Le biopic sur Dick Cheney, sorti aux Etats-Unis en 2018, multi-nominé aux Oscars a connu (ou aurait dû connaître) une ample diffusion mondiale (la crise du covid en a décidé autrement, au moins pour les salles mais patience… une nouvelle vie l’attend sans doute sur les autres écrans). A quoi bon, dira-t-on, distribuer à l’étranger un film sur un homme politique dont les Français et les autres n’ont strictement rien à faire, dans un décor encore plus mal connu, qui est celui des arcanes de la vie politique américaine, Le film vient de passer sur une grande chaîne italienne, et Rino Cammilleri nous explique le POURQUOI, de tout cela: éduquer les masses, celles futures, et cela grâce à la formidable machine de propagande d’Hollywod. « Vice » n’est évidemment qu’un exemple parmi une myriade, et Hollywood a des copies, plus modestes, mais nombreuses.

« Celui qui contrôle le passé contrôle le présent. Celui qui contrôle le présent contrôle l’avenir »

*

George Orwell, 1984

Cheney, le vice à diaboliser (pour l’avenir)

Rino Cammilleri
La NBQ
12 octobre 2021
Ma traduction


Sorti en 2018, le film Vice. The man in the shadows, d’Adam McKay, se veut la biographie de Dick Cheney, vice-président à l’époque de George W. Bush. Un film cryptique pour ceux qui ne connaissent pas les mécanismes politiques des Etats-Unis, mais qui sert un certain récit de gauche, dominant à Hollywood et qui connaît bien une certaine maxime d’Orwell…

Le 10 octobre, samedi (pour une plus grande visibilité), en prime time, Rai3 (et qui d’autre ?) a diffusé le film « Vice. L’homme de l’ombre », de 2018. Écrit et réalisé par Adam McKay, il s’agit d’une biographie de Richard – Dick – Cheney, qui fut vice-président de George W. Bush. Le film lui-même est médiocre, plutôt ennuyeux et cryptique pour les spectateurs peu familiers des mécanismes politiques et électoraux des États-Unis. Avec Christian Bale (un des nombreux Batman) et Amy Adams (l’ex-fiancée de Superman), c’est un exemple classique de récit de gauche.

On pourrait dire : mais Cheney a déjà disparu depuis un certain temps, alors quel avantage la gauche démocrate (ou liberal, comme ils disent là-bas, ou progressiste, comme ils disent aussi en Chine) peut-elle tirer d’un portrait sombre de lui ? Nous le verrons dans un instant. En attendant, disons tout de suite que Cheney, un Républicain, n’a pas notre sympathie, notamment pour son rôle dans la guerre du Golfe, inutile (pour nous) (et ce qui est inutile est souvent nuisible aussi). Le film parle des conséquences désastreuses de cette guerre et aussi de ceux qui en ont profité. On peut être d’accord.

Cheney a deux filles, dont l’une est une lesbienne déclarée. Mais elle s’oppose au mariage gay, tout comme son autre fille, Liz, sénatrice républicaine (mais opposante à Trump, mais le film ne le dit pas). Cheney, dans le film, commence sa carrière à l’époque de Nixon et passe par tous les présidents suivants. Sauf, qui sait pourquoi, Clinton, qui n’est même pas mentionné dans le film (et il y aurait beaucoup de matériel de fiction sur lui). Nixon, comme nous le savons maintenant, a été renversé par le scandale du Watergate. Un film posthume en a été tiré, qui n’a pas été inondé d’Oscars par hasard, All the President’s Men (le titre rappelle une comptine de Lewis Carroll, l’auteur d’Alice), avec Robert Redford et Dustin Hoffman dans le rôle des journalistes du Washington Post qui ont révélé l’affaire. Le Washington Post, pour ceux qui ne le savent pas, est l’équivalent de notre Republicca aux Etats-Unis. Ce n’est pas un hasard si c’est l’évangile quotidien des gauchistes américains et, encore une fois, ce n’est pas un hasard s’il a été célébré dans un film ad hoc, The Post, avec Meryl Streep et d’autres acteurs « engagés » (toujours du même côté). Salués comme des héros, ses journalistes et reportages rebondissent encore et encore à Hollywood, la plus grande machine de propagande de tous les temps, qui connaît bien la maxime d’Orwell : « Celui qui contrôle le passé contrôle le présent. Celui qui contrôle le présent contrôle l’avenir ».

En fait, il suffit de cinq ans pour qu’un adolescent prépubère devienne un électeur. Ce dernier point nécessite une éducation. Il n’était pas là aux temps de Nixon ou de Cheney, il doit donc être éduqué. Et quoi de mieux qu’un film ? Naturellement, une avalanche de prix s’est abattue sur le film de Cheney aussi, bien que très peu soient allés vérifier s’ils n’étaient pas pour le « meilleur maquillage et la meilleure coiffure » (Christian Bale vieilli, gros et chauve).

Évidemment, Cheney et sa famille ont protesté, mais pas trop : ils savent qu’un procès ne ferait qu’accroître la visibilité du film. Tout comme l’Église catholique, par exemple, qui a appris à être résiliente dans certaines circonstances (un mot moderne, et qui sait pourquoi il est devenu si répandu) et à faire un malo tiempo cara buena, comme disent les Espagnols (nous disons « contre mauvaise fortune bon coeur »).

Dernière considération: les cyniques et les sans principes ont bien compris que pour avancer, il faut rejoindre la gauche. Et s’il existe un environnement dans lequel vous pouvez atteindre le sommet de la gloire et de l’argent en partant de zéro, c’est bien le monde des médias et de l’art. Ajoutez les deux ensemble.

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