Le blogueur argentin The Wanderer poursuit son analyse très critique du pontificat bergoglien par une question théologique en apparence réservée aux initiés mais qui en fin de compte concerne tous les fidèles (auxquels elle reste abordable): si le Pape refuse manifestement, par ses paroles et ses actes publics « la confession de Pierre » qui fait de lui le roc sur lequel repose l’Eglise du Christ… est-il encore le Pape?

(The Wanderer, 4 janvier, traduction d’après la version en italien d’AMV)

Je ne suis pas théologien, donc ce que je vais dire n’est qu’une opinion parmi tant d’autres. C’est pourquoi je demande toujours à ceux qui sont théologiens – et je veux dire professionnels de cette science – de corriger ce qui doit l’être. Je présenterai une hypothèse, rien de plus, en demandant aux experts de la tailler, de la redresser ou, éventuellement, de la démolir.

Nous, catholiques romains, nous distinguons des autres chrétiens parce que nous sommes en communion avec l’évêque de Rome, en qui nous reconnaissons le vicaire du Christ et le chef visible de l’Église. Et nous le faisons parce que nous considérons que celui qui occupe le Siège romain est le successeur de l’Apôtre Pierre, à qui Notre Seigneur a accordé de tels privilèges.

Tout cela est basé sur ce qu’on appelle la confession de Pierre, le passage qui est raconté dans l’Évangile de saint Matthieu (16, 13-20), et dans Marc et Luc de manière plus concise. Rappelons les mots centraux :

Il leur dit : « Qui dites-vous que je suis ? ». Simon Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Et Jésus dit : « Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas, car ce n’est ni la chair ni le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.

L’interprétation de ce passage défendue par nous autres catholiques romains est que le « rocher » sur lequel le Seigneur a fondé son Église est Pierre. Les autres Églises chrétiennes ne l’interprètent pas de cette manière. Et, pour être honnête, nous devons admettre que même les Pères de l’Église, pour la plupart, ne l’ont pas interprété de cette façon. Selon eux, le « rocher » sur lequel l’Église est fondée est la « confession de Pierre », c’est-à-dire le Christ, pas Pierre. Pour confirmer ce que je dis, il n’est pas nécessaire d’être patrologue, ni d’avoir à sa disposition une vaste bibliothèque en grec et en latin. Un bon aperçu peut être obtenu dans La Chaîne d’or de saint Thomas d’Aquin [cf. eschatologie.free.fr]. Par exemple, saint Jean Chrysostome écrit :

En d’autres termes, sur cette foi et sur cette confession, je bâtirai mon Église. Des mots qui impliquent que beaucoup croiront en la même chose que Pierre a confessée. Le Seigneur bénit les paroles de Pierre et fait de lui un pasteur. ( Homiliae in Matthaeum, hom. 54, 2 )

Même saint Augustin, tout en admettant qu’elle peut aussi être considérée comme celle que nous préconisons, est favorable à cette interprétation :

J’ai dit en un certain endroit, en parlant de l’apôtre saint Pierre, qu’en lui, comme dans une pierre, l’Église a été construite. Mais je n’ignore pas que j’ai par la suite, en de nombreuses occasions, exposé les paroles du Seigneur: dans un passage, en parlant de l’apôtre Pierre, j’ai dit que sur lui, comme sur une pierre, est fondée l’Église. Je sais cependant que j’ai souvent interprété différemment les paroles du Seigneur « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ». C’est-à-dire que j’ai compris que « sur cette pierre » signifiait : sur celui dont Pierre a témoigné par les mots « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », et que donc Pierre, pour avoir reçu son nom de cette pierre, représente la personne de l’Église construite sur cette pierre et a reçu les clés du royaume des cieux. Il n’a pas été dit à l’Apôtre: « tu es [une] pierre, mais tu es Pierre ». La pierre était donc le Christ, et c’est parce qu’il en a témoigné, comme l’a fait toute l’Église, que Simon a reçu le nom de Pierre (1 Co 10, 4). Que le lecteur choisisse laquelle de ces deux opinions est la plus probable » (Retractationes 1,21).

Mon hypothèse ? La voici. Pierre est le rocher sur lequel l’Église est fondée aussi longtemps qu’il confesse que Jésus de Nazareth est le Verbe de Dieu fait chair. Et il en va de même pour les successeurs : ils sont le rocher, c’est-à-dire les vicaires du Christ et les chefs visibles de l’Église, non seulement par l’élection canonique des cardinaux et par leur intronisation au siège romain, mais aussi pour autant qu’ils confessent Jésus comme le Verbe. Ce serait l’élément formel du munus, tandis que les autres seraient des éléments matériels. Et pour qu’un baptisé soit considéré comme le successeur de Pierre et le porteur de la promesse, les deux conditions doivent être remplies.

Si mon interprétation est correcte, tous les élus d’un conclave doivent confesser le Christ, et lorsqu’ils sont couronnés ou installés, ou quelle que soit la façon dont vous voulez définir le fait de prendre possession du Siège romain, ils doivent faire une profession de foi, contenant la confession.

Cependant, que se passerait-il si un pape cessait de confesser que Jésus est le Verbe ? L’élément formel qui le constitue comme successeur de Pierre disparaîtrait et, par conséquent, il cesserait de l’être. Il ne serait plus le rocher sur lequel l’Église est construite, ses actes magistériels et gouvernementaux seraient nuls et non avenus, et les catholiques seraient libérés de toute obéissance.

Mais pour abandonner la confession, un acte explicite est-il nécessaire, ou suffit-il que l’on nie effectivement la divinité de Notre Seigneur ? Je ne veux certainement pas dire que le péché est un motif de déni. Un pape pouvait avoir des amants en abondance, tuer ses rivaux ou voler l’or des nobles romains, mais il pouvait toujours garder sa foi et maintenir sa confession. Ce à quoi je fais référence, ce sont des actes concrets et sans équivoque qui mènent directement à la conclusion que cette personne a cessé de confesser le Christ.

L’une des façons de démêler ce nœud théologique est, bien sûr, d’essayer de trouver une explication à ce qui se passe dans l’Église romaine dirigée par un personnage aussi particulier que le pape François. Notamment parce que, comme des milliers d’autres catholiques, j’ai des doutes sérieux et fondés sur la foi de Jorge Bergoglio. Confesse-t-il vraiment le Fils de Dieu et confirme-t-il les catholiques dans la foi ?

Je rappellerai ici quelques événements, parmi tant d’autres, survenus au cours de son pontificat exténuant, dans lesquels il semblerait que pour Bergoglio, contrairement à Pierre, Jésus n’est pas le « Christ, le Fils du Dieu vivant ».

  • Eugenio Scalfari, un ami proche du pontife, écrit :

Le pape François m’a dit :  » [Ces phrases] sont la preuve que Jésus de Nazareth une fois fait homme, bien qu’homme aux vertus exceptionnelles, n’était pas complètement un Dieu (La Repubblica, 5 novembre 2019, p. 35).

Bien que le Bureau de presse du Saint-Siège ait démenti ces propos, toutefois, compte tenu de la gravité de la déclaration publiée par quelqu’un qui est, en plus de son ami personnel et confident habituel, un journaliste connu écrivant dans un journal largement diffusé en Italie, il est étrange qu’il n’y ait pas eu de clarification de la part de François lui-même.

  • Quelqu’un qui signe le Document d’Abu Dhabi sur la fraternité humaine (4 février 2019), nie tacitement la divinité de Notre Seigneur, puisqu’il place la foi catholique en égalité absolue avec l’Islam. Le principe de non-contradiction dans son sens le plus classique, reste valable : « Il est impossible qu’une même chose appartienne et n’appartienne pas à la même chose en même temps, selon le même aspect ». Si Jésus est le Fils de Dieu, alors le christianisme est la seule vraie foi, les autres n’étant que des falsifications. Par conséquent, pratiquer une foi ou l’autre n’est pas la même chose, et la « diversité des religions » n’est pas quelque chose que Dieu veut, comme l’indique ce document. En d’autres termes : si Dieu voulait qu’il y ait positivement plus de religions dans le monde, y compris celles qui ignorent ou nient la divinité de son Fils incarné dans le sein de la Vierge Marie, alors il voudrait que les gens tombent dans des cultes faux et idolâtres et, pire encore, Dieu se contredirait lui-même.
  • Enfin, un fait mineur mais significatif. Fin octobre dernier, le gouverneur de Santiago del Estero (Argentine) a inauguré le Parque del Encuentro, « un lieu œcuménique de dialogue interreligieux qui vise à mettre en valeur la diversité des croyances et l’esprit de rencontre mutuelle ». Le site comprend cinq édifices inspirés de l’architecture des grands monuments – une mosquée, une synagogue, une chapelle Sixtine, un temple bouddhiste et un temple protestant – autour de l ‘ »amphithéâtre de la Pachamama ». Eh bien, le monument, d’un kitsch inégalé et construit dans une province aussi démunie que Santiago del Estero, a reçu la bénédiction du pape François lui-même qui, dans une note manuscrite, a donné sa bénédiction et a déclaré:

La nouvelle de cette entreprise m’a réjoui. Le fait qu’au milieu de tant de désaccords, une communauté ait le courage de faire quelque chose comme cela présuppose du courage, de l’audace et, surtout, le désir de marcher ensemble.

Ceux qui confessent que Jésus est le Fils de Dieu peuvent-ils se réjouir, bénir et encourager ce genre d’initiative ? Impossible. La confession de Pierre bloque toute forme de syncrétisme et exige l’exclusivité.

La conclusion conduit à une question : si le pape François, dans des faits fréquents et des expressions concrètes, ne proclame pas la divinité de Notre Seigneur, c’est-à-dire ne le confesse pas comme l’a fait Pierre, peut-il continuer à être considéré comme son successeur ? Est-il toujours le rocher sur lequel le Christ a édifié son Église ?

La question que je pose n’est pas une question rhétorique. Je pose une question sérieuse qui, pour dérangeante qu’elle soit, mérite réflexion et je demande à ceux qui ont la compétence d’y répondre et de nous faire la charité de nous éclairer.

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