Il a été un « conciliaire » heureux (« j’étais mieux quand j’étais moins bien », dit-il), mais après un parcours marqué de doutes et d’interrogations, un évènement déclencheur, la tristement fameuse exhortation apostolique d’avril 2016 a été son Chemin de Damas – un Chemin de Damas qui, au moins en terme de carrière et d’amitiés, lui a coûté très cher. Il m’a semblé intéressant (même si je n’en partage pas tout, en particulier la sévérité envers Benoît XVI, auquel l’auteur voue pourtant une grande tendresse) de traduire ce long entretien avec Radio Spapa (Radio épée… tout un programme: un site italien « radical », partagé entre sédévacantisme et traditionalisme classique) à propos de son article « Rome sans Pape« , qui, dépassant largement son propre parcours, décrit bien le monde de la Tradition dans sa variété, et ses relations complexes avec l’Eglise Conciliaire… et la papauté.

Dialogue avec Radio Spada sur « Rome sans Pape« 

Radio Spada : Ce qui motive principalement ce dialogue, c’est votre récent discours « Rome sans le Pape ». Deux aspects ont immédiatement retenu notre attention: 1. La « perspective théologique déviante » se référant à Bergoglio ; 2. l’identification dans le temps après Pie XII d’un changement significatif dans la vie ecclésiale. Ces deux thèmes conduisent à l’argument de Vatican II qui, comme vous le savez, est perçu par nous en termes négatifs non pas tant à cause d’une possible herméneutique erronée, mais parce qu’il est intrinsèquement porteur de doctrines problématiques. Si vous deviez résumer en quelques lignes votre position sur cet événement historico-ecclésial et ses conséquences, que nous diriez-vous ?

Aldo Maria Valli – J’ai nourri de l’admiration pour de nombreux acteurs de la saison conciliaire et la Providence m’a permis de connaître personnellement certains d’entre eux. J’ai toujours apprécié leur passion et leur amour pour l’Église. Ayant grandi dans l’Eglise post-conciliaire (dans mon cas, celle ambrosienne), pendant longtemps je n’ai même pas soupçonné que le Concile pouvait porter en lui les germes d’une involution théologique et pastorale et, pire encore, d’une déviation de la Tradition et du Dépôt de la foi. Au cours des années où j’ai suivi les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI en tant que vaticaniste, j’ai fait mienne la vision de ce qu’on appelle l’herméneutique de la continuité. Mes premières perplexités remontent au milieu des années 90 du siècle dernier, lorsque, pour des raisons professionnelles, j’ai déménagé de Milan à Rome. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est précisément à Rome que j’ai ressenti les symptômes d’une dégradation, avant tout liturgique, qui m’a amené à me poser quelques questions. Puis en l’an 2000, lors du grand jubilé, j’ai eu pour la première fois l’occasion d’observer et de connaître les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, lors de leur pèlerinage, et j’en ai été édifié. Depuis lors, ma position à l’égard du Concile est devenue de plus en plus critique jusqu’à ce que, avec le pontificat de François, j’en voie toutes les contradictions internes. En résumé, je crois que l’incohérence fondamentale, en ce qui concerne la Tradition, se trouve déjà dans le discours d’ouverture de Jean XXIII, Gaudet Mater Ecclesia. Au moment même où il affirme que la tâche du Concile est de défendre et de diffuser une doctrine certaine et immuable, le Pape dit : « Pour l’instant, l’Épouse du Christ préfère utiliser le remède de la miséricorde plutôt que de prendre les armes de la rigueur ». Le vulnus est là. D’un point de vue chrétien, il n’est pas logique d’opposer la miséricorde et la rigueur l’une à l’autre. Au contraire, la rigueur dans la défense et la diffusion de la doctrine juste est la plus haute forme de miséricorde, car elle vise au salut des âmes. Par cette faille, ouverte depuis le début du Concile, le relativisme s’est glissé dans l’Église, les abus et les trahisons y ont pénétré. En un mot, le monde a pénétré et l’homme a été mis à la place de Dieu. Certes, l’œuvre de subversion avait déjà commencé bien avant, mais le Concile a agi comme un détonateur, également en raison d’un optimisme injustifié envers la modernité.

RS – Au fil des ans, vos positions sur ces questions se sont progressivement rapprochées de ce qui – en termes journalistiques – peut être défini (et simplifié) comme « traditionalisme ». Deux questions : y a-t-il eu un événement déclencheur qui a déterminé cette réflexion de votre part ? Comment ces positions ont-elles été reçues dans les environnements (professionnel et humain en général) dans lesquels vous vous trouvez ?

Conversion de saint Paul

AMV – L’événement déclencheur a été la publication d’Amoris laetitia, en 2016. Si les doutes étaient présents depuis le début du nouveau siècle, et s’étaient progressivement accrus depuis 2013, avec l’élection de François, l’exhortation apostolique « sur l’amour dans la famille » m’a définitivement ouvert les yeux. J’ai dû prendre note du fait que l’ambiguïté et le relativisme, à ce jour, n’étaient pas seulement entrés dans l’Église, mais avaient pris forme de magistère. Je dois dire qu’au début, en ce qui concerne Amoris laetitia, j’étais tellement incrédule que j’ai nié l’évidence. Je l’ai donc relu plusieurs fois et j’ai dû finalement prendre acte, avec douleur, de la réalité. Le document est imprégné de l’idée qu’il existe un devoir de Dieu de pardonner et un droit de l’homme à être pardonné, sans qu’il soit nécessaire de se convertir. La loi divine éternelle est pliée à la prétendue autonomie de l’homme. Le concept de discernement est instrumentalisé afin d’exonérer du péché. Je dirais qu’Amoris letitia a certifié la révolution qui avait eu lieu : non pas un changement de paradigme (une expression fumeuse utilisée pour justifier la subversion) mais le triomphe de la vision moderniste, tant dans le contenu que dans la méthode. Ma prise de conscience a eu de lourdes répercussions sur le plan personnel, mais aussi professionnel. Ayant ouvertement proclamé mes dubia, encore avant les quatre cardinaux (je considère en effet que c’est non seulement le droit, mais le devoir du baptisé de défendre le Depositum fidei en dénonçant les déviations, car le destin éternel des âmes est en jeu), de nombreux amis de longue date ont disparu et j’ai senti le gel autour de moi. En 2016, j’étais vaticaniste de TG1 et j’ai réalisé que je ne pouvais plus jouer deux rôles dans la pièce, d’une part reporter aseptisé à la télévision et d’autre part commentateur critique, et aussi très piquant, dans mon blog Duc in altum. Je me sentais mal à l’aise et j’ai compris que je mettais aussi mal à l’aise mes supérieurs au journal télévisé. Nous sommes parvenus à une première solution de compromis en nous débarrassant d’un grand nombre de vacances en retard, puis j’ai quitté Tg1 et accepté une offre d’emploi à TgS, la chaîne sportive de la RAI. J’y ai travaillé pendant quelques mois, mais mon cœur et mon esprit étaient ailleurs. Finalement, j’ai découvert que j’avais les annuités nécessaires pour pouvoir prendre ma retraite et j’ai commencé une nouvelle vie, en tant que blogueur, père et grand-père à plein temps (il y a six enfants, quatre petits-enfants). Je sais que ma « conversion » (je l’appelle ainsi parce que je l’ai vécue comme telle) a provoqué un grand désarroi, même dans ma propre famille. Les attaques et les insultes des inévitables fauteurs de troubles n’ont pas manqué. J’ai perdu toutes les collaborations que j’avais avec certains magazines et maisons d’édition. Je sens cependant qu’avec l’aide de l’Esprit Saint, j’ai suivi la primauté de la conscience et je me sens profondément en paix. De plus, si d’un côté certaines amitiés ont disparu, d’un autre, j’ai rencontré de nombreux nouveaux amis avec lesquels une très belle relation s’est développée. Par rapport au monde traditionaliste, je me considère comme un outsider. J’essaie simplement, avec toutes mes limites, d’être un catholique digne de ce nom au milieu d’un monde devenu fou, dans lequel, même dans l’Église, la pensée dominante prétend définir comme bon ce qui est objectivement mauvais et vice versa.

RS – En tant que vaticaniste et journaliste expérimenté, vous avez eu l’occasion d’être souvent en contact avec des ecclésiastiques et des institutions de haut niveau d’Oltretevere. Nous vous demandons ici une impression : dans quelle mesure pensez-vous qu’il y a, ou que se développe, parmi ces personnes et dans ces milieux, la conscience que (au-delà de Bergoglio) nous sommes confrontés à une crise à partir de Vatican II?

AMV – Il est difficile de brosser un tableau d’ensemble, car les positions sont très différenciées. Il y a les idéologues, les modernistes qui ont dogmatisé le Concile et qui s’en prennent à tous ceux qui tentent de mettre en lumière ses apories. Il y a les opportunistes, qui se conforment à la vision moderniste non par conviction mais pour les avantages qu’elle apporte. Il y a les silencieux, qui, même s’ils sont conscients des problèmes, préfèrent garder le silence, prétendant que la seule chose à faire est de prier, en attendant que la tempête se termine. Il y a ceux qui ont peu à peu ouvert les yeux mais ne savent pas comment agir. En général, j’ai remarqué qu’il y a un problème psychologique répandu parmi ceux qui, comme moi, ont grandi dans l’Église post-conciliaire. Parmi les personnes consacrées et les laïcs, il est difficile pour beaucoup de déchirer le voile, car cela reviendrait à admettre que toute leur vie a été consacrée à une église déviante. Je les comprends. Je peux moi-même dire que « j’étais mieux quand j’étais moins bien ». Quand j’étais encore inconscient, je n’ai pas ressenti l’amertume et le découragement qui s’emparent souvent de moi aujourd’hui, pour les abus liturgiques, les aberrations doctrinales, les concessions au monde, les trahisons de la foi. Mais la Vérité est source de division. Jésus le dit clairement : « Je ne suis pas venu pour mettre la paix, mais une épée ». Une Église qui est toute paix et amour, tout sucre, est une construction mentale et culturelle qui n’a pas d’équivalent dans les Écritures ou dans l’histoire de la civilisation chrétienne.

RS – Venons-en au thème de la papauté, qui est la pierre angulaire de votre récent discours. Au cours des dernières décennies, à la crise de l’autorité romaine, on a opposé un certain nombre de solutions qui ramènent nécessairement au thème fondamental de l’infaillibilité. On peut généralement dire que les deux principales tendances pour résoudre le problème sont celles qui ont indiqué l’explication de la crise elle-même dans l’empêchement à l’utilisation [de l’infaillibilité] (la Fraternité Saint-Pie X et le monde « lefebvriste » en général) ou dans l’empêchement à la possession de l’infaillibilité (« sédévacantisme » dans ses diverses composantes). Essayons de simplifier pour nos lecteurs : la première tendance conduit à accepter comme papes les différents Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul 1er, Jean-Paul II, Benoît XVI, François qui pourtant – sans vouloir réellement enseigner et gouverner de manière contraignante – sont dans l’erreur. Et c’est précisément en fonction du caractère ouvertement libéral des principes professés que tomberait une des conditions d’infaillibilité, à savoir la possibilité d’émettre un acte qui cherche à définir quelque chose. La deuxième tendance résout au contraire le problème de l’autorité en niant que les différents « papes » du Concile sont en fait des papes. À Radio Spada, les deux parties sont représentées sur ces questions litigieuses. Une question qui s’est posée à nous en lisant votre discours est la suivante: aviez-vous l’intention de prendre position, en adhérant à l’une des hypothèses illustrées, ou aviez-vous surtout l’intention d’exposer en termes généraux le grand problème de la crise de l’autorité, crise qui est devenue très évidente sous Bergoglio ?

AMV – Je vais essayer de m’exprimer aussi clairement que possible. Je suis étranger à toute tentation sédévacantiste et je crois que François est le pape. Les doutes avancés sur les prétendues contraintes qui ont conduit au renoncement de Benoît XVI, ainsi que ceux sur la correction de l’élection de François, n’ont conduit à aucune preuve: il y a des soupçons, mais pas de preuve. En ce qui concerne le choix fait par Joseph Ratzinger, je crois que ce fut une fuite [non!! ndt]. Bien sûr, le Vatican était sous le tir de barrage du système financier international, il y a eu des turbulences et des controverses, il y a eu le premier scandale des Vatileaks, le pape s’est senti plus faible, tout cela est vrai : mais aucun de ces problèmes ne justifie un choix comme la démission. De plus, bien que j’aime beaucoup Ratzinger, je crois que le choix de se proclamer pape émérite, de continuer à porter du blanc et de vivre au Vatican a provoqué la confusion et alimenté les divisions, les suspicions et les doutes. En ce qui concerne François, je crois qu’il n’agit pas en tant que pape, même s’il l’est. Et les raisons de mon évaluation sont d’ordre théologique. François ne nous présente pas le Dieu de la Bible, mais un dieu adultéré, un dieu adapté aux prétentions humaines, un dieu qui ne pardonne pas mais exonère. Comme je l’ai écrit dans mon article, ce dieu engagé plus que tout à exonérer l’homme, ce dieu en quête de circonstances atténuantes, ce dieu qui s’abstient de commander et préfère comprendre, ce dieu qui « est proche de nous comme une mère qui chante une berceuse », ce dieu qui n’est pas juge mais « proximité », ce dieu qui parle de la « fragilité » humaine et non du péché, ce dieu plié à la logique de « l’accompagnement pastoral » est une caricature du Dieu de la Bible. Car Dieu, le Dieu de la Bible, est certes patient, mais pas laxiste ; il est certes aimant, mais pas permissif ; il est certes attentionné, mais pas accommodant. En un mot, il est père dans le sens le plus complet et le plus authentique du terme. La perspective adoptée par Bergoglio semble au contraire être celle du monde : qui souvent ne rejette pas totalement l’idée de Dieu, mais rejette les traits qui sont moins en accord avec la permissivité régnante. Le monde ne veut pas d’un vrai père, aimant dans la mesure où il juge aussi, mais d’un copain; mieux encore, d’un compagnon de voyage qui laisse faire et dit « qui suis-je pour juger? » Et François présente au monde précisément ce dieu qui n’est pas un père, mais un compagnon de voyage. C’est pourquoi je maintiens que François ne fait pas le pape: parce qu’il ne confirme pas ses frères dans la foi. La preuve en est qu’il reçoit les applaudissements des lointains, qui se sentent confirmés dans leur éloignement, alors qu’avec ses ambiguïtés et ses déviations il déconcerte les voisins. La question est maintenant de savoir si le fait de ne pas faire le pape implique également de ne pas être pape. À mon avis, non. François est le pape, et pourtant il est dans l’erreur. Certains disent: impossible, car il a l’assistance du Saint-Esprit. Mais l’assistance du Saint-Esprit doit être acceptée. Si elle est refusée, les erreurs et les péchés peuvent se propager (car le Seigneur ne viole jamais notre libre arbitre en nous forçant à accomplir des actes contraires à notre volonté. Dans le paradoxe de la Miséricorde infinie de Dieu, il nous laisse libres de lui désobéir, de nous damner, de refuser la béatitude éternelle; il nous envoie ces grâces surnaturelles que nous pouvons néanmoins refuser. S’il n’en était pas ainsi, l’homme n’aurait aucun mérite à choisir Dieu et sa loi et à renoncer à Satan et à ses séductions).

RS – Mis à part une brève mention de l’hypothèse de la démission, un grand absent dans votre « Rome sans pape » est Joseph Ratzinger. Notre position sur l’œuvre du théologien bavarois – évidemment sans jugement sur ses intentions – est négative. Avec des rôles différents, dans le Concile, dans l’après-Concile, dans son règne et dans l’après-règne, il nous semble que – avec l’alternance des phases, typique du processus révolutionnaire – le Ratzingerisme a représenté un vulnus d’où – en termes d’extension temporelle et de profondeur – ont jailli des dommages comparables, sinon plus importants, à ceux du Bergoglisme, peut-être moins explicites mais absolument pas négligeables. Même maintenant, il nous semble que le rôle, que nous espérons involontaire, du tandem bi-papal est de produire un équilibre prodigieux grâce auquel la marche lente de la révolution est associée à une marche plus rapide. Nous savons que nous avons des positions claires et non majoritaires sur cette question. Qu’en pensez-vous, vous qui avez également eu l’occasion de connaître Benoît XVI de près ?

AMV – Je répète : j’aime Benoît XVI. Pour l’avoir rencontré en personne, j’ai apprécié sa courtoisie exquise, sa bonté de cœur, l’attention réelle portée aux autres, la fraîcheur de l’enfant accompagnée de gravité, de dignité et de sérieux. Je garde de lui une lettre très aimable dans laquelle il me remercie pour le livre Il pontificato interrotto, que j’ai consacré à son magistère, et exprime son appréciation pour mon travail. Je crois que nous tous, et pas seulement les croyants, devons lui être reconnaissants d’avoir remis au centre de la réflexion la question de la Vérité. Il est évident qu’un tel pape n’aurait pas pu gagner l’estime du monde, et en fait il a été attaqué de mille façons. À propos de sa renonciation, je crois avoir déjà répondu précédemment. J’ai essayé de toutes mes forces de le comprendre et de le justifier, mais je n’y parviens pas. En outre, il a introduit la figure ambiguë du pape émérite, qui ne tient pas debout ni d’un point de vue canonique ni d’un point de vue théologique.

RS – Aujourd’hui, nous pensons que le vrai défi catholique consiste à dire aux fidèles qu’un autre catholicisme (le vrai) a existé et que le jeu fondamental se joue sur ce fait, celui du salut de l’âme. Comme dans les phases aiguës de toute crise, les opportunités sont nombreuses et beaucoup commencent à se poser des questions. Pour notre part, l’ouragan Bergoglio a eu le « mérite » d’apporter de la clarté, de montrer plus explicitement où mène la « marche rapide » de la révolution. En d’autres termes, si jusqu’à Bergoglio la révolution ecclésiale avait fait rage contre les trois premiers commandements (ceux qui concernent Dieu) avec l’œcuménisme indifférentiste, le libéralisme religieux et la dévastation liturgique, voilà qu’avec Bergoglio l’avancement naturel du processus a déterminé l’implication des sept autres (ceux qui concernent le prochain), en particulier les sixième et neuvième, et dans votre discours vous avez à juste titre fait référence à Amoris laetitia. La prise de conscience des fidèles, à notre avis, a davantage mûri avec Bergoglio car les trois premiers commandements, selon la sensibilité commune, concernent des « affaires de prêtres » (célébration des messes, rites syncrétiques, etc.) tandis que les sept autres concernent la vie quotidienne, y compris la vie familiale, et sont en somme le « pain quotidien ». Si auparavant nous vous interrogions sur les hauts ecclésiastiques, maintenant, avec cette prémisse, nous vous interrogeons sur les simples fidèles. Autrement dit, vous avez un observatoire qui est certainement efficace pour vérifier ce que les lecteurs ressentent, quelle est votre perception de ces situations et de ces questions ? Y a-t-il une prise de conscience effective ou y a-t-il le risque que beaucoup aient un anti-bergoglisme sentimental, donc éphémère, fondé sur le ressentiment envers un homme et non sur la fidélité à la doctrine ? Les questions – bien que tout soit entre les mains de la Providence – concernent aussi potentiellement l’après-Bergoglio, car la crise ne se terminera pas nécessairement avec lui.

AMV – De mon observatoire (d’une part le blog, d’autre part la vie des simples fidèles), je vois s’accroître la perplexité et la souffrance. Même si les fauteurs de troubles ne manquent pas, avec leur nature agressive, je vois et je rencontre surtout beaucoup de bons catholiques qui aiment le pape et prient pour lui, mais qui pour cette raison même souffrent lorsqu’il ne les confirme pas dans la foi mais se réduit à agir comme un aumônier des Nations unies, épouse le politiquement correct, est ambigu en matière de doctrine et de morale, et donne l’impression de se mouvoir et de raisonner plus comme un politicien que comme un pasteur. Une grande partie du troupeau se sent sans guide. Tout le monde n’a pas une préparation théologique, mais le sensus fidei permet à beaucoup de voir ce qui ne va pas. Le culte idolâtre rendu à la pachamama a produit un véritable ébahissement. Un sentiment de trouble s’est répandu lorsque Bergoglio s’est incliné pour embrasser les pieds des dirigeants du Sud-Soudan. La signature de la déclaration d’Abou Dhabi a également suscité la perplexité. Sans parler de l’ouverture aux prétendus droits des LGBT. Nous ne sommes donc pas dans le domaine de l’anti-bergoglisme. Nous sommes dans le domaine de l’amour sincère pour le pape. Et il y a de fortes inquiétudes pour l’avenir, car, étant donné la composition du Collège Sacré, il est difficile de voir comment un vrai pasteur va émerger du prochain conclave.

RS – En passant en revue les questions de ce dialogue, on se rend compte de l’immensité et de la complexité de ces thèmes, au point que chacun d’entre eux pourrait devenir un article distinct ou même un chapitre de livre. Merci beaucoup pour cet échange.

Share This