Le blog argentin « The Wanderer » commente les rumeurs que nous évoquions hier (cf. Summorum Pontificum sous attaque) sur le redimensionnement du motu proprio de Benoît XVI. Il échafaude différents hypothèses, toutes crédibles, mais surtout il conclut sur une note d’espoir: celui que cette fois, les fidèles attachés à la messe antique ne se laissent pas faire…

La fin du motu proprio?

29 mai 2021
caminante-wanderer.blogspot.com

La semaine dernière, plusieurs sites catholiques ont rapporté que le pape François avait communiqué aux évêques italiens qu’un document était en préparation, qui limiterait ou réinterpréterait le motu proprio Summorum Pontificum, revenant de fait à la situation antérieure, c’est-à-dire à la nécessité d’une permission épiscopale explicite pour la célébration publique de la Sainte Messe selon le rite traditionnel. Il vaut la peine de tenter une analyse de la question.

1) Ce n’est pas la première fois que ces alarmes sont soulevées. En fait, d’après mes calculs, c’est la troisième. Et il ne s’est jamais rien passé. Cela pourrait également être le cas. Rien de plus qu’une rumeur qui finit par soulever une tempête inutile.

2) Mais ce n’est pas invraisemblable. Les évêques italiens sont ceux qui étaient les plus opposés au motu proprio et qui ont exprimé avec le plus d’insistance leur désir qu’il soit aboli, et il semble probable que François leur ait dit, une fois de plus, ce qu’ils veulent entendre, surtout lorsqu’il tente de les convaincre par tous les moyens d’entamer le « parcours synodal » de l’Église italienne, auquel ils sont très réticents.

Il vaut la peine de répéter ici une anecdote racontée par Omar Bello, ami et biographe de Bergoglio :

  • Il doit être jeté dehors maintenant! – s’est écrié Bergoglio en élevant la voix. Les murs ont tremblé. – Ce type ne doit pas rester ici un jour de plus. Tu comprends ?

Il faisait référence à un employé de la Curie que, dit-on, il tenait à l’oeil.

  • On va le jeter dehors tout de suite. Compris ?

[…]

Une fois licencié, l’employé en question a demandé une audience au cardinal, qui la lui a accordée très vite, sans poser de questions.

  • Mais je ne savais rien, fils. Tu me surprends… », a déclaré le pape actuel lorsque l’homme « licencié » lui a fait part de ses problèmes.
  • Pourquoi as-tu été mis à la porte? Qui était-ce?

L’homme a quitté les bureaux du cardinal sans emploi mais avec une voiture à zéro kilomètre en cadeau, croyant que François était un saint poussé par des circonstances indépendantes de sa volonté, dominé par une bande d’assistants malveillants. L’histoire de ce licenciement est reprise même par les responsables de la sécurité de la Curie de Buenos Aires. (El verdadero rostro de Francisco, Noticias, Buenos Aires, 2013).

Cet événement, qui s’est produit il y a plus de dix ans, est une copie de ce qui s’est passé la semaine dernière avec Enzo Bianchi. Tout le monde se souvient qu’il y a quelques mois, le Vatican a décidé à l’improviste de renvoyer Bianchi du monastère de Bose, qu’il avait lui-même fondé, sans aucune explication ni possibilité de recours. L’affaire a provoqué un scandale qui s’est propagé dans toute l’Italie et il n’est pas crédible que le pape François n’ait pas été au courant de ce qui se passait et ne l’ait pas approuvé. Eh bien, la semaine dernière, nous avons appris qu’Enzo Bianchi, déjà expulsé de sa communauté, a reçu une lettre de Bergoglio dans laquelle il lui dit plus ou moins la même chose qu’à l’employé de la Curie : « Ils t’ont jeté dehors? mais qui a fait cela? Je ne savais rien ». Reste à savoir si Bianchi a reçu une voiture en guise de consolation.

Bergoglio n’a aucun scrupule à déformer les faits ou à manipuler les gens afin d’atteindre ses objectifs. Il ne serait donc pas étrange qu’il jette un os aux évêques italiens pour les contenter et les faire obéir.

3) Le blog de Marco Tossatti a ajouté un élément d’information qui rend la rumeur encore plus plausible. Un troisième projet de réforme et de limitation du motu proprio est à l’étude ; les deux premiers auraient été rejetés par la Congrégation pour la doctrine de la foi – siège de l’ancienne Commission Ecclesia Dei – mais cette fois, le projet serait promu par la toute puissante Secrétairerie d’État. Et rappelons que c’est ce même Secrétariat qui a récemment interdit la célébration de messes privées dans la basilique Saint-Pierre, obligeant tous les prêtres à concélébrer en une seule messe, privant ainsi le temple de sa fonction liturgique et le transformant en musée. Et la signature était celle d’Edgar Peña Parra, le Substitut, un personnage susceptible de subir toutes sortes de pressions. Dans ce contexte, il ne serait pas étrange – et ce n’est qu’une hypothèse – que ce soit lui qui soit derrière cette affaire, mû et poussé par on ne sait quels intérêts.

4) Mettons-nous dans le pire des scénarios : que se passerait-il si le motu proprio était abrogé et que la permission de l’évêque local était à nouveau nécessaire pour la célébration publique de la messe traditionnelle ? Dans la grande majorité des diocèses du monde, rien ne se passerait. En effet, à l’exception des cas de la Grande-Bretagne et des États-Unis, les prêtres qui voulaient célébrer la messe traditionnelle avec les fidèles devaient avoir la permission de l’évêque. Et s’ils le faisaient sans sa permission, ce pour quoi ils étaient habilités par motu proprio, ils étaient immédiatement réprimandés ou punis par leur ordinaire.

Il ne s’agit pas de rejouer le Renard et les Raisins d’Esope [ou de La Fontaine, ndt]. La réinterprétation bergoglienne serait une défaite, car ce qui nous a été accordé par le pape Benoît XVI nous serait retiré par François.

Toutefois, à mon avis, ce ne serait pas une catastrophe, car il y a un élément que nous ne devons pas perdre de vue :

5) Les bons prêtres et les bons fidèles ont perdu leur côté frileux. Jusqu’avant la promulgation du motu proprio, la Messe traditionnelle était considérée comme quelque chose de dangereux, propre aux groupes sectaires et désobéissants et, dans le meilleur des cas, et lorsqu’ils admettaient la supériorité du rite traditionnel, les prêtres soutenaient qu’il fallait obéir, car « celui qui obéit ne se trompe pas », et il faut être humble et bien célébrer le rite de Paul VI. Près de quinze ans de messe traditionnelle à part entière dans l’Église ont permis à beaucoup de réaliser l’ampleur de ce qui nous a été enlevé par Vatican II, l’inanité des arguments progressistes et la malveillance de nombreux évêques qui exigent l’obéissance. Ces prêtres et ces fidèles ne se résigneront pas facilement ; ils se battront pour leurs droits et exigeront des permissions, et si on ne les leur accorde pas, ils les prendront. Le pape Benoît a été très clair dans son Summorum Pontificum lorsqu’il a dit que c’était un moyen pour l’ensemble de « l’Église de préserver la continuité interne avec son passé. Ce qui était autrefois sacré ne doit pas devenir mauvais d’un moment à l’autre. Aujourd’hui, il n’y a pas une autre messe. Ce ne sont que des formes différentes du même rite.

Ceux qui ont connu la messe traditionnelle – prêtres ou fidèles – ne peuvent plus revenir à la messe moderniste. C’est un fait. Et face aux faits, il n’y a pas de réinterprétations qui vaillent.

Mots Clés :
Share This