Ce 9 septembre 2021 marquait le 50ème anniversaire de la sortie de la plus célèbre chanson de John Lennon en solo, dont le cardinal Francis George, alors archevêque de Chicago, écrivait en 2012: « L’hymne officieux de la laïcité est aujourd’hui la chanson de John Lennon ‘Imagine‘, dans laquelle nous sommes invités à imaginer un monde sans religion. Nous n’avons pas à imaginer un tel monde: le XXème siècle nous a donné de terribles exemples de ces mondes-là« . Le caractère mielleux de la mélodie masque en partie (ou fait passer) le caractère profondément subversif des paroles, dont il n’est pas certain que tous les admirateurs du fondateur des Beatles aient saisi le sens profond et les intentions de l’auteur. Eclairage de l’évêque italien Stefano Manetti.

L’héritage, 50 ans après, de “Imagine there’s no heaven » de John Lennon

Mgr Manetti

« Imagine qu’il n’y a pas de paradis [sic] », ainsi, en 1971, John Lennon a voulu envisager la nouvelle paix que le monde, selon lui, devrait rechercher.

Le jeudi 9 septembre a marqué le 50e anniversaire de la sortie de la chanson la plus iconique de Lennon en solo : Imagine. Pour saisir jusqu’où va cette chanson en tant que philosophie et conceptions véhiculées, il est nécessaire de comprendre où Lennon a trouvé son inspiration et ce qui l’a influencé pour arriver à la conclusion que le Paradis et l’Enfer ne sont pas propices à la paix.

L’auteur, qui avait fait partie des Beatles, n’a jamais caché ses inspirations et ses sources. Pour Imagine, sa muse était sa femme Yoko Ono, qui, par sa poésie, l’a incité à essayer d’exprimer des concepts agressifs et révolutionnaires à travers des mots suaves. Lennon lui-même déclarera dans une interview, en parlant de son œuvre, qu’elle est  » anti-religieuse, anti-nationaliste, anti-conventionnelle, anti-capitaliste, mais parce qu’elle est enrobéede sucre, la chanson est acceptée (…) Maintenant, je vois comment il faut faire. Donner ses messages politiques avec un peu de miel« . Cette déclaration confirme combien il suffit de peu pour faire passer des concepts révolutionnaires et ainsi influencer le plus grand nombre de personnes possible avec ses idées.

Mais la vision de Lennon dans cette chanson ne se limite pas à la critique religieuse, chrétienne par implication, mais à un renforcement de ses positions communistes, liées à son interprétation du socialisme dans laquelle se mêlent pacifisme, anti-nationalisme et nécessité d’éliminer tout ordre existant auparavant, moral ou économique. En effet, il affirmait: « Il n’y a pas de véritable État communiste dans le monde ; il faut le comprendre. Le socialisme dont je parle … n’est pas celui mis en œuvre par un quelconque fou russe ou chinois. Nous, par contre, nous devrions avoir un socialisme aimable… britannique. »

La bonté dont parle Lennon part de la ferme conviction que l’être humain est intrinsèquement bon et que c’est la société qui le corrompt. Il s’agit d’un concept omniprésent dans le monde socialiste, qui s’inspire du mythe du bon sauvage de Jean-Jacques Rousseau; la seule façon de libérer l’individu est de surmonter les cages et les contraintes imposées par la religion ou l’État.

Revenons aux paroles de la chanson : après avoir renié le Paradis et l’Enfer, l’homme abandonnera la propriété, les biens et les affections personnelles pour vivre dans un monde où la fraternité universelle – dont la Révolution française avec sa guillotine a donné un exemple emblématique d’application – garantira à tous « le partage du monde entier ». La chanson se termine par la pleine réalisation du rêve dans lequel, enfin, le monde n’est plus composé d’individus uniques et différents, mais consiste en une seule entité donnée par la somme de tous. En plus d’imaginer un monde en ces termes, Lennon amène l’auditeur à croire à quel point il est facile de réaliser cette dimension onirique… il suffit d’un peu de temps : commencez à l’imaginer et avant même de vous en rendre compte, le monde sera devenu ce que vous voulez qu’il soit.

En 1980, il déclarait, confirmant les intentions de sa vision idéologique : « Il faut d’abord penser à voler, ensuite on vole. Concevoir l’idée est le premier pas ».

Sa vision révolutionnaire est dissimulée par une grande habileté musicale, capable de fusionner la musique et la voix dans une euphonie qui dissimule la somme des « anti » que Lennon lui-même a énumérés dans sa composition. La mélodie musicale semble onirique, évoquant de doux sentiments, mais les paroles parviennent à apporter ce sentiment de concret rebelle que Lennon voulait que l’on puisse percevoir dans chacune de ses chansons.
La volonté de faire la révolution avec du miel a définitivement porté ses fruits malheureux, en diabolisant le concept d’autorité. Les idées de Lenon et de sa génération se sont matérialisées : les principes mêmes du bien et du mal sont désormais souvent inversés ou, pire encore, totalement inconnus des gens, qui ne comprennent même plus ce qu’est le mal et le bien, car tout devient relatif aux agents sur le terrain et aux circonstances du sujet traité, et ils sont donc animés par l’idée que le monde imaginé par tous est sûrement le meilleur pour tous.

«Imagine all the people Living for today».

Share This