C’est souvent intéressant et même enrichissant d’avoir le point de vue de l’étranger (et d’autant plus quand il vient d’un journal qui n’est pas aveuglé par des œillères idéologiques – anti-chrétiennes, dans ce cas -, comme la Bussola), qui peut poser sur nos affaires un regard dépassionné, avec une distance que nous ne pouvons pas avoir. Que Zemmour dise avec talent ce que les catholiques veulent entendre, qu’il soit un espoir pour eux, c’est un fait indéniable, et on ne peut que se réjouir que les racines chrétiennes de notre pays soient placées grâce à lui sous les projecteurs. Sur de nombreux sujets, il tient un discours séduisant pour les catholiques « non adultes » [précision nécessaire], que n’aurait sans doute pas désavoué Benoît XVI lui-même (attention! je ne compare pas, ou plutôt, je ne mets pas sur le même plan, Benoît XVI, c’est une autre dimension). Maintenant, dans le cas encore très improbable où il deviendrait président en 2022, qu’il ne les déçoive pas… c’est une autre question.

La France chrétienne
Image sur Valeurs actuelles

La surprise Zemmour, l’écrivain juif qui redonne espoir aux catholiques

Marco Gervasoni
La NBQ
25 octobre 2021

Éric Zemmour, journaliste et essayiste d’origine juive algérienne, né en 1958, pourrait véritablement devenir la nouvelle référence des catholiques français s’il se présente à la prochaine élection présidentielle. Macron est le premier président « post-chrétien » qui considère la religion nationale de la France comme un culte parmi d’autres. La France des institutions et des médias a glissé vers la gauche, tandis que le pays réel devient de plus en plus catholique conservateur. Zemmour, bien que non chrétien, est bien conscient que sans l’Église, la France serait perdue.

Les catholiques français ont-ils enfin trouvé en Éric Zemmour (journaliste et essayiste, d’origine juive algérienne, né en 1958) un leader en qui ils peuvent avoir confiance? Il semblerait que ce soit le cas si l’on en croit l’accueil enthousiaste qu’il a reçu, par exemple, de la part des nombreux anciens de la Manif pour tous, qui, sous Hollande, avait mobilisé une grande partie de la France contre le mariage homosexuel. Cette bataille a été perdue, mais elle a montré l’importance du catholicisme français dans le pays réel, alors que le pays légal et les médias le considéraient comme un « fait social » en voie de disparition. Politiquement, la mobilisation de la Manif pour tous a été tout sauf un succès : non seulement la loi a été présentée, mais lors de l’élection présidentielle qui a suivi, en 2017, le leader le plus proche d’eux, le néo-gaulliste François Fillon, a été sèchement battu – tandis que Marine Le Pen, qui n’avait participé à aucune des manifestations contre le mariage gay, n’a pas donné trop de garanties aux catholiques.

Au second tour, l’électorat croyant soit s’est abstenu, soit a fait confiance à Macron. Grosse erreur : le président actuel est le premier chef d’État français authentiquement post-chrétien. Hollande, héritier du vieil anticléricalisme maçonnique des socialistes (mis à part Mitterrand, qui a voulu des obsèques religieuses et n’a jamais attaqué l’Église), se situait malgré tout dans l’horizon du christianisme, même s’il le combattait : et même, précisément pour cette raison. Pour Macron, en revanche, le catholicisme n’est pas « l’ennemi », pour reprendre une célèbre formule de Léon Gambetta. Il s’agit simplement d’une des nombreuses religions qui composent le paysage « multiculturel » français, une minorité substantielle, certes à protéger, comme il l’a proclamé à l’occasion de prêtres tués par des immigrés ou des islamistes ou après l’incendie de Notre-Dame : mais plus ou moins comme on protège les pandas.

Maintenant, il est vrai que le nombre de ceux qui participent aux services religieux et plus encore à la vie associative des paroisses est en déclin rapide. Pourtant, comme le montrent deux études récentes, celle de Philippe Portier et Jean Paul Willalme dans La religion dans la France contemporaine et celle du politologue Dominique Reynié (Le XXIe siècle du christianisme), la quantité ne tue pas la qualité : les chrétiens deviennent minoritaires, mais beaucoup plus combatifs, réactifs et conscients des enjeux qu’ils ne l’étaient auparavant. En fait, selon une prédiction (ou prophétie) de Jean-Paul II et surtout de Benoît XVI.

C’est précisément parce qu’ils sont devenus plus « identitaires », si l’on peut dire, que les catholiques français ne veulent pas être protégés mais veulent faire entendre leur voix dans la sphère publique, et ils ne font certainement plus confiance aux vestiges des différentes démocraties chrétiennes à la française, désormais incarnées par Bayrou, qui est complètement subordonné à Macron. C’est précisément en raison de ce plus grand sentiment de fierté de se dire croyant que l’hostilité de l’époque de Hollande vaut toujours mieux que l’indifférence de Macron: le fait est qu’aucun candidat ou pré-candidat n’a réchauffé le cœur des croyants jusqu’à l’arrivée de Zemmour.

Zemmour est juif, une croyance qu’il a pratiquée jusqu’en 2013, mais il répète depuis des années qu’il est « imprégné de catholicisme ». Et c’est bien le cas, car étant un nationaliste gaulliste, Zemmour sait très bien que l’histoire de France, qui ne commence pas en 1789, serait inexistante sans l’Église catholique d’une part et le catholicisme d’autre part, à la fois comme dévotion populaire et comme imprégnation dans la haute culture, et la culture littéraire en particulier. En lisant ses livres, le dernier La France n’a pas dit son dernier mot mais surtout, en matière de religion, le précédent Destin Français, on s’aperçoit qu’il s’inscrit dans la tradition de ce que Maurice Barrès, romancier et parlementaire de droite au début du XXe siècle, appelait les « athées catholiques ». Personnellement non croyants, mais convaincus que sans le catholicisme nous ne serions rien, nous n’aurions pas de passé, mais surtout nous n’aurions pas d’avenir. Les « catholiques adultes » se moquent de cette tendance, qu’ils jugent insincère et presque destinée à instrumentaliser la religion: mais en réalité, elle la protège, notamment contre le défi de l’Islam, bien plus que de nombreux « croyants dévots ».

Zemmour est le premier, et bien plus que Fillon lui-même, à dire aux catholiques français « je vous ai entendu », qu’il est prêt à faire entendre leur voix dans la sphère publique et politique en tant que partie fondamentale de la nation française. Au fond, Zemmour s’inscrit dans la continuité du gaullisme originel du Général, d’André Malraux et de bien d’autres, et du néo-gaullisme  » souverainiste  » de Philippe de Villiers et de Philippe Seguin, ainsi que de diverses intuitions de Sarkozy, même si ce dernier n’échappe pas à la critique de Zemmour comme étant excessivement « américanisé ».

Rien à voir avec l’extrême-droite ou le racisme, comme l’écrivent les grands médias, et comme le prétendent les politiciens de gauche et ceux de la « gauche de droite », c’est-à-dire beaucoup de représentants du PPE. D’ailleurs, aujourd’hui, De Gaulle, Malraux, Pompidou seraient considérés comme d’extrême droite. Alors que le pays français réel est devenu de plus en plus conservateur, le pays légal et le pays médiatique se sont déplacés à gauche. Et pour des journaux comme Le Nouvel Observateur, Libération ou Le Monde, être croyant (dans le christianisme, bien sûr, pas l’islam) est désormais considéré comme une chose infamante, dont il faut avoir honte, tandis que les églises et les édifices religieux catholiques tombent en ruines ou sont incendiés par des « mains mystérieuses ».

Peut-être que Zemmour n’ira pas loin, peut-être même qu’il ne se présentera pas aux élections : mais à partir d’aujourd’hui, les catholiques français ont un espoir de plus.

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