’agit, à mon avis, d’embrasser résolument le caractère spirituel et éminemment contemplatif qui est propre à l’Épouse du Christ, de s’éloigner des engagements temporels et d’exercer le magistère dans le temps et hors du temps. C’est l’option choisie par le pape Benoît XVI, et un seul exemple suffit à le démontrer: une bonne partie de sa catéchèse du mercredi concernait les Pères de l’Église, maîtres de notre foi dans les premiers siècles. Il ne s’est pas attardé sur les migrants, la fonte des glaciers ou la déforestation de la planète avec de grands mots.

Dans les médias ecclésiastiques argentins, on raconte une anecdote. C’était à la mi-mai 2007 et, dans un des couloirs de l’énorme Sanctuaire d’Aparecida (Brésil), où se tenait l’assemblée des évêques d’Amérique latine, un prêtre argentin aurait brusquement reproché au cardinal Zenon Grocholewski, de la Congrégation pour l’éducation catholique, ce qui suit: « Nous verrons quand nous réussirons à faire en sorte que les séminaires forment des prêtres séculiers, des prêtres insérés dans le monde, et cessons de parier sur une formation monastique fictive ». Ce prêtre serait l’actuel archevêque de La Plata, Mgr Víctor Fernández alias Tucho, un des ghost writers du pape François. Et dans les milieux ecclésiastiques, on connaît la détermination de ce puissant prélat à privilégier l’action pastorale sur la prière. Le principe de laïcité énoncé par saint Thomas d’Aquin et contemplata aliis tradere (« contempler et donner aux autres le fruit de sa contemplation ») ne semble plus valable en ces temps bergogliens. Pour Mgr Fernández, inspirateur de la pensée pontificale, une spiritualité basée sur ces deux pôles complémentaires – la prière et l’apostolat – répond à un comportement schizoïde [trouble de la personnalité caractérisé par un manque d’intérêt pour les relations sociales, ndt]. Il affirme en effet que ceux qui prétendent prier d’abord et donner ensuite aux autres ce qu’ils ont reçu dans la prière, présentent des caractéristiques similaires à celles d’une personne schizophrène ou bipolaire. Le bon missionnaire fait de la mission elle-même sa prière. Il n’est donc pas nécessaire de consacrer un peu de temps chaque jour à la prière ou d’être seul avec Jésus ; l’important est de faire des choses apostoliques. En d’autres termes, ce qui compte, c’est l’activité, car l’activité elle-même est la prière.

C’est l’un des points cruciaux de la pensée de Bergoglio, l’épine dorsale de son pontificat, et l’un des premiers que son successeur devrait mettre en pièces. Le pape est le gardien et le professeur de la foi. Sa mission n’est pas une activité frénétique, des homélies quotidiennes, des voyages mensuels ou la production quotidienne de discours, de lettres et d’exhortations. Bien mieux, et plus efficacement, la foi s’enseigne en célébrant la liturgie avec dignité et solennité, en parlant au cœur et à l’intelligence des fidèles – et non aux oreilles intéressées des ennemis de la foi – et en nous rappelant sans cesse, au milieu de ce monde matérialiste, que notre espoir est dans le royaume à venir et non dans un monde sans émissions de carbone.

En conclusion, le prochain pontificat devra être radicalement opposé à l’expérience bergoglienne qui a déjà échoué. Il devra être un pontificat catholique, axé sur la consolidation de la foi des baptisés, en ignorant les programmes promus par les gouvernements nationaux et transnationaux.

Rubén Peretó Rivas

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