Americo Mascarucci revient (dans le blog de Marco Tosatti) sur les termes de la lettre « mystérieuse » (cf. Cardinal Pell: cette mystérieuse lettre reçue en prison…) adressée au cardinal alors qu’il était en prison, et en réalité émanant de Benoît XVI (quoique non signée… peut-être pour ne pas alerter les autorités pénitentiaires). Il est indéniable que l’usage répété des mots « catholique » et « catholicité » revêt une signification particulière alors que le pape régnant répugne à les employer. Le journaliste y voit même une sorte de langage codé de la part de Benoît XVI. Peut-être…

Stilum Curiae, 8 novembre 2021

On a beaucoup parlé ces derniers jours de l’interview donnée par le cardinal George Pell au Corriere della Sera. [Je vais me concentrer sur] les paroles adressées par Benoît XVI au cardinal australien dans les durs jours de son emprisonnement et de son épreuve avec la tristement notoire accusation de pédophilie (et là, cher Marco, je m’excuse si je risque d’apparaître comme un thuriféraire, mais Stilum Curiae était parmi les rares, peut-être le seul, à croire en l’innocence de Pell et à le défendre alors que le monde entier tenait sa culpabilité pour acquise et que les médias catholiques oscillaient entre garantismo [en Italie, conception politique qui prône la protection des garanties constitutionnelles du citoyen contre les éventuels abus de la puissance publique] intéressé et complaisance envers l’opinion publique culpabiliste). Présentant son livre « Journal de prison » lors d’une rencontre au Sénat organisée par Paola Binetti, Pell a révélé ce que Benoît XVI lui a écrit alors qu’il était en prison : « Vous avez aidé l’Eglise catholique en Australie à sortir d’un libéralisme destructeur, en la guidant à nouveau vers la profondeur et la beauté de la foi catholique… Je crains que maintenant vous deviez payer pour votre catholicité inébranlable, mais de cette façon vous serez très proche du Seigneur ».

C’est la première fois que le cardinal révèle l’identité de l’auteur de la lettre, qui était jusqu’à présent restée anonyme. « Maintenant je peux vous donner l’indiscrétion », a dit Pell aux personnes présentes, « Cette lettre était de Benoît XVI ».

On dira que Ratzinger faisait référence au fait que Pell a toujours été contesté par le monde LGBT pour ses positions très critiques sur l’homosexualité et pour les batailles qu’il a menées contre la reconnaissance des unions homosexuelles. Mais en lisant le texte de la lettre, on ne peut s’empêcher de remarquer que le terme « catholique » est répété trois fois en quelques lignes : « Église catholique, foi catholique, catholicité ».

On a souvent dit que le Pape émérite aime s’exprimer « en code » et peut-être jamais auparavant comme dans cette lettre il n’y a eu vraiment un code particulier et entièrement à déchiffrer. « Je crains que vous deviez maintenant payer aussi pour votre catholicité inébranlable », écrit Ratzinger, et ce terme ne peut pas avoir été jeté là par hasard. Benoît XVI aurait pu utiliser des mots bien différents, parlant par exemple de « foi inébranlable » ou de « doctrine inébranlable » ou de « fidélité inébranlable au Magistère ». Mais non, il utilise le terme « catholicité inébranlable », ce qui a un sens explosif. En effet, le terme « catholique » est celui qui est le plus banni par l’Église bergoglienne, le pape régnant utilisant presque exclusivement le terme plus neutre de « chrétien ». Et il le fait de plus en plus souvent, se référant non pas à la « foi dans le Christ » mais à un comportement typique de l’être humain, lié à la conscience. Sens forgé par Karl Rahner, qui a même qualifié les athées de chrétiens, parlant d’un « christianisme anonyme » de la part de ceux qui, bien que n’étant pas chrétiens, se comportaient comme s’ils suivaient leur propre conscience. Un christianisme sans Christ.

« Il n’y a pas de Dieu catholique » a été l’une des premières déclarations choc de Bergoglio à son ami athée Eugenio Scalfari, et plusieurs fois le terme catholique a été utilisé par le pontife régnant dans un sens péjoratif. Comme lorsqu’il a dit que « être catholique ne signifie pas faire des enfants comme des lapins », ou « être catholique pour beaucoup signifie être sectaire », etc.

C’est pourquoi la référence à la catholicité inébranlable que Benoît XVI a placée comme une décoration sur la poitrine de Pell ne peut qu’avoir une signification très précise. Tout d’abord, le terme « inébranlable » laisserait entendre que la catholicité de Pell ne s’est jamais effondrée. Peut-être parce qu’elle s’effondre dans le reste de l’Église? Et n’est-il pas légitime de penser que, dans ces lignes, Benoît XVI s’adressait non seulement à ce monde libertaire qui avait tout intérêt à écarter le cardinal australien pour ses positions dérangeantes sur l’homosexualité, l’avortement, l’euthanasie, etc. mais aussi à l’Église elle-même ? « Vous avez aidé l’Église catholique d’Australie à sortir du libéralisme destructeur, la guidant à nouveau vers la profondeur et la beauté de la foi catholique… » dénonçant explicitement la façon dont l’Église australienne avait été convertie par ledit « libéralisme destructeur ». Et donc que « Je crains que maintenant vous deviez payer pour votre catholicité inébranlable » lu en filigrane et comme conséquence de ce qui a été écrit avant revient à dire : « Maintenant l’Église qui fait s’effondrer sa catholicité vous fait payer tout cela ». Si deux et deux font quatre, il y a peu à discuter. Et il suffit de regarder la source des accusations contre Pell pour voir comment le cercle se referme parfaitement. Est-ce une simple coïncidence que le principal accusateur de Pell soit Peter Saunders, nommé par Bergoglio comme consultant auprès de la Commission pontificale pour la protection des mineurs ? Et que le Saint-Siège a abandonné le cardinal australien à son sort et s’est tenu à l’écart de l’affaire, pour ensuite s’indigner de l’acharnement judiciaire lorsque le cardinal a été innocenté ? Il peut s’agir d’un hasard, mais le fait que Pell soit maintenant soudainement réhabilité par les mêmes médias qui ont alimenté le pilori à son encontre est également suspect. Peut-être parce que ses déclarations sont utiles pour donner le coup de grâce au cardinal Angelo Becciu, ancien numéro deux de la Secrétairerie d’État, accusé dans un procès pour le moins « anormal » ?

(…)

Americo Mascarucci

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