Voyage en Italie au temps du Covid. Des basiliques pontificales romaines à Assise en passant par Manoppello et Sa Sainte Face, une fidèle allemande nous raconte son périple kafkaïen dans l’Italie masquée de Draghi et Bergoglio, et son marathon pour recevoir la communion sur la langue. Un très beau récit publié sur le site katholisches.info animé par Giuseppe Nardi.

EN ITALIE, AVEC UN MASQUE

Rome, Manoppello et une halte auprès de François, le saint d’Assise – un voyage au temps du Corona

Par une fidèle catholique

Crépuscule sur Rome
Photo Katholisches.info

katholisches.info/2021/09/07/mit-maske-durch-italien/
Traduction d’Isabelle

« Mascherina, signora! Mettez votre masque ». Je ne sais pas combien de fois je me suis fait rappeler à l’ordre pour avoir glissé mon masque sous le menton parce que je voulais respirer librement en présence de Dieu et qu’autour de moi, dans beaucoup d’églises, il n’y avait personne à proximité. Et aussi : « No, signora. Pas de communion sur la langue ! » Et c’était là encore la forme la plus courtoise d’admonestation que j’aie reçue. Nous avions échappé à la froide pluie allemande, mais pas au stress du corona répandu dans l’État et l’Église. Et pourtant…

Mais procédons dans l’ordre. L’Assomption de la sainte Vierge dans une coquette petite ville médiévale avec son imposant château, pas très loin de Rome. Avant la messe, je m’étais informée auprès du prêtre sur la possibilité de recevoir, après la messe, la communion sur la langue. Après un refus peu amène, on m’a demandé aussi peu gentiment pourquoi je ne pouvais pas accepter simplement la communion dans la main. En période de corona et par principe. Bon, alors communion spirituelle ! Mais il était important pour moi de ne pas renoncer sans mot dire. Et peut-être y avait-il quand même l’un ou l’autre évêque, l’un ou l’autre prêtre…

La messe de l’Assomption dépassa par son insipidité toutes mes appréhensions et se termina par le Magnifica-a-at de Taizé, répété et repris en boucle, accompagné à la guitare. Même chose plus tard, au soir, dans la basilique du Latran. Sans guitare. Avec une chanteuse. Voilà donc tout le latin qu’on pouvait encore avoir chez l’évêque de Rome, l’auteur de Traditionis Custodes, gardien suprême de la Tradition qui avait montré l’exemple en empêchant le rite traditionnel et en favorisant les langues vernaculaires dans la liturgie latine. Je résolus de ne pas penser à lui. Pas facile quand on est à Rome.

Faut-il pleurer ? Faut-il en rire ?

La messe ancienne le matin dans Saint-Pierre ne me fut pas non plus accordée : elle est désormais reléguée dans la crypte. Juste une messe de semaine « ordinaire » à l’autel de Saint-Joseph. Je n’avais pas encore abandonné l’espoir de rencontrer un prêtre compréhensif et me présentai la dernière à la communion que je demandai à recevoir sur la langue. Ce qu’on me refusa et qu’on ne voulut pas non plus me concéder par après, extra missam. Le narratif est le même partout : le corona, les évêques et une objection de principe. Et pas de pasteur suprême en fin de compte, pour aller à contre-courant. Plutôt le contraire.

Le lendemain, par contre, je tombai sur un ecclésiastique en soutane : un jeune prêtre de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre à Rome, à qui spontanément je fis part de ma tristesse et auprès de qui je trouvai un peu de réconfort. Voilà la sollicitude pastorale que le pape se plaît à dénier chez les prêtres de la Tradition.

Une messe basse à la Santissima Trinita dei Pellegrini, paroisse personnelle de la Fraternité Saint-Pierre pour le diocèse de Rome, fit le reste et guérit les blessures des jours précédents. Tout était comme il fallait et je fus heureuse de pouvoir recevoir la communion à genoux et sur la langue.  Combien ce réconfort était important ! Je m’en rendis compte ensuite dans la basilique pontificale de Sainte-Marie Majeure, la plus importante église au monde consacrée à la Vierge, où l’on vénère les reliques de la sainte crèche de Jésus.

J’y entamai une conversation avec un prêtre présent dans la sacristie. Quand il remarqua que je ne renoncerais jamais à la communion sur la langue, il me dit très sérieusement que je n’avais pas le droit de refuser la communion dans la main parce que, ce faisant, je suivais le démon qui s’efforce d’éloigner les hommes du sacrement de l’Eucharistie, quand ils se fixent obstinément sur la communion sur la langue. Je répliquai que ceux qui obéissent au diable, ce sont ceux qui veulent imposer aux croyants la communion dans la main, qui n’est possible qu’à titre exceptionnel, et qui instrumentalisent à cette fin le corona. Je me réfugiai auprès de la Mère de Dieu, Salus populi Romani. Son peuple a tant besoin d’elle.

« Mascherina, signora! » Non, cette fois, ce n’était pas le gardien de l’église mais une voix automatique dans un supermarché du sud de l’Italie. Impossible d’échapper à la tyrannie du Corona. À l’entrée, un grand thermomètre-scanner à capture d’image accueillait les clients dont il mesurait la température. Et rappelait aux non-masqués de remettre leur masque. L’objet trônait même dans un musée, malgré la 3G et le masque obligatoire. Les établissements privés étaient équipés d’un modèle manuel pour prendre, sans contact, la température du front. La mesure avait quelque chose de fantomatique et d’inhumain. Et d’humiliant par la possible sélection qu’elle impliquait.

La sainte Face : le « volto santo » de Manoppello

J’avais lu des choses sur la mystérieuse histoire du voile de mousseline en soie diaphane sur lequel se donnerait à voir le vrai visage de Jésus. J’avais vu de nombreuses photos. Puis je laissai là les livres et voulus seulement voir le visage. Chacun doit faire son propre chemin vers cette image. Une question de foi. Mon chemin a été seulement ardu d’un point de vue extérieur ; nous nous égarâmes dans des vallées et des sommets reculés des Abruzzes et parvînmes au but après force détours.

Je connaissais l’image d’après des photos et j’avais un peu peur que, me trouvant devant elle, je ne fisse que reconnaître ces images. Mais quand je fus là, je m’avançai parce que je ne reconnaissais rien. D’abord ce n’était rien, quelque chose de transparent, puis un moine régla la lumière et je vis ces yeux, ce visage bienveillant. Par-delà l’autel, je m’approchai. Sans masque. Ensuite, je m’assis derrière l’autel, seule au banc de prière, et oubliai de poursuivre ma prière ; je regardais vers le haut et faisais l’expérience de ce regard : un regard qui va droit au cœur.

Plus tard commença une messe dans une langue que je ne connaissais pas. C’est alors que se produisit quelque chose d’étonnant : à la communion, une femme ouvrit la bouche et reçut la communion. Je l’imitai et reçus son précieux corps. Dans la bouche, sous son regard, devant lui. Quand je m’informai, j’appris que le prêtre venait de Hongrie (sic !), avec un groupe. Chez un prêtre italien, je n’aurais pas reçu la communion sur la langue, me dit-on. Même pas ici à Manoppello. Pas même extra missam. Encore le corona, et les évêques et le principe. Oui, le principe.

Auprès de François, le saint d’Assise

Comme une couche d’huile, le nom du pape s’est superposé au nom du Poverello d’Assise. J’avais formé le projet de consacrer toute ma visite à Assise aux deux grands saints, François et Claire. Je ne voulais pas penser à ce qui, au nom de « l’esprit d’Assise » inter–religieux, avait eu lieu ici, dans les églises, et s’y produira encore. Je ne voulais pas non plus penser au pape qui, dans une promotion grandiose de son image médiatique (il suffit de penser au film de Wim Wenders, Un homme de parole), avait accaparé son saint patron. Mais le saint, le pauvre qui aidait les pauvres, n’était pas un politicien adepte de la révolution sociale et pas non plus un activiste de l’environnement ; il savait que ni la politique ni la science ni la révolution ne nous gardent du mal et de l’autodestruction. Il savait que la pluralité des religions n’est pas voulue par Dieu. Il savait que notre Dieu, Trinité du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, n’est pas l’Allah des musulmans. Il croyait qu’il n’y a d’espérance pour le monde que dans la révélation du salut par Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui s’est sacrifié pour nous, et seulement en elle. C’est pourquoi il est allé chez le sultan, en Égypte, pour lui annoncer la vraie foi et le convertir. Il avait pris Dieu au mot et, sur son ordre, avait rebâti son Église qui tombait en ruines. Il ne l’a pas recréée selon ses propres critères.

Ma rencontre avec le saint s’est bien passée. Pas au cours de la messe dominicale « solen­nelle », sans encens, dans la basilique supérieure de Saint-François, tandis que je suais sous le masque, pas au tombeau de François, autour duquel circulaient sans répit des touristes, pas non plus dans les rues de la petite ville avec ses inévitables boutiques pour touristes et ses restaurants coûteux.

Elle eut lieu au petit matin du dimanche, lorsque les rues étaient tout à fait désertes et que Frère Soleil commençait à déverser ses chauds rayons sur les collines ombriennes et sur la vaste plaine. Elle eut lieu quand je vis deux religieuses qui balayaient le riz après un mariage dans une église. Elle eut lieu dans l’étonnement devant l’indescriptible beauté des fresques qui racontent la vie du saint, — à Santa Chiara, où sainte Claire est exposée dans son cercueil, — à l’endroit, à côté de la chapelle de la Portioncule, où l’âme de François s’éleva vers le Seigneur et où, à mon grand étonnement, je pus être longtemps seule, — et aussi dans la chapelle elle-même, où une famille avec trois petites filles demandèrent à un prêtre sa bénédiction et où je joignis ma voix à la leur pour un « Notre Père » et un « Ave Maria ».

Loué sois-tu, mon Seigneur, 
pour notre sœur la Mort corporelle
de qui nul homme vivant ne peut échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ; 
heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.
Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.

(La dernière strophe du Cantique du Soleil ne se trouve pas dans l’encyclique Laudato Si du pape François. Au lieu de cette strophe, il propose une prière « que nous pourrons partager avec tous ceux qui croient en un Dieu Créateur Tout-Puissant » )

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