non, pas à l’islam, comme des journalistes à la recherche de détails inédits et de préférence politiquement corrects sur le grand Corse dont on célébrait (*) hier le bicentenaire de la naissance ont cru bon de le « révéler » (j’ai juste vu les titres, je n’ai pas eu le courage d’aller plus loin), mais au catholicisme. J’avais publié il y a quelques années un article à ce sujet, c’est peut-être le bon moment pour le relire… maintenant que les flonflons se sont tus – car, info en continu oblige, un sujet chasse l’autre avec une célérité toujours plus grande! Pour ceux qui auraient la flemme de cliquer sur le lien, voici une réflexion du cardinal Biffi, en guise de préface à un ouvrage paru à l’époque en Italie, sous le titre Napoleone Bonaparte, conversazione sul cristianismo

(*) En France, nous n’avons pas « célébré » Napoléon, cancel culture oblige, mais un tout petit président s’est auto-célébré en se mirant complaisamment dans le miroir d’un des plus grandes figures de notre Histoire, à laquelle il n’arrive pas à la cheville. Et les journalistes ont fait assaut de courtisanerie et de flagornerie pour réécrire l’Histoire à travers le prisme qu’il leur désignait.

Napoléon vaincu aussi par Dieu,

par Giacomo Biffi
Ce texte a été publié dans L’Avvenire du 29/10/2013

Matérialiste et pilleur d’églises et de couvents, mécréant et infidèle, anticlérical et séquestreur du pape: c’est l’opinion que beaucoup ont de Napoléon Bonaparte, une opinion aussi répandue qu’aveuglément acceptée . Si nous allons aux sources, et en particulier à ces conversations, nous découvrons quelque chose d’étonnant. Napoléon s’écrie avec fierté: «Je suis catholique, et je crois ce que croit l’Eglise».
Pendant les années d’isolement à Sainte-Hélène, Napoléon s’entretenait souvent avec quelques généraux, ses compatriotes en exil, pour parler de la foi. Il s’agit de discours improvisés qui – comme l’a révélé un de ses généraux en qui il avait le plus de confiance, le comte de Montholon – ont été fidèlement transcrits et ensuite publiées par Antoine de Beauterne en 1840. De l’authenticité et de la fidélité de la transcription, on peut être certain, car, quand de Beauterne publie ces conversations pour la première fois, beaucoup des témoins et protagonistes de ces années d’exil sont encore en vie.

Napoléon admet avec une honnêteté candide que quand il était sur le trône, il avait eu trop de respect humain et une prudence excessive pour «crier sa foi». Mais il dit aussi que «si quelqu’un, alors, me l’avait demandé explicitement, j’aurais répondu: ‘oui, je suis chrétien’. Et si j’avais dû témoigner ma foi au prix de ma vie, j’aurais trouvé le courage de le faire».

Surtout, à travers ces conversations, nous apprenons que pour Napoléon, la foi et la religion étaient l’adhésion convaincue, non pas à une théorie ou à une idéologie, mais à une personne vivante, Jésus-Christ, qui a confié l’efficacité éternelle de sa mission de salut à «un signe étrange» , sa mort sur la croix. Nous ne sommes donc pas surpris si Alessandro Manzoni dans son ode Cinque Maggio donne la preuve qu’il connaît sa physionomie spirituelle quand il écrit:

«Bella Immortal!
Benefica fede ai trïonfi avvezza!
Scrivi ancor questo, allegrati;
che più superba altezza
al disonor del Golgota
giammai non si chinò
» (1)

L’empereur s’arrête longuement avec le général Bertrand, ouvertement athée et hostile aux manifestations de la foi de son supérieur, qui nous donne une preuve inédite de l’existence de Dieu, fondée sur la notion de génie , une longue conversation sur la divinité de Jésus-Christ. Dignes de notre admiration sont également des considérations sur la dernière Cène de Jésus et des comparaisons entre la doctrine catholique et les doctrines protestantes.

Certaines déclarations Napoléon me trouvent singulièrement en accord. Par exemple, quand il dit: «Entre le christianisme et toute autre religion, il y la distance de l’infini», cueillant ainsi l’altérité substantielle entre l’événement chrétien et les doctrines religieuses. Ou bien la conviction que l’essence du christianisme est l’amour mystique que le Christ nous communique continuellement. «Le plus grand miracle du Christ a été de fonder le royaume de la charité: lui seul a été jusqu’à élever le cœur de l’homme à des hauteurs inimaginable, à l’annulation du temps; lui seul, créant cette immolation, a établi un lien entre le ciel et la terre. Tous ceux qui croient en lui, ressentent cet amour extraordinaire, supérieur, surnaturel; phénomène inexpliqué et impossible à la raison».

A la lumière de ces pages, on ne peut pas ne pas admettre que Napoléon n’est pas seulement un croyant, mais qu’il a médité le contenu de sa foi, mûrissant une intelligence profonde et sapientielle. Cela a donné lieu à son tour à des faits très concrets: il a demandé avec insistance au gouvernement anglais d’obtenir la célébration de la messe du dimanche à Sainte-Hélène;, il a exprimé sa gratitude à sa mère et à de Voisins, évêque de Nantes, parce qu’ils l’ont «aidé à atteindre une pleine adhésion au catholicisme», il a accordé son pardon à toutes les personnes qui l’ont trahi.
Enfin, les conversations réfèrent les croyances de Napoléon sur le sacrement de la confession, et sa relation avec le pape Pie VII, révélant que «quand le pape était en France (…) il était épuisé par les calomnies qui prétendaient que je j’avais maltraité, calomnies qu’il démentit publiquement».
Ces conversations ont non seulement une marque indélébile dans les mémoire des généraux compagnons d’exil, mais ont même contribué à leur conversion.

(* ) Traduction


Belle immortelle !
Bienfaisante foi au triomphe accoutumée !
Ecris encor cela, réjouis-toi ;
car jamais plus orgueilleuse hauteur
vers l’infamie du Golgotha
ne s’inclina.

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