L’injonction vient de Vittorio Messori (avec des mots plus choisis…), auteur d’un livre Bernadetta non ci ha ingannati, lié à Lourdes par une histoire très intense et très personnelle (cf. sur ce site: Bernadette ne nous a pas trompés). De la visite du président au sanctuaire marial, les médias ont retenu seulement qu’un individu l’avait vivement pris à parti en le traitant d’athée de la pire espèce qui n’avait rien à faire là (ce en quoi on peut difficilement lui donner tort). Mais Macron a surtout évoqué le projet d’un « nouveau Lourdes » qui réunirait « les synergies entre culte, culture et patrimoine ». De quoi craindre le pire, surtout venant de lui… Alors que, dit Messori, « Lourdes incarne l’esprit de la pauvreté », et « ce que les fidèles veulent, c’est revenir au Lourdes de toujours, le Lourdes voulu par l’Immaculée Conception ». Aux antipodes des inquiétantes synergies macroniennes.

Dites à Macron qu’il laisse Lourdes tranquille

Riccardo Cascioli
La NBQ
18 juillet 2021
Ma traduction

Non, Macron ne priait pas, il saluait la foule.
Mais sa posture n’a pas plu aux furieux de LFI

Avec la visite de vendredi à Lourdes, le président français Macron a annoncé une aide de 124 millions d’euros pour faire face aux conséquences économiques de la fermeture du sanctuaire aux pèlerins en raison du Covid. « Mais il n’y a qu’une seule chose que l’État doit faire pour le bien de Lourdes : le laisser tranquille », déclare Vittorio Messori.

Vendredi dernier, la visite du président français Emmanuel Macron au sanctuaire de Lourdes a fait grand bruit, pour diverses raisons et selon le point de vue de chacun. Le fait même est historique, puisqu’il est le premier président de la cinquième république à visiter la ville où la Vierge est apparue à l’enfant Bernadette Soubirous en 1858. Si la visite s’inscrit dans le cadre du Tour de France que le président effectue à l’approche des élections de 2022, et qu’officiellement l’intérêt principal était économique, étant donné que Lourdes est, après Paris, la ville française qui compte le plus d’hébergements hôteliers, l’aspect religieux était également évident. Le président français s’est rendu à la grotte de Massabielle accompagné du délégué apostolique de Lourdes, Monseigneur Antoine Hérouard, et du recteur du sanctuaire, Monseigneur Olivier Ribadeau-Dumas.

Cela a évidemment provoqué des réactions de colère de la part de la gauche laïque, qui a considéré cette visite comme un « blasphème » contre la laïcité de la France et un acte d’islamophobie. Parmi les fidèles présents à Lourdes, en revanche, certains l’ont vu de manière diamétralement opposée : à un certain moment, en effet, quelqu’un dans la foule a crié  » Honte à vous ! Vous êtes un athée de première classe, sortez d’ici », avant d’être emmené par la sécurité (en Italie, c’est ce qui a fait la une des journaux).

Mais pour en revenir aux accusations de lèse-laïcité, ce sont en fait les réactions d’une certaine classe politique laïque française qui révèlent un degré considérable de christianophobie, étant donné qu’aucun tapage n’a été fait le 8 mars lorsque Macron lui-même a effectué une visite surprise à la Grande Mosquée de Paris. Au contraire, à l’époque, Macron voulait expressément « transmettre les sentiments d’amitié envers le peuple musulman ». À Lourdes, en revanche, il n’y a pas eu de mot de solidarité avec les catholiques, l’accent a été mis sur l’aspect purement économique : la ville de Bernadette a beaucoup souffert des conséquences de la pandémie, étant donné que le sanctuaire est fermé depuis de nombreux mois et que les pèlerinages de l’étranger ne sont pas encore revenus.

Avant la pandémie, Lourdes recevait entre 3,5 et 6 millions de pèlerins (selon les estimations), dont 75% d’étrangers. Après l’effondrement en 2020, « seulement » un million de personnes sont attendues cette année, évidemment toutes françaises. Macron a donc annoncé une aide de 124 millions d’euros pour soutenir l’économie de la zone mais également laissé échapper la conception d’un « nouveau Lourdes » qui réunirait « les synergies entre culte, culture et patrimoine ». Pour Macron, en effet, « Lourdes n’est certainement pas une ville qui tire le meilleur parti de ses touristes. Nous avons besoin d’une offre beaucoup plus large et variée qu’aujourd’hui, et les investissements auraient dû être faits il y a longtemps ».

En d’autres termes, ici aussi, la crise provoquée par la gestion de la pandémie devient un prétexte pour construire quelque chose de nouveau qui noiera l’identité du lieu. Une accolade très dangereuse pour Lourdes, comme l’a déclaré Vittorio Messori à la Nuova Bussola Quotidiana : « Il n’y a qu’une seule aide que l’État peut apporter à Lourdes : la laisser tranquille ». Messori n’est pas seulement l’écrivain catholique contemporain le plus lu dans le monde, mais il a aussi une profonde dévotion pour sainte Bernadette, à laquelle il a consacré de nombreuses années d’études, rassemblées dans le livre « Bernadette ne nous a pas trompés ». Et bien sûr, il connaît très bien la réalité de Lourdes : « Il faut toujours être très méfiant quand le gouvernement met son nez là-dedans. L’histoire montre que lorsque Lourdes cède aux sirènes de la politique, des problèmes surgissent pour la vie spirituelle« , dit Messori. Et il poursuit : « Lourdes a besoin d’être indépendante pour répondre librement à ce que veut la Vierge« . Certes, le coup porté à l’économie de la région a été très dur, mais Lourdes « incarne l’esprit de pauvreté ». La politique, poursuit Messori, « peut aussi avoir les meilleures intentions, mais Lourdes doit être maintenu par ses fidèles ».

Ce sont des paroles claires qui nous font comprendre le danger de certaines accolades, surtout quand il est clair qu’il existe déjà une vision d’un « nouveau Lourdes » aux contours non précisés. Ce que les fidèles veulent au contraire, c’est revenir au plus vite au Lourdes de toujours, le Lourdes voulu par l’Immaculée Conception, le lieu « d’où personne ne revient pareil ».

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