Un très curieux petit livre au titre aussi mystérieux qu’intrigant «Deus non irridetur [*] – Luther Blisset, l’agente Q e il coronavirus», présenté par Roberto de Mattei. Quiconque essaie de s’informer hors du mainstream a forcément été déjà effleuré par le soupçon (horriblement complotiste, j’avoue!) que les « fake », ou du moins une partie, ne sont pas forcément issus de d’esprits simples pilotés par l’extrême-droite mais sont au contraire fabriqués dans des officines spécialisées dans la guerre de l’information dans le but de discréditer ceux qui ensuite les relaient (d’où la nécessité d’être très vigilants). Ici, c’est un collectif anonyme d’inspiration marxisante né à Bologne dans les années 90 sous le nom de Luther Bisset, auto-dissous depuis, mais recomposé sous un autre nom, qui s’est fait une spécialité de la diffusion de canulars, dans l’intention d’inspiration diabolique de susciter le chaos. Cette fois, il a décidé d’exploiter la pandémie pour lancer une méga « fake new », celle selon laquelle le virus n’existe pas. Mais tout ne se passe pas comme prévu…

[*] On ne se moque pas de Dieu

Luther Bisset (note wikipedia)

Luther Blissett est un pseudonyme adopté informellement et partagé par des centaines d’artistes et d’activistes en Europe et en Amérique du Sud depuis l’été 1994. Le collectif lança un plan quinquennal visant à démontrer « l’imposture médiatique » par une série de canulars.
Ce nom a été emprunté à un footballeur anglais des années 1980 d’origine jamaïcaine….

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Le collectif italien Luther Blissett a été créé en 1994 par un groupe de jeunes Bolonais issus des milieux post-opéraïstes. Influencé par les grands courants de la pensée critique de l’époque, le projet Luther Blissett a rapidement connu un grand retentissement dans le milieu de l’underground. À sa dissolution en 2000, on comptait en effet une cinquantaine de groupes de plusieurs villes européennes, revendiquant leur appartenance à ce projet. Certains des auteurs italiens derrière Luther Blissett ont continué à partir de 2000 leurs activités littéraires sous le pseudonyme collectif Wu Ming et ont publié depuis de nombreux essais et romans.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Luther_Blissett

Le « plan » de lutte contre la pandémie révélé dans un livre insolite

L’auteur signe Anonimus et de fait il reste tel, mais le contexte qu’il raconte, tout en traversant différentes époques et évènements catastrophiques, a un nom bien précis: révolution.

Deus non irridetur – Luther Blisset, L’agent Q et le coronavirus , est un titre vraiment insolite qui ne ménage pas les surprises. Ce n’est pas par hasard que le professeur Roberto de Mattei précise en préambule: « Je publie ce texte après quelques hésitations », espérant « que la lecture de ce document sera utile à la réflexion ». Et c’est sans aucun doute le cas.

L’épais voile de mystère qui entoure encore l’année de la pandémie, est en effet en partie déchiré par ces pages, peu nombreuses mais intenses. Le mystérieux auteur raconte ainsi un grand complot international: « Tout a commencé à Bologne en 1992. Un groupe de cinq camarades a créé le collectif Luther Blisset, un personnage imaginaire », écrit-il. N’importe qui pouvait devenir Luther Blisset, « simplement en déclarant faire partie du projet et en signant du nom collectif », un nom qui correspondait, en réalité, à « une méthode, une pratique. Notre ennemi était et reste la Vérité, celle absolue », lui préférant la multiplicité des « points de vue » dans un monde où « tout est contingent, historique, culturel, toujours susceptible d’être révisé ». Il précise mieux, un peu plus loin:  » Nous disons que le réel n’existe pas, car, s’il existait, il donnerait droit d’existence à la vérité et la vérité est le fondement de la souveraineté, contre laquelle nous nous rebellons ». Ce n’est pas un hasard si l’arme utilisée, entre 1995 et 1999, était celle des fake, qui « sont le non-sens ». Du reste, précise l’auteur sur un ton sibyllin et inquiétant, « je suis Anonimus, je suis Luther Blisset, mais mon vrai nom importe peu, car nous sommes légion ».

En 1999, le « saut qualitatif » a lieu avec la publication du roman « Q » (traduit en français sous le titre L’Œil de Carafa , ndt), que l’auteur anonyme du livre considère comme « notre chef-d’œuvre », y ayant participé avec ses complices: « Ce livre a été une entreprise collective, le résultat de recherches effectuées à l’Institut des sciences religieuses de Bologne, celui de Dossetti et Alberigo (la fameuse « Ecole de Bologne », ndt). En écrivant un roman historique, nous voulions réécrire notre histoire, définir qui nous étions, recueillir l’héritage que nous avions derrière nous », déclarant immédiatement et ouvertement la stratégie à suivre: « La lutte sur le terrain de l’histoire est indispensable pour subvertir le monde ». Le protagoniste de l’œuvre est un hérétique qui a survécu aux « guerres de religion du XVIe siècle » et qui a utilisé non pas les fourches et les faux, mais la presse, pour donner vie aux « innombrables révoltes qui auraient dû faire exploser l’Église de l’intérieur ». Le roman s’arrête en 1555, année de l’élection au trône pontifical de Paul IV, auquel succède un autre champion de la contre-révolution, Saint Pie V, qui, ce n’est pas un hasard, réussit à réprimer les dissidents.

Ayant décidé en décembre 1999 d’un « suicide symbolique » pour Blisset, les adhérents se sont réunis un mois plus tard sous un autre nom collectif, celui de Wu Ming, pour aboutir à « Q », le pseudonyme apparu sur la toile en 2017, choisi par un soi-disant fonctionnaire des services secrets muni, justement, de « l’autorisation Q », celle qui permettrait d’accéder à des informations top secrètes relevant de la sécurité nationale, divulguées pour avertir l’humanité de la véritable situation mondiale. De là dériverait le dénommé QAnon, qui compterait déjà de nombreux adeptes, et les autres protagonistes de ce qui est, en réalité, les « canulars » révolutionnaires survenus ces dernières années. Dont celui, actuel, de la pandémie, occasion offerte aux « apôtres de la vérité, les fondamentalistes », de parler de « mort, jugement, châtiment, levant au ciel les yeux des damnés de la terre ». Il fallait les arrêter, en disqualifiant leur fiabilité: « Nous avons immédiatement compris que le virus aurait vu se développer des récits toxiques, servant à faire passer des solutions autoritaires », écrit-il. C’est pourquoi « nous avons décidé de construire un macro-mensonge dans lequel ils se reconnaissaient et qui puisse être démasqué plus facilement que leurs mensonges individuels ». Lequel?

« Il fallait un ‘Plan’, une immense conspiration, une théorie complotiste, comme celles dont se bercent nos ennemis ». Ce n’était pas une tâche difficile à accomplir: « Certains d’entre eux ne se sont pas contentés de le prendre pour argent comptant, mais se sont convaincus qu’ils étaient dedans depuis un certain temps », générant « psychonévrose et anxiété collective ». Le mot d’ordre que nous avons décidé de faire circuler était que le virus n’existait pas », il se serait agi d’une énorme « fiction instrumentalisée par le biopouvoir pour contrôler la population ». Pour cette raison, « les sentiments de frustration et de ressentiment qui montaient rendirent cette fable vraisemblable », entre vaccinations de masse et théories des puces sous-cutanées.

Mais, alors que tout semble s’accomplir, voici le énième rebondissement, révélé par l’auteur inconnu : « J’ai de sinistres présages. Mes nuits ne sont pas paisibles. Ce sont les démons que nous avons invoqués et que nous ne pouvons plus contrôler, les démons du chaos et de la révolution, qui sont désormais hors de notre contrôle. Pour exorciser ces démons, je dois dévoiler le Plan, même si je sais que ce dévoilement est un suicide. Mais ce n’est que dans la mort que la Révolution s’accomplit« .

Dans l’épilogue, le professeur Roberto de Mattei donne des clés de lecture de l’écrit déconcertant: « Jésus-Christ est le seul Chemin, étroit mais sûr, qui mène à la Vie, alors que de nombreux sentiers et raccourcis ouvrent sur l’horrible précipice de la mort – affirme-t-il – Il y a beaucoup de chemins d’erreur, mais un seul est la Vérité. Dieu est la Vérité absolue, immuable, éternelle, la cause suprême de toutes les autres vérités ». La conclusion, la clé de voûte a été alors fixée en quatrième de couverture : « Quand tout est faux et que plus rien n’est vrai, arrive le moment de la Vérité ». Ce serait donc maintenant, le moment?

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