ou du moins l’Eglise comme nous l’avons connue jusqu’à présent. C’est le constat sans appel (certains diront: excessivement pessimiste…) d’AM Valli, saisissant l’ « opportunité » de l’hospitalisation de François pour formuler, par analogie, son diagnostic. Mais il y a des lueurs d’espoir: elle renaît déjà, sous la forme d’une église « de guerilla », « plus petite, plus cachée, plus persécutée, plus libre, plus vraie ». Ajoutons que les ennemis de l’Eglise, qui disposent d’un quasi-monopole de l’information s’en réjouissent, tressant des lauriers à François (pas au Pape!), ce qui explique sa popularité, plus d’ailleurs dans l’opinion publiée que dans l’opinion publique. Mais cette réalité est l’arbre qui cache la forêt, et même, elle confirme les alarmes d’AMV: la starisation du « Pape people » marque la fin de l’autorité pontificale. La voix du pape est une voix parmi d’autres, et même pas parmi les plus autorisées.

Tandis que le Pape est à l’hôpital

Alors que le pape est à l’hôpital (tous mes vœux de rétablissement à Jorge Mario Bergoglio), il vient spontanément à l’esprit de réfléchir, par analogie, à l’état de santé de l’Église catholique.

De multiples analyses à ce jour, tant de « droite » que de « gauche », disent que le constat est effrayant : état comateux. Le nombre de personnes qui vont à l’église est en baisse, les vocations sont vertigineusement faibles, et ceux qui croient en la vie éternelle et la résurrection sont en diminution. L’abc de la foi s’effrite jour après jour : une crise très profonde, bien plus grave et substantielle que celle déterminée par les scandales sexuels ou économiques qui ont pour protagonistes des hommes d’Eglise. Certains phénomènes, comme le « chemin synodal » allemand, au lieu de témoigner d’une vitalité résiduelle, sont les soubresauts d’un corps agonisant.

Il y a quelque temps, j’ai écrit un pamphlet (un peu un essai, un peu un conte dystopique) intitulé Come la Chiesa finì (cf. Comment l’Eglise a fini ). Eh bien, je dirais que nous pouvons maintenant mettre « dystopique » de côté. Il suffit de regarder autour de soi : l’Église est en train de disparaître. Il y a l’emballage, il n’y a plus la substance. J’ai également écrit un article intitulé Rome sans pape, dans lequel j’ai soutenu que, en dehors des questions canoniques sur qui est effectivement le pontife, Rome est de fait sans pape, parce que le pape a cessé de faire son travail (confirmer les frères dans la foi) depuis un certain temps et est devenu une sorte d’aumônier de l’ONU et de l’humanitarisme politiquement correct. Ceux qui aiment mettre des étiquettes sur les idées m’ont accusé de sédévacantisme. En réalité, c’est la raison que je vois ici comme vacante, avant même la foi.

J’ai réalisé que l’Église est finie un dimanche, il y a quelques mois, lorsque j’ai entendu un curé, terrifié par le Covid, dire pendant l’homélie : « Heureusement que nous avons le gel désinfectant et la distanciation. De toute façon, moins on est nombreux, mieux on est ». Je dirais que c’est une certification. Si un prêtre, un curé, celui qui, on le suppose, a suivi un certain nombre d’années de séminaire et peut-être même d’une faculté de théologie pontificale, a exprimé une pensée similaire, cela signifie que l’Église est finie. Point. Vous direz : mais c’est un individu, on ne peut pas généraliser. C’est vrai. Mais ce curé, à mon avis, a été tout simplement trop brutal et sincère. D’autres tentent d’édulcorer la pilule, mais le fond est le même : ils croient plus au gel désinfectant qu’à l’eau bénite (qui a d’ailleurs été éliminée), plus à la distanciation sociale qu’au pouvoir thaumaturgique de la Sainte Eucharistie, plus aux directives du Comité technico-scientifique qu’à la Parole de Dieu. Qu’y a-t-il à ajouter ? Fin de l’histoire.

Bien sûr, l’Église, qui est au Christ, ne peut pas prendre fin, et elle renaît déjà : plus petite, plus cachée, plus persécutée, plus libre, plus vraie. Mais l’Église telle que nous l’avons comprise et vécue jusqu’à présent est terminée. L’Église qui renaît n’a rien à voir avec la hiérarchie, les conférences épiscopales et les congrégations de la Curie romaine. Ce bateau a fait naufrage et a coulé. L’Église qui renaît, soutenue par l’Esprit, est un miracle de la foi : spes contra spem [espérer contre toute espérance, ndt], signe de contradiction total dans son rapport avec le monde. Une Église, je m’excuse pour le terme, un peu de guérilla, car non encadrée, souvent non visible. Elle est là, mais on la voit peu ou pas du tout, et elle ne veut même pas être vue. Elle entretient la flamme de manière à la fois ancienne et nouvelle. Elle allie la tradition à l’inventivité née de l’amour. Elle regarde avec découragement les documents officiels, les directives et les plans pastoraux. Et même, elle ignore tout cela car elle sait que de là ne peut venir qu’une attaque contre la foi. Parce qu’elle a soif de Vérité, elle va directement à la source de l’eau qui donne la vie et se rassemble autour des quelques bergers qui restent. A leur tour cachés et persécutés.

La conversion qui nous est demandée aujourd’hui – en plus de la conversion quotidienne qui consiste à dire non au péché et à choisir Dieu – concerne la manière même de concevoir l’Église : quitter tout ce que nous connaissions et entrer dans une nouvelle dimension, sous le signe de la petitesse, de la clandestinité et de la persécution.

Le phénomène Covid a déterminé une accélération, mais le processus était déjà en cours. En ce qui me concerne (je le dis uniquement pour me faire comprendre, certainement pas parce que je pense que mon cas est paradigmatique), le tournant s’est produit avec Amoris laetitia. Je l’ai dit et écrit maintes fois maintenant : lorsque j’ai réalisé que l’apostasie s’était glissée là, le voile est tombé. J’ai cessé d’être un catholique « ordinaire » et je suis devenu un « guérillero ».

Nous ne savons pas ce que sera l’après Bergoglio. Ce que nous savons, c’est que l’autorité papale, déjà minée, a reçu un coup mortel avec ce pontificat. On disait autrefois Roma locuta, causa finita, lorsque Rome, c’est-à-dire le pape, avait une autorité reconnaissable et reconnue. Maintenant, nous pourrions dire : Roma locuta, qui curat ? Qui s’en soucie? Tout le monde s’en fiche. La voix du pape est une voix parmi d’autres, et même pas parmi les plus autorisées. Je ne rejette pas la faute sur Bergoglio, qui n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne. Au contraire, Bergoglio a eu le « mérite », paradoxalement, de mettre la question au grand jour. J’ai lu que quelqu’un a appelé François un « pape apéritif » [Sandro Magister, ndt]. Cela peut sembler une belle définition, mais elle est terrible. Si la voix du pape est comparable à celle que nous pouvons capter de la personne à côté de nous au bar, cela signifie que l’autorité papale est morte et enterrée. Et qui sera en mesure de la restaurer ? Et comment ?

Voici quelques réflexions que je voulais partager, amis de Duc in altum. Pendant que le pape est à l’hôpital (et toujours avec les meilleurs vœux à Jorge Mario Bergoglio).

AMV

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