C’est en quelque sorte un hommage de Giuseppe Nardi pour cet anniversaire du 11 février, soulignant le caractère absolument extraordinaire du phénomène qui a pu être observé ce jour-là. Et, ne serait-ce-ce que pour le souvenir de Goethe qui, en 1780, assista, émerveillé, à une autre illumination de la coupole, on peut penser qu’il plairait à Benoît XVI…

L’illumination de la coupole de Saint-Pierre: entre stupeur et fascination

Giuseppe Nardi
katholisches.info
11 février 2021
Traduit de l’allemand par Isabelle

(Rome) Voici huit ans, jour pour jour, le Pape Benoît XVI annonçait la nouvelle la plus sensationnelle de son pontificat : sa surprenante renonciation. Selon les estimations, il y a encore de par le monde, un grand nombre de catholiques qui, chaque année, en ce jour, se sentent nostalgiques.

Depuis lors, on s’est posé beaucoup de questions à propos de cette renonciation sur laquelle maintes théories ont été développées. La renonciation décidée par Benoît XVI est effectivement sans exemple dans l’histoire de l’Eglise. Depuis huit ans, la coexistence de deux papes est, elle aussi, perçue comme une anomalie. Du point de vue du droit canonique, il n’y a qu’un seul pape et il ne peut y en avoir qu’un : depuis le 13 mars 2013, il s’appelle François. Benoît XI a lui-même contribué à accentuer le caractère insolite de la situation en se donnant le titre, jusqu’ici inconnu, de « pape émérite » et en continuant à s’habiller de blanc.

La raison principale d’un malaise général et inhabituel dans l’Eglise est toutefois la divergence flagrante entre les deux pontificats. L’opposition entre le théologien (Benoît XVI) et le politique (François) sur le trône pontifical apparaît aux yeux de tous.

Le Signe du ciel

La date du 11 février 2013 est liée de plus à un phénomène naturel extraordinaire : la foudre qui a frappé la coupole de Saint-Pierre. Si des événements de cette nature ont valeur de signe, celui-ci, forcément, doit en être un. Ce jour-là Benoît XVI annonçait aux cardinaux réunis en consistoire sa renonciation, effective à la fin du mois. Le soir même un violent éclair tombait sur la coupole de Saint-Pierre.

Les images qui ont immortalisé cet événement spectaculaire ont fait, en peu de temps, le tour du monde. Elles suscitèrent, en réaction, tant d’étonnement et de frayeur qu’on tenta aussitôt de banaliser le phénomène, de le minimiser ou même de mettre en doute sa réalité. Comme on peut le comprendre facilement, ce furent surtout les milieux pour qui le retrait volontaire du pape allemand était un cadeau inespéré qui s’y montrèrent les plus actifs. Des dignitaires de l’Eglise qui, en d’autres occasions, aiment à voir et interpréter des « signes », gardèrent le silence sur cet événement éclatant. D’autres prétendirent arbitrairement qu’un tel éclair n’avait rien d’extraordinaire. Et pourtant, c’est le contraire qui est vrai. Huit ans après les faits, il s’agit toujours bien d’un événement absolument unique. Nous n’avons pas de traces écrites ou orales, ni d’images d’un tel événement qui se soit produit depuis lors ou avant cette date.

Au temps de Photoshop et des Fake News, la réserve et le doute sont de mise. Et pourtant, sur les clichés de la foudre, nous disposons d’informations précises. Les noms de leurs auteurs sont connus. Il y a d’abord Alessandro Di Meo, photographe de presse de l’agence nationale de presse italienne ANSA. L’image le rendit célèbre et il fut à plusieurs reprises interrogé à son sujet. Il a donné des détails techniques sur le cliché. Sa prise de vue se trouve confirmée par un caméraman de la BBC, présent lui aussi, mais qui, contrairement à Di Meo, s’était placé de l’autre côté de la colonnade du Bernin. Ses films constituent le second document qui atteste l’impact de la foudre.

Une confirmation indirecte a été donnée par Stefano Dietrich. Originaire d’une famille allemande de Rome, il dirige le service européen LINET (Lightning Detection Network, réseau d’information sur les orages) auprès de l’Istituto di scienze dell’atmosfera e del clima (ISAC) du CNR, le Conseil National de la Recherche italien. Dietrich a confirmé qu’à 17h54 deux éclairs ont été enregistrés en l’espace de 75 millièmes de seconde et sont tombés à trois kilomètres l’un de l’autre. On pense qu’il s’agit des deux bras d’un seul et même éclair dont l’un a frappé la coupole de Saint-Pierre. Voici ce que Dietrich a littéralement déclaré, dans une interview par la rédaction scientifique du Corriere della Sera, le 13 février 2013 :

« J’exclus catégoriquement qu’il puisse s’agir seulement d’un effet de perspective ».

On doit remonter jusqu’en 1870 pour trouver un événement tant soit peu comparable. A l’époque, vers la fin du premier Concile du Vatican, un violent orage s’abattit sur Rome. Un coup de tonnerre qui suivait un éclair tombé non loin du Vatican, fit vibrer les fenêtres de la coupole, mais sans toutefois qu’aucune se brisât. La foudre n’avait frappé ni la Basilique ni le Vatican. Pourtant, cela parut suffisamment extraordinaire pour être rapporté par les médias et, plus tard, associé à l’agression du Vatican par l’Etat Italien.

A ce qui s’est produit le 11 février sont rattachés immédiatement plusieurs superlatifs, des choses sans exemple jusqu’ici, qui font ressortir le sens historique de l’événement. Dans les cercles les plus hauts de l’Eglise, on n’en garde pas moins un silence étrange. On pourrait simplement parler du phénomène naturel, et beaucoup le feraient en temps normal. Mais quelle que soit l’interprétation retenue, elle serait délicate du point de vue de la politique ecclésiale. Elle pourrait être comprise comme le choix du parti de l’un ou de l’autre pape. Et cela, précisément, est un tabou.

Johann Wolfgang von Goethe : « On n’en croit pas ses yeux… tellement c’est extraordinaire et merveilleux »

Cet enregistrement de 1930 montre la grande croix sur la lanterne de la coupole de Saint-Pierre. L’image provient d’un enregistrement historique de l’Istituto Nazionale Luce de juin 1930, quand des flambeaux et des lanternes décoraient et éclairaient la croix, la lanterne, la coupole et la façade de la basilique Saint Pierre, et aussi la colonnade du Bernin. Le document montre les acrobaties auxquelles se livrent les Sampietrini – qui assurent l’entretien du bâtiment –, pour installer l’éclairage.

Les archives de l’Institut ne donnent pas d’autres précisions. Les images montrent les festivités pour la fête de saint Pierre, Prince des Apôtres, le 29 juin 1930. A l’occasion de cette fête, chaque année, la coupole était éclairée de cette manière spectaculaire. La dernière illumination manuelle eut lieu le 29 juin 1938.

La palpitation des flammes faisait scintiller la coupole dans la nuit et créait quelque chose d’unique en son genre. Depuis 1938, on ne maintient plus cette belle et antique tradition, qui n’est plus conservée que sur le film de l’Istituto Luce et sur quelques photos éparses qui ont été conservées.

Johann Wolfgang von Goethe fut, durant son premier séjour à Rome en 1780, le témoin étonné de l’illumination qu’il décrit comme un spectacle digne de l’univers des contes fantastiques. Même celui qui peut la regarder bouche bée n’en croit pas ses yeux, dit-il. Le prince des poètes voyait les formes des colonnades, de l’église et de la coupole, dont il avait célébré la beauté, rayonner comme en un vitrail flamboyant. Il a fallu à peu près une heure, dit Goethe, pour que fussent allumés tous les flambeaux et toutes les lanternes. Alors, la maison de Dieu, construite sur la tombe du prince des apôtres, apparut toute pénétrée de lumière. Un événement que Goethe décrit comme « extraordinaire et merveilleux » quelque chose, dit-il, « qui, en réalité, ne pourrait pas exister ». Le ciel était sans nuages et lors de la « seconde illumination » il n’y eut même pas un clair de lune pour atténuer le spectacle.

On peut voir ICI le film entier de presque 10 minutes, un document historique unique :

L’illumination de la coupole de Saint-Pierre le 29 juin 1780, quand Goethe y assista, exerça sur lui une profonde fascination. L’« illumination » de la coupole le 11 février 2013, dont le monde entier a pu voir les images, émut, quant à elle, des multitudes jusqu’au fond de l’âme.

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