L’insupportable Greta est de retour. Elle est ces jours-ci à Milan pour participer en tant qu’invitée spéciale à la Pre-Cop 26, la réunion préparatoire à la conférence sur le climat qui se tiendra en novembre à Glasgow, en Écosse. Et le monde politique et les médias font la queue pour s’agenouiller devant la nouvelle « déesse », ou plutôt l’objet médiatique tout droit sorti de la « fabrique d’idoles » sous les traits d’une sale gosse ignorante. Occasion pour Marcello Veneziani de réfléchir sur cette obsession pour le climat, et ce qu’elle révèle de notre société et de notre vision de l’avenir.

Mais le futur ne concerne pas seulement le climat

L’autre jour, cela faisait impression de voir le ministre de la Transition écologique Stefano Cingolani presque à genoux devant la madonina de la planète, Greta Thunberg, qui le regardait de son regard sinistre et punitif et, en signe d’hostilité, les pieds tournés vers l’intérieur, sur la défensive. Cela était déjà arrivé à d’autres grands de ce monde. Un ministre technophile s’est tenu à ses pieds, suppliant et prosterné, pour être absous de ses péchés écologiques par la marraine de la Terre, représentant l’esprit du monde et le tribunal planétaire du futur.

Oui, le futur. Depuis longtemps déjà, nous ne parlons du futur qu’en référence à la planète en danger, de la terre en tant qu’environnement. Depuis qu’il existe une lueur de conscience dans l’humanité, l’attente de l’avenir a toujours été liée à l’espoir d’un changement historique, social, politique et économique ; d’un progrès ou d’une amélioration des conditions de vie personnelles ou collectives ; ou d’un changement spirituel, ce que l’on appelle dans le langage religieux la métanoïa, la palingénésie, la perspective eschatologique, l’espoir du salut. Aujourd’hui, en revanche, la seule façon de penser le futur est de défendre l’environnement, la planète, le climat, l’air et l’eau ; on ne remet pas en cause les structures sociales, culturelles, économiques et politiques. Mais des émissions nocives. Même Bergoglio approuve ce réductionnisme climatique du futur.

Il n’y a donc pas d’attente de changement positif mais seulement une peur, l’angoisse du changement, la menace globale, le danger mortel. L’idée de l’avenir est associée à la dégradation, donc le seul projet concernant l’avenir est de sauver le climat de l’insouciance du présent. Nous sommes ainsi passés d’une idée innovante et évolutive de l’avenir, au nom du progrès ou de la révolution, à une idée réactionnaire et régressive de l’avenir, au nom de la conservation.

L’avenir est compris comme la menace de perdre une condition de vie. Ce changement coïncide également avec le changement de la composition sociale du monde progressiste : la classe de référence n’est plus celle des classes prolétaires, des pauvres qui rêvaient de changer le présent pour avoir un avenir meilleur, mais c’est celle de la nouvelle bourgeoisie qui craint de perdre son statut actuel et veut arrêter le monde, le protéger du futur. Ils veulent se protéger de la menace de l’avenir. Essayez de demander autour de vous quelles sont les attentes à l’égard de l’avenir, en dehors des attentes personnelles et privées : il n’y a aucune trace d’une alternative, même le leitmotiv pétulant de rêver d’un monde meilleur s’est tari. La meilleure arme pour l’avenir est le frein à main, ou tout au plus, comme le dit Latouche [Serge Latouche, ndt], la « décroissance heureuse », ou la moins malheureuse possible.

Le renoncement à l’avenir devient également une abdication en faveur des migrants : les seuls détenteurs vivants du droit à un avenir meilleur sont reconnus dans ceux qui quittent leurs terres, leurs familles, leur monde dans l’attente d’un avenir meilleur. Notre avenir est le leur, ou plutôt ils sont notre avenir, nous ne sommes que des vestiges du passé s’attardant sur la défensive avant d’être remplacés par eux ou anéantis par un effondrement planétaire, pour des raisons de pollution et d’aridité, de dénaturation ou de surpopulation. Nous sommes handicapés par le futur et notre tâche est de permettre que la planète leur soit livrée.

Pour porter le message à son accomplissement, ils sont en train de construire et de lancer en orbite terrestre, à côté du drone Greta, un drone coloré, qui peut intégrer le thème de l’écologie avec celui du racisme : nous avons vu à ses côtés une jeune ougandaise, Vanessa Nakate, nouveau témoignage de la lutte pour l’environnement et en même temps de la lutte antiraciste. La fabrique d’idoles donne naissance à un nouveau produit pour une campagne en apparence spontanée, qui est en réalité complètement préfabriquée, planifiée et gonflée par les médias.

Entre-temps, la dénonciation environnementale déclenche une compétition internationale d’hypocrisie : il n’y a pas de multinationale, de chaîne d’hypermarchés, d’entreprise alimentaire, de société de sécurité ou d’assurance qui ne fasse pas de la publicité pour son produit non pas pour ses qualités mais parce qu’il est écologiquement durable, parce qu’il respecte les protocoles de la rhétorique environnementale, participe aux campagnes contre le plastique, à la collecte volontaire des déchets, au recyclage et au catéchisme hydrogéologique et atmosphérique des jeunes marmottes. Tout cela n’est que du vent, ou au mieux un geste symbolique, pour inciter les utilisateurs à consommer en ayant la fausse conscience de servir la noble cause du sauvetage de la planète. L’avenir durable est vendu dans un paquet unique par les émissaires du pouvoir idéologique, commercial et des marchandises. Entre un avenir comme menace globale pour effrayer les citoyens et un environnementalisme écolo-furieux pour capter leur bonne foi, l’attente la plus authentique de l’avenir a disparu. Cela ne concerne pas seulement le climat, mais aussi l’humanité, les systèmes politiques, économiques et sociaux, ainsi que les conditions spirituelles et morales, la justice.

Qui nous prive de l’avenir ? L’Engrenage nous empêchent de penser le futur comme différent du présent. Ceux qui dominent le présent s’opposent à l’avenir : appelez-les establishment, mainstream, système, ordre en vigueur. Il nous est interdit de penser l’avenir autrement que comme la perpétuation du présent ; il est impossible et même impensable d’échapper à son modèle, à son idéologie et à ses canons. Le diagnostic est radical, mais l’objectif de renverser la domination semble irréaliste. Mais en attendant, réalisons dans quel monde nous nous trouvons, qui sont les maîtres du temps qui nous volent l’avenir et nous disent que ce n’est qu’une question de temps. Autrefois, on chantait : demain nous appartient… Et au lieu de cela, comme le disait Paul Valéry :  » Il n’y a plus l’avenir qu’il y avait autrefois ». Le post-humain n’aura pas à penser mais seulement à fonctionner.

Marcello Veneziani, La Verità, 1er octobre 2021

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