Le président américain, en visite au Vatican, a reçu un accueil chaleureux qui à lui seul illustre les contradictions – et le caractère – du Pape. Qui ne sont des contradictions qu’en apparence. Les médias catholiques ont l’habitude de dire que son comportement au sujet de l’avortement est impeccable, qu’il ne cesse de le condamner de la façon la plus ferme: comment justifient-ils, alors, qu’il déroule le tapis rouge pour un pro-avortement notoire, et que, pour une fois qu’il aurait eu l’occasion de le dire face-à-face à « l’homme le plus puissant du monde » (enfin… selon une vulgate de moins en moins crédible), il élude soigneusement le thème, concentrant son discours sur l’agenda de l’ONU?

Communion pour les pro-avortement, l’appui du pape à Biden

Nico Spuntoni
La NBQ
30 octobre 2021

La visite de Biden à Rome et l’appui retentissant du pape qui l’a qualifié de « bon catholique » et lui a dit de « continuer à recevoir la communion ». Le président américain a sorti sa carte maîtresse pour porter un coup fatal aux évêques américains, à quelques jours du vote sur la cohérence eucharistique. Mais Bergoglio a déjà dit qu’il n’avait jamais refusé la communion à qui que ce soit.

Joe Biden ne fait pas ses débuts au Vatican, ayant déjà rencontré saint Jean-Paul II en 1980 en tant que simple sénateur et Benoît XVI et François en tant que vice-président en 2011, 2013, 2015 et 2016. Mais la rencontre d’hier a peut-être dépassé ses attentes les plus folles. En effet, le pape Bergoglio a accordé au président américain une interview de 75 minutes au cours de laquelle les deux hommes ont parlé de l’environnement, de la lutte contre le Covid et des migrants.

Si les chiffres disent quelque chose, il suffit de comparer la durée de l’audience d’hier avec celles accordées à ses prédécesseurs dans le passé : 50 minutes à Barack Obama, à peine 30 minutes à Donald Trump. Les images vidéo diffusées en différé par les médias du Vatican témoignent d’une atmosphère de cordialité entre les deux hommes qui n’avait rien de cérémoniel : larges sourires, plaisanteries répétées, poignées de main prolongées. Le cadre était également rehaussé par la présence d’Elisabetta Savigni Ullmann, l’interprète officielle de la Maison Blanche, devenue une idole sociale de la « bulle » Twitter pour son expression contrite lors d’une conversation entre Trump et Mattarella. Cette fois, la traductrice originaire de Livourne n’a pas boudé, mais a souri tout au long de la réunion.

L’heure et quart au Vatican pourrait laisser des séquelles importantes dans le débat au sein de la conférence épiscopale américaine sur le refus ou non de la communion aux politiciens catholiques pro-avortement. La bombe, qui pourrait avoir des effets perturbateurs à l’étranger, a été lancée par Joe Biden lui-même qui, pressé par les journalistes au Palazzo Chigi, en présence du Premier ministre Mario Draghi, a révélé que le pape l’avait décrit comme un « bon catholique » et lui avait dit qu’il devait « continuer à communier ».

Les propos de l’actuel locataire de la Maison Blanche, notoirement pro-choice et récemment sévère à l’égard de la loi anti-avortement du Texas, risquent de déstabiliser les évêques américains en vue du vote qu’ils auront à effectuer dans trois semaines sur la déclaration formelle sur la cohérence eucharistique. La plupart des membres de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, comme il est apparu lors d’une assemblée en juin dernier, restent fermement sur la ligne Ratzinger, celle exprimée dans une note de 2004 du préfet de l’époque de la Congrégation du Vatican pour la doctrine de la foi, selon laquelle le prêtre doit refuser de distribuer l’eucharistie à un politicien catholique qui fait systématiquement campagne pour l’avortement.

Biden a ajouté que ni l’avortement ni la Conférence des évêques catholiques des États-Unis n’ont été abordés lors de l’audience au Vatican, mais la révélation que le pape était favorable à ce que le président reçoive le sacrement malgré son soutien à des politiques contraires au magistère de l’Église ne risque pas de passer inaperçue. Il n’est pas exclu que l’occupant de la Maison Blanche lui-même, lors de sa rencontre avec les journalistes au Palazzo Chigi, ait voulu sortir cet as du chapeau pour porter un coup fatal à ses compatriotes évêques.

Bien entendu, la définition de « bon catholique » à Biden ne passe pas non plus inaperçue parmi ceux qui ont suffisamment de mémoire pour se rappeler qu’au moment de l’élection présidentielle de 2016, Bergoglio avait dit du candidat républicain de l’époque, Donald Trump, qu' »une personne qui ne pense qu’à construire des murs, et non des ponts, n’est pas chrétienne ». Cette sortie présidentielle, d’autant plus s’il s’agissait d’une « conversation privée » comme il l’a toujours affirmé aux journalistes, place le Souverain Pontife dans une position inconfortable aux yeux des évêques américains déterminés à réitérer leur non à la distribution de l’Eucharistie aux hommes politiques qui soutiennent l’avortement. A moins que la révélation du contenu de ce point précis de la conversation n’ait été convenue avec Bergoglio lui-même.

Il y a un peu plus d’un mois, le pape était revenu sur sa condamnation de l’avortement lors d’une conférence de presse aérienne, mais avait également avoué qu’il n’avait jamais refusé la communion à quiconque. Et la question du journaliste faisait précisément référence à la situation du pro-choice Biden.

Ces derniers jours, le cardinal Raymond Leo Burke a même fait entendre sa voix. Dans un message publié sur son site Internet (et traduit en français ici), il a demandé à l’Église américaine de défendre l’application du canon 915 du Code de droit canonique, qui stipule : « Les excommuniés et les interdits, après l’infliction ou la déclaration de la punition et les autres qui persévèrent obstinément dans un péché grave et manifeste, ne sont pas admis à la Sainte Communion ».

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