C’est le leitmotive qui court en ce moment dans la blogosphère catholique (mais pas seulement), essentiellement italienne, et peut-être derrière les murs du Vatican. Raison invoquée, la santé du Pape actuel, mais aussi les critiques autour du statut de Pape émérite (indirectement des critiques à Benoît XVI) et la volonté présumée de François d’émaner un (n+1)-ième Motu Proprio sur le sujet. Pourquoi tant de hâte? Les interrogations d’Antonio Socci: selon lui, légiférer, c’est ouvrir une boîte de Pandore qu’il ne sera pas facile de gérer…

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Air de conclave.

Le pape Bergoglio est pressé de légiférer sur la renonciation et les papes émérites. Mais…

Hier, le Pape – à une audience avec les parlementaires catholiques – a commencé en ces termes:  » Je voudrais m’excuser de ne pas parler debout, mais je suis encore en période post-opératoire et je dois le faire assis. Excusez-moi ».

Le fait que le Pontife ait un problème de santé est connu, mais la situation n’est pas claire. Nous avons vu lundi dernier (dans ces colonnes) tous les doutes et les questions qui ont été soulevés par la communication officielle du Vatican sur l’opération du 4 juillet. Le site Infovaticana a écrit le 10 août : La salud del Papa no es la quen dicen.

Ces problèmes de santé peuvent conduire à la démission, et François lui-même parle de la démission comme d’une possibilité – en cas de maladie ou de vieillesse – depuis le début de son pontificat.

Le 26 mai 2014, il a déclaré : « Je crois qu’un évêque de Rome, un pape qui sent que ses forces diminuent – parce que désormais on vit tellement longtemps – doit se poser les mêmes questions que le pape Benoît s’est posées ».

Puis il a déclaré à La Vanguardia (rapporté par L’Osservatore Romano le 13 juin 2014) :  » Le pape Benoît a fait un très grand geste… puisque nous vivons plus longtemps, nous arrivons à un âge où nous ne pouvons plus continuer à nous occuper des choses. Je ferai de même, je demanderai au Seigneur de m’éclairer le moment venu et de me dire ce que je dois faire, et il me le dira sûrement ».

En outre, le quotidien argentin La Nación a récemment fait état d’une interview que François a accordée le 16 février 2019 au journaliste et médecin Nelson Castro , qui a écrit un livre sur la santé des papes. Interrogé sur la façon dont il envisage sa mort, Bergoglio a répondu : « En tant que pape, que ce soit en fonction ou émérite. Et à Rome. En Argentine, je ne reviendrai pas ».

Comme on le voit, François a encore prévu récemment la possibilité de démissionner et de devenir « pape émérite », évidemment pour des raisons liées à la santé ou à l’âge.

Or, comme l’a écrit Luis Badilla, « la maladie qui a frappé le pape François est grave et dégénérative » (c’est « un détail très significatif que beaucoup en ces heures sous-estiment, ignorent ou manipulent ») et la gravité de cette maladie a immédiatement induit le pape à manifester concrètement au Vatican l’idée de s’en aller. Mais les derniers jours, il est apparu très nerveux et semble alterner l’idée de démissionner avec l’intention de tenir bon, même si le tableau médical se complique.

Cette situation a cependant fait entrer un invité inhabituel dans l’atmosphère lente et feutrée du Vatican : la hâte. On l’a vu dans le Motu proprio annulant le Summorum Pontificum de Benoît XVI sur la liturgie traditionnelle, signé à la hâte par François le 16 juillet, deux jours seulement après avoir quitté l’hôpital Gemelli.

La même hâte avec laquelle au Vatican, en ces heures, on travaille à une norme réglementant la renonciation papale et la papauté émérite. Pendant plus de huit ans, nous avons eu deux papes, une situation unique dans l’histoire de l’Église que le Vatican a toujours minimisée comme une chose normale qui se résoudrait d’elle-même.

Mais maintenant, tout à coup, les autorités pensent que c’est urgent et que cela ne peut pas attendre. Pourquoi cette hâte soudaine? Il y a comme un air de démission et de nouveau conclave.

Des travaux sont donc en cours pour définir juridiquement les concepts de « renonciation » et de « papauté émérite ». Cependant, les problèmes qui en découlent sont énormes. Le pape Bergoglio lui-même, le 18 août 2014, à son retour de Corée, a fait remarquer à deux reprises que les théologiens seraient probablement en désaccord sur l’institution de la papauté émérite.

Parce qu’ils estiment que la papauté se trouve dans une situation théologique différente de celle de l’épiscopat (pour lequel il existe des évêques émérites). Mais alors, que signifie la définition de « pape émérite » que Benoît XVI, avec son renoncement, s’est appliquée à lui-même ?

Est-ce sur lui que portera la prochaine mesure du pape François ? Non. Le Professeur Boni [cf. Pape émérite, vacance du Siège: faut-il légiférer?, ndt], dans un essai, qui semble être la base du travail effectué au Vatican, écrit qu’avec cette mesure « il n’y a pas de manque de déférence ou seulement de tact à l’égard du pape émérite vivant : la loi à promulguer, comme c’est l’usage, prévoira seulement l’avenir sans aucune rétroactivité (cf. can. 9), en prenant explicitement soin, le cas échéant, d’exclure la ‘situation’ de Benoît XVI telle qu’elle s’est spontanément développée ».

Une telle réglementation, écrit l’avocat Francesco Patruno, docteur en droit canonique et ecclésiastique, « ne pourrait pas ‘guérir’ – en admettant que ce soit possible – la renonciation de Benoît XVI et toutes les incertitudes liées à cet acte posé le 11 février 2013, et ce pour la simple raison que Benoît XVI, lorsqu’il a posé cet acte, l’a fait sans pouvoir tenir compte d’une discipline future ».

Et il l’a fait avec les pleins pouvoirs du pape. Ainsi, la situation actuelle de Benoît XVI apparaîtrait comme un « unicum », de fait supérieure à la situation d’un autre pape qui démissionnerait ?

L’avocat Patruno explique : « Lors de la dernière audience de son pontificat, le 27 février 2013, Benoît XVI a expliqué qu’il ne renonçait qu’à son pontificat actif, mais pas à son pontificat passif. D’où la formulation utilisée dans l’acte de renonciation et le titre de ‘pape émérite’ « .

En effet, en expliquant l’acte du pape Benoît (dont il est le principal collaborateur), Mgr Gänswein a parlé d’un « pontificat d’exception », qui crée de fait un « ministère élargi, avec un membre actif et un membre contemplatif », « presque un ministère en commun ».

Mais – je pose la question – un tel renoncement à moitié était-il possible? « Si vous ne pensez pas que c’est possible, répond Patruno, alors c’est un renoncement nul avec tout ce qui s’ensuit. On peut essayer d’y remédier en demandant au pape émérite de renoncer complètement à son munus, mais dans ce cas, on reconnaît implicitement qu’il est resté pape. Et cela ouvre un scénario sans précédent en ce qui concerne la figure de François ».

Il ne sera donc pas facile d’émettre des normes en la matière. Cela ressemble à une impasse.

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