Les propos tenus sur une grande chaîne de télévision italienne par l’ex-président du conseil, accueillis par le silence complaisant sinon complice des intervieweurs, soulève en effet le grave problème de l’information, et pas seulement en temps de guerre (comme le soulignait l’autre homme de Goldmann-Sachs, mais pas dans le sens où il l’entendait). En réalité, une mini-caste d’élites, relayée par des journalistes à leur botte, s’est emparé de l’information, et toute opinion dissidente est marginalisée ou ridiculisée [(1)]. On peut légitimement se demander quel cours la pandémie (ou sa gestion) aurait suivi si la narration avait été différente (cela vaut évidemment pour une multitude d’autres sujets)

La « communication de temps de guerre » que Monti veut

Ruben Razzante
La NBQ
30 novembre 2021
Ma traduction

L’information sur le Covid a souvent provoqué panique et confusion, comme on peut le constater aujourd’hui avec l’apparition du variant Omicron. Mais pour remédier à ce problème, Monti a forcé la dose, en demandant publiquement que les informations soient « dosées » et organisées d’en haut, comme en temps de guerre. Silence des journalistes.

Avec une information plus correcte et responsable, le déroulement du Covid aurait-il été le même ? Chacun a le droit d’avoir sa propre réponse à cette question, notamment parce que l’histoire ne se fait pas avec des si. Ce qui est certain, c’est que la communication institutionnelle sur le virus a été inadéquate et que le terrorisme médiatique fomenté pendant de longues périodes de la pandémie par les principaux médias, avec la complicité des virologues, a causé d’énormes dommages à la collectivité. Aujourd’hui, même ceux qui ont alimenté cette spirale commencent à l’admettre et à se rendre compte qu’ils sont allés trop loin. Le parquet de Bergame [foyer symbolique de la première vague, en mars 2019, avec les images terrifiantes des convois funèbres de véhicules militaires réquisitionnés ndt] révèle de plus en plus les responsabilités du gouvernement précédent, et des rumeurs circulent sur une possible mise en examen du ministre de la santé, Roberto Speranza, accusé d’avoir menti sur les actions de lutte contre le virus.

La dernière alerte concernant le variant Omicron confirme que rien n’a changé et que les gens s’habituent à l’urgence permanente et à la peur stable, adhérant à une vision déformée de la normalité, celle du renoncement continu à la liberté et aux droits. Quiconque, tout en respectant les règles, tente de réfuter leur validité et de proposer des solutions alternatives est considéré comme un hérétique, étant donné que la situation actuelle présente encore de grandes marges d’incertitude, malgré l’accélération sur les troisièmes doses de vaccins.

Nous en avons eu la preuve tangible dans les talk-shows de ces derniers jours. Une grande partie du monde du journalisme semble aujourd’hui s’être prosternée devant une pensée dominante entièrement a-critique, alignée sur le récit dominant, mais qui ne repose pas sur des preuves scientifiques. Et il y en a même qui affirment que toute opinion alternative devrait être réduite au silence parce qu’avec « moins de démocratie » dans l’information sur le Covid, nous vivrions tous mieux . Ce n’est pas un dangereux subversif qui soutient cette thèse, mais un sénateur à vie. Mario Monti, invité de l’émission « In Onda » il y a quelques soirs sur La 7, s’est emporté contre la confusion dans les médias et a demandé que l’information soit gérée d’en haut par le gouvernement, avec des messages sans ambiguïté et donc sans opposition. Dans l’absolu, il serait même juste que le pouvoir exécutif, sur des sujets d’intérêt général, diffuse des messages d’utilité publique basés sur des preuves certaines et non équivoques. Il est cependant dommage qu’en matière de Covid, il n’y ait pas de certitudes et que l’on navigue à vue, avec une succession tourbillonnante et incohérente de messages contradictoires, de promesses vagues et de feux de paille, ce qui a déstabilisé l’opinion publique, de plus en plus désorientée et découragée. Il y a un antécédent, loin d’être sans importance.

Monti n’est pas seulement sénateur à vie et ex-Premier ministre. L’année dernière, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a créé une commission paneuropéenne de l’agence des Nations unies pour la santé et le développement durable, dans le but de repenser les priorités des politiques publiques à la lumière de la pandémie, et lui en a confié la présidence.

C’est en partie à cause de ce rôle que l’ex-Recteur de la Bocconi [université privée italienne spécialisée dans les sciences économiques, la finance, les sciences politiques, l’administration publique et le droit, située à Milan] s’est senti autorisé à enfoncer le clou sur le sujet de la désinformation. Il est toutefois dommage qu’il ait utilisé une expression malheureuse, qui est devenue virale et aurait dû susciter l’indignation du monde du journalisme. Au lieu de cela, rien. « Tout à coup », a dit Monti à la télévision, « nous avons vu que la façon dont le monde est organisé est obsolète. Nous avons commencé à utiliser le terme de guerre, mais nous n’avons pas utilisé une politique de communication adaptée à la guerre. Nous devrons trouver un système qui concilie la liberté d’expression mais qui dicte l’information d’en haut. Parler constamment du Covid ne mène qu’à des désastres. La communication de guerre signifie qu’il doit y avoir un dosage de l’information. Il faut trouver des moyens moins démocratiques. Nous avons accepté des limitations très fortes de notre liberté de mouvement. Le gouvernement, instruit par les autorités sanitaires, devrait tenir les rênes de ce modèle de communication ».

Des mots forts, indubitablement. Si l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi avait tenu ces propos, ils auraient été immédiatement qualifiés de liberticides par tous les médias ou presque. Mais encore aujourd’hui, si c’était un politicien de droite qui les avait fait siennes, on aurait crié au scandale. C’est la confirmation d’un préjugé profondément ancré dans le monde de l’information, qui a la vie dure, comme le reconnaissent honnêtement de nombreux journalistes qui se disent de gauche.

Ce n’est pas un hasard si, dans le studio de télévision de La7, personne n’a pipé, et si les journalistes qui interviewaient Monti, au lieu de sursauter, avaient presque l’air satisfaits. Pourtant, la liberté d’opinion est sacrée et souhaiter que les points de vue alternatifs à celui du gouvernement puissent être censurés au nom de l’intérêt national est vraiment aberrant. Diffuser de fausses nouvelles est un crime, inciter à la haine est un crime, porter atteinte aux droits personnels d’autrui est un crime, mais interpréter une situation incertaine et évolutive, sur laquelle même les scientifiques disent tout et n’importe quoi, d’une manière différente des positions officielles du gouvernement, est parfaitement légitime et démocratique. Empêcher la libre circulation des idées sur le Covid et des opinions sur les stratégies déployées par les gouvernements pour limiter la pandémie s’apparente à un bâillon. Le fait qu’il y ait autant de journalistes qui sont complaisants vis-à-vis de leurs interlocuteurs n’est pas le signe d’une démocratie de l’information mature. Le journalistes presse, approfondit, ne considère jamais rien comme acquis, et ils doit être irrémédiablement amoureux du pluralisme des idées s’il ne veut pas devenir un gratte-papier et un porte-paroles a-critique de l’opinion d’autrui.

Il aurait été souhaitable que quelqu’un (Monti lui-même ou les présentateurs) explique aux citoyens que le souhait de « moins de démocratie » n’était qu’une hyperbole pour souhaiter une information plus ordonnée et responsable. Il faut espérer que c’était le cas et que les propos du sénateur à vie ne cachaient pas une volonté cachée et inavouable d’homologuer et d’écraser la dissidence [là, l’auteur se fait l’avocat du diable…]

Heureusement que le président de l’Ordre des journalistes, Carlo Verna, a réagi en conséquence : « Les propos de Mario Monti ne méritent même pas une réponse, car il s’agit de déclarations dénuées de tout sens démocratique et en nette contradiction avec la Constitution italienne et les principes européens en matière de liberté d’information ». Silencieux, par contre, les « grandes voix » du journalisme, qui voudraient l’abolition de l’Ordre mais se taisent ensuite devant des épisodes regrettables comme celui-ci.

Ndt

(1) Rappelons à ce sujet ce que disait Benoît XVI dans une interviewe inédite avec son biographe Peter Seewald. C’était dans un autre contexte (« mariage » gay, lois bio-éthiques, etc.) mais cela s’applique parfaitement ici:

« La véritable menace pour l’Église vient de la dictature universelle d’idéologies apparemment humanistes, les contredire conduit à l’exclusion du consensus de base de la société (…) La société moderne entend formuler un credo anti-chrétien: ceux qui s’y opposent sont punis par l’excommunication sociale. Avoir peur de cette puissance spirituelle de l’Antéchrist n’est que trop naturel (…)».

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https://www.benoit-et-moi.fr/2020/2020/11/16/la-menace-vient-de-la-dictature-universelle-dideologies-apparemment-humanistes/
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