Quand l’un des rares journaux non alignés rencontre un journaliste très bien informé et surtout un peu rebelle (c’est-à-dire qui refuse de gober le discours dominant), à coup sûr, ça vaut le détour! Valli s’exprime ‘senza peli sulla lingua‘ sur la maladie du pape, les rumeurs de conclave, la guerre contre l’ancienne messe, Bergoglio pro-vacciniste, le procès Becciu…

Rumeurs au Vatican: « le Pape ne va pas bien »

Aldo Maria Valli, vaticaniste historique de la RAI, très respecté, est le rédacteur du blog Duc in altum, d’où il critique courageusement depuis des années les ambiguïtés et les erreurs d’orientation du pontificat de François. Nous l’avons rencontré pour connaître son avis éclairé sur les récentes rumeurs d’abdication imminente du pape. Jorge Mario Bergoglio a démenti (« Je n’ai pas l’intention de démissionner »), mais a admis que dès que la santé d’un Pontife se détériore, « un air de conclave » se met à souffler.

Quelle est l’atmosphère réelle au Vatican ces jours-ci ?

« Le sentiment de provisoire et d’insécurité est palpable. Cela s’accompagne d’un climat de tension et de suspicion, dans la crainte d’être victime de purges et de représailles.

Des représailles ? Vraiment ?

« Dans le cas récent du motu proprio abolissant Summorum Pontificum, on a dit clairement aux évêques que s’ils ne se conformaient pas, ils seraient démis sans trop de manières ».

Nous allons y venir. En attendant, y a-t-il des informations sur l’état de santé réel du pape ?

« Dans les palais sacrés, on parle de deux tumeurs qui auraient touché Bergoglio, et de la difficulté des médecins et du personnel médical de l’hôpital à gérer l’auguste patient, qui s’est révélé nerveux et intolérant au traitement ».

Mince. Prions pour lui.

« Il y en a certainement qui veulent laisser penser que François a encore la santé et la force physique, pour ne pas donner l’idée d’une perte de pouvoir. En réalité, Bergoglio a subi une intervention chirurgicale d’urgence pour une maladie grave et, compte tenu de son âge, sa situation n’est pas facile. »

François a été particulièrement prolifique dans la création de nouveaux cardinaux. Cela signifie-t-il que le prochain conclave sera verrouillé? En bref, cela donnera-t-il un pape à l’image et à la ressemblance de Bergoglio ?

« C’est ce que François a en tête, c’est sûr : depuis des années, il crée des cardinaux exclusivement en fonction de son approche idéologique. Je crois cependant que peu de membres du Sacré Collège ont compris où Bergoglio veut conduire l’Eglise, et je ne pense pas qu’ils soient prêts à se faire complices de sa démolition ».

Et donc?

« Nous pourrions avoir quelques surprises. C’est bien connu : celui qui entre au conclave en tant que Pape en ressort en tant que cardinal. Un vieux dicton qui devrait être pris au sérieux… ».

Quelle est votre opinion sur le scandale Becciu ? Certains journaux tentent de minimiser l’enquête.

« D’après ce que je sais, l’affaire de Londres voit Angelo Becciu dans le rôle de ‘prête-nom’, puisque l’opération a été décidée par Bergoglio lui-même, selon ce qui a été révélé par Mgr Carlo Maria Viganò dans sa dernière intervention ».

Comment cela va-t-il se terminer ?

« L’enquête n’aboutira pas à la condamnation des coupables, comme cela s’est déjà produit dans d’autres affaires, car les accusés ne sont pas réellement responsables des crimes dont ils sont accusés. Elle conduira probablement à une intervention d’autorité de François, qui déclarera la culpabilité de Becciu res iudicata [avec l’autorité de la chose jugée], comme dans l’affaire McCarrick ».

Entre-temps, comme vous l’avez mentionné, le Pontife a pris des mesures pour préparer le terrain à la suppression de la messe en latin. Pourquoi déclencher cette guerre ?

« Parce que c’est précisément en déclenchant une guerre et en provoquant des dissensions et des protestations que Bergoglio peut démontrer que la messe tridentine est ‘source de division’ « .

N’est-ce pas le cas?

« Grâce à une application sage et généreuse du précédent motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI, les communautés liées à l’ancien rite ne se sont jamais retrouvées en conflit avec les autres fidèles et les prêtres. »

François veut-il alimenter un conflit qui n’existait pas ?

« Il provoque d’abord la réaction exaspérée de ceux qu’il veut frapper, puis face à leur protestation, il se montre autoritaire et despotique et les accuse de désobéissance ».

N’est-il pas paradoxal que la lettre apostolique, avec laquelle on a tenté d’éliminer pratiquement le rite ancien, s’appelle Traditionis custodes ?

« François, citant le Concile, appelle les évêques ‘gardiens de la Tradition’ au moment même où il les oblige à en abolir la principale expression, qui est la liturgie. Ceux qui y voient une sorte de moquerie n’ont pas tort ».

En effet.

« Il est douloureux que celui qui est appelé ‘Saint Père’ se montre si cruel avec ses enfants, et si tolérant avec ceux qui sont déclarés ennemis du Christ, de l’Église et du Pape. »

Récemment, François a fait la promotion du vaccin anti-Covid comme un « acte d’amour ». Tout cela, peu après les perplexités exprimées par les traditionalistes américains au sujet des vaccins. Le cardinal Leo Burke, qui n’a pas été vacciné, s’est même retrouvé en soins intensifs. En bref, la déclaration de François, plutôt que d’être adressée à l’Italie, semble s’inscrire dans le cadre du conflit entre le Pontife et les conservateurs américains. Est-ce exact?

« Le soutien de Bergoglio au vaccin est la preuve de l’alignement du Vatican sur les positions du courant dominant. Une démonstration publique de loyauté envers l’élite qui détient le pouvoir.

Cette sortie était-elle appropriée dans un contexte où une rhétorique dogmatique, presque mystique, s’est construite autour du vaccin ?

« Si le Saint-Siège – et Bergoglio en personne – n’avait pas soutenu le récit médiatique, la rhétorique pandémique aurait eu beaucoup plus de mal à s’imposer ».

Que voulez-vous-dire?

« Les experts se sont autoproclamés prêtres du Covid, donnant au vaccin des connotations mystiques, tandis que le Vicaire du Christ est devenu un testimonial des compagnies pharmaceutiques, démontrant ainsi qu’il considère la santé du corps supérieure au salut de l’âme. Rien n’est plus éloigné de l’enseignement de l’Évangile et, si je puis dire, rien n’est plus imprudent.

Dans quel sens ?

« Eh bien, que dira Bergoglio à ceux qui ont été convaincus de se faire vacciner ‘parce que le pape l’a dit’, et qui tomberont malades ou mourront des effets secondaires ? ».

L’Église a immédiatement écarté le dilemme éthique concernant la dérivation de certaines lignées cellulaires humaines, utilisées dans les vaccins anti-Covid, à partir d’embryons avortés. D’autre part, ces lignées cellulaires sont produites à l’échelle industrielle et n’ont qu’une lointaine ‘parenté’ avec celles des fœtus avortés dans les années 1970. Le problème est donc clos ?

« Le problème est loin d’être clos. Les déclarations de la Congrégation pour la doctrine de la foi sont fondées sur des connaissances partielles, puisque les entreprises pharmaceutiques refusent de préciser les composants des prétendus vaccins. Il convient toutefois de noter que la CDF a pris la précaution d’autoriser l’utilisation de ces vaccins à condition qu’il n’existe pas de traitement alternatif. Mais nous savons que des traitements existent. L’empressement à déclarer les vaccins moralement licites est suspect et confirme la subordination du Vatican, sur ordre de François, aux directives émises au niveau mondial ».

Mais pourquoi, alors ?

« Je vois dans tout cela un pouvoir excessif de l’industrie pharmaceutique, avec laquelle, d’ailleurs, le Vatican fait des affaires depuis un certain temps.

Parmi les déclarations quelque peu impétueuses de François, il faut également compter la rebuffade adressée au Premier ministre hongrois, Viktor Orbán : « Je ne sais pas si je le rencontrerai », a déclaré le pape.

« Bergoglio n’essaie même pas de simuler l’impartialité et l’équilibre que son rôle exige : il l’a démontré en recevant Donald Trump en audience avec une expression morose et agacée qu’il n’a pas voulu cacher même sur les photos officielles. En revanche, il est souriant et affable avec les gens de gauche et les encourage même lorsqu’ils sont en faveur de l’avortement, de l’euthanasie et de l’égalité des sexes. Mais des rebuffades, nous en avons vu beaucoup, y compris avec des cardinaux et des évêques. Il suffit de penser au refus honteux de recevoir le Cardinal Joseph Zen ».

A quel point en sommes-nous au Vatican avec le fameux travail de nettoyage, tant dans les départements économiques qu’en matière de scandales sexuels ?

« Comme tout ce qui concerne ce pontificat, nous sommes confrontés à de grandes proclamations qui ne sont pas assorties de faits. Les prétendues ‘réformes’ qui ont été annoncées ne sont que de la poudre aux yeux.

Comment les choses se présentent-elles réellement ?

« L’apparence est la moralisation de la Curie, alors que le but réel est de centraliser le pouvoir. La « voie synodale » sert à affaiblir le rôle des dicastères romains, au profit des conférences épiscopales plus progressistes. Dès qu’un évêque ou une conférence épiscopale s’écarte de cette ligne, l’autoritarisme de François se déclenche implacablement ».

Est-il possible, un an et demi après les premières manifestations du coronavirus, de faire le point sur l’attitude de l’Église pendant la pandémie? Le philosophe Giorgio Agamben, par exemple, a écrit qu’en acceptant toutes les limitations et prescriptions des autorités, l’Église a « égaré son prochain ».

« Ce n’est pas l’Église qui a ‘égaré son prochain’, mais sa hiérarchie qui s’efforce de courir après le monde. L’acceptation docile des impositions des autorités sanitaires révèle, de la part des évêques, un sentiment d’infériorité qui aurait été impensable à l’époque de Jean-Paul II ou de Benoît XVI. Pour la hiérarchie, c’est une grande occasion manquée, comme je le dis dans mon essai Virus e leviatano. Jamais elle n’avait atteint ce point, pas même en temps de guerre ».

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